Tzeedee

Acte de naissance prometteur

d'Lëtzebuerger Land du 01.02.2019

Dans le cadre de la série Next generation du magazine de jazz allemand Jazz thing, est paru chez Double Moon records le premier album du batteur autochtone Michel Meis, Lost in translation, Michel Meis avait déjà présenté son projet, finalement enregistré entre octobre et novembre 2017 au centre culturel régional Opderschmelz à Dudelange, lors de la dernière édition du festival Like a jazzmachine. Tout comme dans l’album, il était accompagné sur scène par Alisa Klein au trombone – « the soul of the band » avait-il dit –, Cédric Hanriot aux claviers et Stephan Goldbach à la contrebasse. De mémoire, l’audience était plutôt enthousiaste. Depuis, le projet s’est matérialisé en un album de huit titres, pour 44 minutes de musique.

Le parti pris de la pochette du disque en dit déjà long. On y voit Michel Meis, du moins son buste, tout de noir vêtu, de la veste à la cravate. Il est aspergé de peinture jaune, un peu comme s’il revenait d’un concert mouvementé du Blue Man Group. Le livret du projet présente quant à lui quelques photographies en noir et blanc des quatre artistes du Michel Meis Quartet, prenant la pose au Mudam. Peu d’informations sur les morceaux, c’est donc à l’auditeur de les interpréter. L’introduction de l’album, King Kong, débute par deux notes au piano répétées en boucle. Les cordes grinçantes viennent s’y greffer, avant que le cuivre et les percussions ne viennent dynamiter l’ensemble. Le son du trombone au nez bouché sonne plutôt bien. Le calme arrive avec un court interlude, puis l’énergie revient en force. Les musiciens jouent et ne font que jouer. Un solo au piano assez prudent se fait remarquer, jusqu’à une envolée plus qu’appréciable. Les quatre artistes jouent ensuite à l’unisson avant que ne sonne la fin du morceau, prématurée et brutale.

Desire, le second titre, met d’abord en avant un cuivre qui pleure. De longues improvisations s’enchaîent, l’opus est décidemment un album de musiciens. Lost in translation, troisième et titre éponyme du projet, débute par des percussions timides mais entraînantes. Le piano a laissé place à un clavier qui propose des nappes groovy style orgue électrique. La batterie se met en feu et le batteur tient une rythmique admirable. On ressent une atmosphère un tantinet kafkaïenne. Reflection propose une approche assurément plus contemporaine. Quelques notes au piano, le trombone qui grince, des bruits étouffés comme rembobinés, les instruments tremblent comme terrorisés. Dans la seconde partie, le piano et la batterie donnent le la.

L’inévitable Hope, cinquième pièce en théorie plus optimiste, démarre ensuite. La contrebasse gigote et coupe les autres instruments qui essayent de construire une mélodie. Un leitmotiv simple mais entraînant s’enclenche. On retient encore un joli solo de Cédric Hanriot. S’ensuit In a dream, un morceau carré, titre de studio relaxant mais qui flirte dangereusement avec l’ennui. Arrive Heaven, une reprise du titre de Depeche Mode tiré de leur album Delta Machine. Le clavier reprend la mélodie du morceau. Le trombone et la contrebasse se cherchent, puis se caressent. Les cordes exultent, un peu comme dans la version originale où des chœurs se faisaient entendre sur le dernier refrain.

Morena est la conclusion de l’album. Alisa Klein y excelle. Le cuivre y est omniprésent. Le clavier groove. Les deux instruments se tournent autour là encore, se complètent parfois et se confondent presque. Lost in translation est donc un disque de musiciens. Le quartet est mis en avant de manière égale et ce, au détriment parfois de la batterie, un comble pour le premier disque d’un batteur. Malgré la présence de quelques gimmicks essorés et d’un aspect trop carré, qui va à l‘encontre même de ce que laissait présager la pochette, Lost in translation s’avère être l’acte de naissance d’un quartet prometteur.

La release du disque aura lieu ce soir, vendredi 1er février, au Opderschmelz à Dudelange ; plus d’informations : michelmeis.com et opderschmelz.com.

Kévin Kroczek
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