Zoom Editions

Le joli monde de Zoom

d'Lëtzebuerger Land vom 06.03.2015

P’tit bili, Atomes crochus, Danse du ventre, Gros béguin... chez Zoom Éditions, on a le sens de la formule et les huit collections de la maison sont à son image : gaies, colorées, didactiques sans être scolaires ou moralisatrices, poétiques... Le logo aussi : un drôle d’oiseau aux yeux rigolos formés par les deux O surmontés du Z, tout à la fois chapeau et gros sourcil interrogateur, le V formé par l’espace entre les deux branches du M formant un vif bec jaune.

« Quand on est petit, on n’a pas de grosse pression commerciale. L’idée est de rester différent, ça ne sert à rien de concurrencer les gros ! » explique Claudine Furlano, grand sourire et mains qui parlent, derrière son bureau au milieu du stock de 30 000 ouvrages. Depuis mai 2014, Zoom Editions est installé dans un bureau du 1535°C, l’ancienne usine d’Arcelor Mittal de Differdange reconvertie en espaces de travail partagé, où se côtoient l’immense open space du journal L’Essentiel, et des bureaux d’architectes, graphistes, photographes, producteur... une foisonnante écurie de talents. Tout en longueur et avec une impressionnante hauteur sous plafond, le bureau de Zoom est aussi son entrepôt.

Voilà déjà plus de treize ans que Claudine et son mari Nicolas Lefrançois ont fondé cette maison d’édition jeunesse. C’était le 2 novembre 2001. Ils avaient un crédo, le livre bilingue, mais pas seulement ! Zoom, « un nom qui sonne bien dans toutes les langues et qui charrie l’idée de zoomer sur un sujet avec les différentes collections » s’épanouit sur plusieurs terrains : contes-recettes autour du monde avec la collection Danse du ventre, zoom sur un métier avec Kifékoi, petits livres cartonnés comme des jeux avec Dents de lait… P’tit bili, la collection bilingue, existe en français / italien, français / allemand, français / anglais, français /espagnol. Des petits contes illustrés, au format poche, souples, qui reprennent à la fin des fiches de vocabulaire. Il suffit de feuilleter la diversité des ouvrages pour vite se rendre compte que les auteurs et dessinateurs « maison » ont tous une pâte, une originalité bien identifiée : proximité avec le manga, ou le conte, dessins crayonnés, ligne claire, BD... Zoom a tout pour plaire au public exigeant que sont les enfants.

« Au début des années 2000, reprend Claudine, le secteur était en pleine ébullition. Mes parents, toujours installés au Luxembourg où j’ai moi-même grandi, avait la possibilité de nous mettre un grand local à disposition pour le stock. On s’est lancés, avec une idée romantique de l’affaire, un peu naïfs... » Ils commencent par faire « tout tout seuls », puis trouvent un petit diffuseur, qui ne suit pas. Nicolas commence alors à faire le tour des librairies, des écoles, des bibliothèques : « ça fortifie, mais c’est un métier à part entière ! » Puis le couple travaille avec un gros diffuseur. Là encore, l’osmose n’est pas au rendez-vous : « Il vendait des livres comme il aurait pu vendre des saucisses ! » Claudine en rigole aujourd’hui, mais il n’en est pas moins vrai que l’entente avec son diffuseur est au cœur du bon fonctionnement d’une maison comme la leur. Après ces débuts pas faciles, l’insouciance s’émousse un peu, la passion et la volonté, jamais. « Aujourd’hui, nous avons décidé d’assumer nous-même l’étape ‘diffusion’. Avec Internet, on peut facilement communiquer sur la maison, notre travail, notre démarche. Mais nous gardons le distributeur, qui lui ne va pas à la rencontre des clients. »

Les ouvrages de Zoom éditions sont distribués en France, en Belgique et au Luxembourg. Sur le terrain luxembourgeois, les choses sont parfois un peu compliquées, pour écrire la langue notamment. « Tout n’est pas encore complètement fixé, explique l’éditrice, même les enseignants ne savent pas toujours comment orthographier certains mots. » Toujours est-il que le marché est bien là, car si les livres en luxembourgeois existent, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous (voir l’édition du 9 janvier, l’article sur quatre beaux livres pour enfants en luxembourgeois).

