Marcel Goeres

Maître d’hôtels

d'Lëtzebuerger Land du 17.12.2009

On l’imagine en homme d’affaires pressé, accordant son temps au compte-goutte. On rencontre un monsieur passionné, qui n’hésite pas à parler décoration et respect des vieilles pierres en long et en large. Rien ne prédestinait pourtant Marcel Goeres à investir – de sa fortune et de sa personne – dans l’hôtellerie. Chimiste de formation, il est devenu chef d’entreprise à 28 ans grâce au mythique et philanthropique Henry J. Leir, son patron et surtout son maître à penser. « J’avais une grande amitié pour lui, et lui me considérait comme un fils. Il aimait beaucoup donner une chance à des jeunes gens motivés. C’est lui qui m’a appris mon métier. C’est lui qui m’a appris à croire en des projets et à accorder ma confiance », insiste Marcel Goeres.

Un chimiste donc, qui décide de changer de vie lorsque la soixantaine approche et que la crise immobilière du début des années 1990 change la donne. « Je me suis dit que faire maintenant ? J’avais le choix entre jouer au golf et me lancer dans une nouvelle activité ». Une rapide étude de marché, un brin d’instinct et beaucoup d’intelligence de l’évolution du Luxembourg et c’est la naissance de l’Hôtel Parc Belair, le premier de la série des quatre « hôtels Parc » qui font de sa nouvelle entreprise le plus important groupe hôtelier made in Luxembourg. Et ce n’est certainement pas fini.

Tout d’abord l’affaire est petite et familiale. Trois de ses filles travaillent avec lui, une trentaine de personnes à tout casser. Aujourd’hui le groupe compte plus de 160 personnes et n’a plus rien de familial. Un directeur général et un directeur adjoint gèrent l’entreprise dont Marcel Goeres est propriétaire. À l’en croire, tout s’est enchaîné très vite, les trois autres hôtels, puis les sept points de restauration qui constituent désormais près de 50 pour cent des revenus du groupe. « On a eu une bonne année ensoleillée et on a de belles et grandes terrasses, » énonce-t-il sobrement. C’est tout bête. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt.

C’est en effet ce que ce magnat des hôtels luxembourgeois a l’air de dire : le paysage économique actuel regorge d’occasions et d’opportunités qu’il se contente de saisir. Mais il faut aussi lui reconnaître un esprit d’initiative unique et une excellente connaissance du terrain. Ses prises de contact avec différents grands propriétaires fonciers – l’archevêché et la commune de Luxembourg notamment – donnent lieu de fil en aiguille à la réalisation de nouveaux projets d’hôtels. L’idée d’un hôtel de charme en plein cœur de la vieille ville, c’est lui qui l’a soufflée lorsqu’il fut consulté. Pas étonnant que ce soit lui qui ait finalement remporté l’appel d’offres et que soit né ainsi le dernier des Hôtel Parc, le Beaux-Arts, judicieusement situé à côté du Musée national d’histoire et d’art. Celui-ci en particulier illustre parfaitement la « manière » Goeres, son approche du commerce. « Ma philosophie : il faut travailler ensemble, être complémentaire avec ce qui existe déjà et ne surtout pas créer la concurrence, » précise-t-il. Pour celui-là, Marcel Goeres a fait appel à des peintres luxembourgeois pour orner chaque chambre. Depuis, certains de ces artistes sont devenus des amis. Il fonctionne comme ça, au feeling et au coup de cœur, loin de cette image d’Épinal de l’homme d’affaire ne s’intéressant qu’aux variations de la bourse.

La restauration ? L’idée s’est imposée d’elle-même, d’abord en accompagnement du service hôtelier, puis parce que petit à petit le groupe Goeres s’est forgé l’image de redresseur de lieux voués à la faillite. Comme le pavillon du parc de Belair, sept changements de gestionnaires en dix ans avant la reprise par le groupe il y a seize ans. Ou comme le troquet du théâtre des Capucins, transfiguré désormais en « Art café », ou comme le point restauration du Conservatoire et bientôt celui du Musée d’histoire de la Ville de Luxembourg. Le succès est la meilleure promotion. Bien souvent on vient le chercher en lui proposant des projets, car on sait que des hommes prêts à se lancer dans l’aventure comme il sait le faire, il y en a peu.

Dernier projet en date, un bijou : Le château de Schengen qui ouvrira ses portes en avril 2010, en phase avec le 25e anniversaire du fameux traité. Et toujours le même principe : un groupe Goeres locataire qui refuse de toucher aux murs. Seule la décoration intérieure apporte la petite touche qui rend les établissements de la chaîne si reconnaissables. Et pour cause, elle est toujours menée tambour battant par la même équipe d’artisans autour d’un couple de décorateurs d’Aix-en-Provence, les Misbach. Tout le monde s’implique dans le moindre détail. À commencer par Marcel Goeres.

Romina Calò
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