À l’horizon des Holding 29

L’aube de l’ingénierie patrimoniale

d'Lëtzebuerger Land du 03.12.2009

« C’était l’heure où le jour chasse le crépuscule » écrivait Victor Hugo en 1872 dans L’année terrible. Cette citation est d’actualité à un moment où le Luxembourg voit disparaître son régime des sociétés Holding 1929 (ci-après « H29 ») et met à disposition des investisseurs une palette d’instruments et de véhicules innovants pouvant parfaitement se substituer aux H29 dans le respect du droit communautaire et des conventions internationales.

Dans la lignée du rapport Primarolo de 1999 listant les pratiques fiscales dommageables au sein de l’Union européenne, la Commission européenne a, le 19 juin 2006, sonné le glas du régime des H29 en décla­-rant qu’elles constituaient une aide d’État (i.e. en ce qu’elles poursuivent une activité économique1) au sens de l’article 87 §1 du traité instituant la Communauté européenne. Toutefois, une pério­de transitoire courant jusqu’au 31 décembre 2010 a été accordée dans le souci de préserver la sécurité juridique des investisseurs. Toute nouvelle création ou transfert d’une participation dans une H29 existante est donc proscrit au cours de cette période.

Pour rappel, les H29 sont des sociétés détenant des participations financières qui bénéficient d’un régime fiscal particulier pour autant que certaines conditions soient remplies. Elles ne sont en effet ni soumises à l’impôt sur le revenu ni à l’impôt sur la fortune mais sont assujetties à une taxe d’abonnement de 0,2% calculée sur la valeur de leurs actions2. Les holdings milliardaires3 peuvent cependant opter pour un impôt sur le revenu spécial calculé à divers taux (entre 0,1%, 1,8% et 3%) selon la nature et les montants des dividendes, intérêts, tantièmes et émoluments payés à certains créanciers et prestataires. En raison de leur régime fiscal, les H29 sont exclues du bénéfice de la plupart des conventions fiscales internationales signées par le Luxembourg.

Dans le contexte de l’émergence d’une véritable ingénierie patrimoniale en réponse au processus de « phasing out » de certaines pra­tiques cataloguées « pas vu, pas pris », la fin du régime des H29 pourrait apparaître comme un obstacle supplémentaire pour le Luxembourg. Nous préférons y voir l’aube de nouvelles opportunités pour la place financière luxembourgeoise à condition de savoir en gérer les contraintes.

Dès aujourd’hui, l’extinction du régime des H29 représente une étape annonciatrice d’importantes perspectives qui, certes, recèle quelques défis. À ce titre, les administrateurs, avec l’aide de leurs conseils, se devront d’être particulièrement attentifs à la gestion de cette transition eu égard notamment aux problématiques suivantes :

– Il y a eu lieu d’éviter de croire en de fausses évidences qui consisteraient à considérer le régime de la société de gestion de patrimoine familial (« SPF »), comme une alternative spontanée au régime H29. En effet, ce régime est soumis à diverses restrictions au niveau (i) des investisseurs éligibles4, (ii) d’un champ d’activité restreint qui exclut l’exercice de toute activité commerciale5, justifiant l’interdiction de tout prêt rémunéré afin de ne pas constituer une aide d’État au même titre que la H29, et (iii) des limites d’investissements synonymes de formalisme6;

– Tout schéma alternatif aux H29 devra faire l’objet d’une étude préalable afin de répondre aux besoins spécifiques des investisseurs selon (i) la fiscalité des revenus et les dispositions anti-abus applicables dans leur pays de résidence et (ii) la nature de leurs investissements. ;

– La palette de solutions offertes par le Luxembourg est vaste allant de la conversion en société pleinement imposable au fonds d’investissement dédié et sera fonction des besoins spécifiques des investisseurs tel qu’expliqué précédemment. Au Luxem­bourg, la société pleinement imposable pourra s’avérer dans bien des situations comme une alternative adaptée compte tenu de la multitude de finesses que recèle son régime ;

– La question de la substance économique devra être abordée afin que ni la résidence fiscale luxembourgeoise ni le bénéfice éventuel des conventions fiscales internationales conclues par le Luxembourg ne puissent être remis en cause ;

– Le diable se cachant dans les détails, le changement éventuel dans le traitement fiscal de la rémuné­ration des administrateurs (tantièmes) devra être pris en compte. Les tantièmes versés par une H29 milliardaire à des administrateurs non résidents n’étaient en effet pas soumis à retenue à la source à Luxem­bourg alors que le versement de tantièmes par une société pleinement imposable est soumis à une retenue de 20%.

Ces défis sont l’occasion de mettre en exergue la richesse de l’ingénierie financière luxembourgeoise dans le souci de répondre au mieux aux besoins des clients, tout en respectant leur législation d’origine.

Olivier Wibratte, Michel Guilluy
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