Quant aux livres en français, ils sont souvent assimilés à l’école, à des choses rébarbatives. Zoom prend justement le contrepied du scolaire, notamment avec les Ateliers du livre qu’anime Claudine : fabrication de petits livres avec simplement des feuilles pliées et des tampons, à imprimer soi-même, de livres illustrés, de livres d’artistes, atelier gravure, initiation aux métiers du livre ou encore atelier Kamishibaï, ce théâtre de proche japonais, (littéralement « pièce de théâtre sur papier »), « super pour les plus timides ! », confie Claudine, que tous ces ateliers « amusent beaucoup ! » On la croit volontiers, quand on voit avec quelle générosité elle raconte sa maison.

Sans compter que les ateliers constituent une source de revenus non négligeable. Car le monde de l’édition jeunesse reste financièrement peu attractif. « Éditer, c’est un peu comme entretenir une danseuse de Music Hall, ça coûte cher, c’est très inconstant et ça ne rapporte rien », écrit Nicolas Lefrançois, non sans esprit, sur le site de la maison. En plus de ses responsabilités chez Zoom, Nicolas travaille comme professeur de français langue étrangère, un métier pour lequel il s’est découvert une passion. Il faut bien ça pour faire tourner leurs deux maisons, celle des livres et celle qui abrite leur tribu de quatre enfants. Le couple, qui s’est rencontré en Belgique, où il a étudié, illustre et écrit parfois un livre pour Zoom. Un clin d’œil à leurs premières amours, pour elle qui vient du monde de l’illustration et pour lui qui a suivi une formation à la bande dessinée. Un gros béguin toujours renouvelé... entre eux deux et entre ces livres qu’ils fabriquent avec un enthousiasme jamais démenti. Il n’y a qu’à voir les yeux émerveillés de Claudine et se laisser porter par sa façon de raconter les histoires pour sentir ce goût du partage qui caractérise Zoom Éditions.

Gros béguin est aussi une des collection de la maison. Ce sont les coups de cœur, pour un auteur, un dessinateur. Des beaux-livres au format italien, au papier précieux. Des histoires traitant « de sujets de société actuels mais pas de façon lourdingue ! » prévient Claudine, comme ce Monsieur Loiseau, sur la prison. Une réussite, qui fait marcher à fond l’imagination des enfants, qui s’en inspire même, notamment de la façon dont ils perçoivent des mots, des expressions nouvelles, dans des albums tels que Papa c’est quoi un homme haut sèkçuel ? ou encore Déesse des elfes sur le trottoir (des SDF).

Aujourd’hui, avec l’expérience, les hauts, les bas, il y a toujours des peurs. « Il y a une vraie angoisse quand le livre arrive, confie Claudine Furlano. Tout le monde s’y est mis avec son petit cœur et quand il faut ouvrir les palettes, rien n’y fait, j’ai toujours peur. Pour les auteurs et les illustrateurs aussi, car ce sont souvent des jeunes rencontrés sur des salons, des gens que nous avons envie de faire découvrir, c’est une responsabilité. Notre imprimeur est en République thèque, il est très bien, et en Europe, mais pas tout près quand même, et parfois je me dis « j’aurais du y aller pour dire de diminuer le rouge, de faire le noir moins noir... » Ou alors on ouvre le livre et on tombe sur la faute d’orthographe ! »

Des peurs, mais aussi des fiertés. Par exemple cet album récent, La Cigogne de fer qui déposa mon frère ; une splendide histoire sur l’adoption adaptée de la vie de l’auteur Guénola Moreau, portée par l’univers poétique et merveilleux de la dessinatrice Lola Roig. « J’en suis fière parce que l’histoire est superbe et aussi parce que c’est une très belle réalisation ! Il n’y a pas de coquille, les couleurs sont bien sorties... », raconte l’éditrice.

Pour les deux derniers albums de la collection Gros béguin, La Cigogne... et Adama, l’étrange absence d’un copain de classe (sur la question des enfants sans papiers, écrit par Remedium, enseignant dans une banlieue parisienne), Zoom Éditions a inauguré une forme de partenariat avec des ONG telles qu’Amnesty International ou la Croix Rouge. 0,50 euros leur sont reversés pour chaque exemplaire vendu. Des projets de traduction sont aussi à l’étude. Il n’a pas fini de voler haut, le drôle d’oiseau curieux du logo de Zoom.

Zoom Editions sera présente à la Kulturfabrik le 2 mai de 16 à 20 heures, à l’occasion de la Nuit de la culture d’Esch-sur-Alzette, pour des ateliers en continu ; www.zoomeditions.com.
Sarah Elkaïm
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