Partenariats Public-Privés (PPP)

Une solution durable, économiquement avantageuse, mais à certaines conditions

d'Lëtzebuerger Land du 22.02.2013

Depuis plusieurs années, la réalisation de projets d’infrastructure publique, organisée et exécutée conjointement par le pouvoir public et un partenaire privé sous forme d’un partenariat public-privé (ci-après PPP), s’est établie comme une alternative pertinente au mode de réalisation conventionnelle. Malgré un grand nombre de projets réussis dans des pays germanophones (tels qu’en Allemagne, en Suisse, au Luxembourg ou au sein de la communauté germanophone en Belgique), le concept des PPP fait régulièrement face à des critiques non-constructives. Le présent article analyse de façon critique ce concept, mettant en exergue ses avantages et soulevant les contre-arguments actuels.

La majorité des projets PPP réalisés dans les pays germanophones concernent des projets de génie civil, notamment des écoles, des bâtiments administratifs, des crèches, des infrastructures sportives, des hôpitaux ou bien d’autres infrastructures particulières, telles que les centres pénitentiaires. Dans le cadre d’un PPP, le partenaire privé (en règle générale une société de projet de type Sàrl ou joint venture) prend en charge la planification, la construction, l’exploitation et le cas échéant le financement d’un bien immobilier. Dans la plupart des cas, le pouvoir public (villes, communes ou état) reste propriétaire du bien immobilier, qu’il met à la disposition du partenaire privé pour que celui-ci prenne en charge certaines tâches liées à ce bien - incombant normalement au pouvoir public - sur base d’un contrat bien spécifié (dénommé « Inhabermodell»). Dans le cadre d’un PPP, il ne s’agit donc pas d’une privatisation de la propriété publique.

En fonction du cycle de vie du bien immobilier et dépendant des exigences du pouvoir public, la durée d’un projet PPP varie entre 15 et 30 ans pour la phase d’exploitation, précédée d’une phase de construction. Par l’apport d’un savoir-faire technique, l’optimisation des interfaces entre planification, construction et exploitation tout au long du cycle de vie ainsi qu’un transfert optimal des risques vers le privé, un tel projet génère davantage d’efficacité si on le compare à un projet de réalisation conventionnelle. Ces gains en efficacité bénéficient à toutes les parties prenantes. En fonction de l’arrangement de financement prédéfini, le pouvoir public rémunère le partenaire privé sur base d’un versement trimestriel / semestriel. Ces paiements couvrent l’amortissement des investissements, les intérêts liés et les coûts d’exploitation (maintenance, facility management, etc.) et sont fixés et généralement non révisables pendant la phase d’exploitation. À l’échéance de la période contractuelle, le pouvoir public réceptionne le bien immobilier en très bonne qualité (« comme neuf »), ce qui constitue l’une des obligations contractuelles les plus importantes pour le partenaire privé.

Le PPP suscite des gains d’efficience et d’efficacité, et donc des économies pour le pouvoir public.

L’approche de cycle de vie fait partie intégrante du concept de PPP. Il permet en effet de prendre en considération la gestion de la totalité du cycle de vie économique d’une infrastructure ou d’un bien immobilier. À l’inverse, l’attribution de marchés individuels pour couvrir la totalité des prestations requises engendre, en somme, un coût supérieur.

La plus grande partie du coût total de grands projets de construction est déterminée au moment de la phase de planification d’un projet, alors que la matérialisation économique de ces coûts intervient plus tard dans la phase d’exploitation. Il est intéressant de constater à quel point la motivation d’un partenaire privé, responsable du bien pendant la totalité de son cycle de vie, peut avoir des répercussions sur le coût total.

Un partenaire privé a donc naturellement pour engagement de planifier et d’exploiter le bien immobilier de la façon la plus intéressante d’un point de vue coût, tout en respectant des « service levels », qui règlent la qualité technique et opérationnelle requise.

Et pourtant, la réalisation de projets sous format PPP fait l’objet de biens des débats, qui n’arrivent cependant pas à remettre en cause l’apport qualitatif de tels projets. Paradoxalement, la majorité des projets réalisés est couronnée de succès, exécutée à la satisfaction du pouvoir public et des utilisateurs finaux.

Analyse économique : Comparaison et allocation adéquate des risques

Pour savoir si un PPP s’avère économiquement avantageux par rapport à une réalisation conventionnelle, il faut procéder à une analyse approfondie et préalable (« vorgeschaltete Wirtschaftlichkeitsuntersuchung »). Coûts et revenus liés au projet tout au long de sa vie économique (planification, construction, exploitation) sont recensés et actualisés, en tenant compte d’un facteur d’actualisation. Toutes les valeurs actuelles sont rassemblées et analysées afin de déterminer la solution la plus intéressante d’un point de vue coût. Ainsi, la valeur actuelle d’une réalisation conventionnelle (« Public Sector Comparator (PSC) ») sert de base de comparaison. Pour des raisons économiques et politiques, seules les alternatives PPP, dont la valeur actuelle s’avère supérieure au « PSC », peuvent être prises en considération. Dans le cadre des calculs précités, un certain nombre de facteurs peuvent modifier ces variables. Ceci s’intègre dans une approche à long terme, mais constitue un défi à la fois pour une réalisation conventionnelle et une réalisation sous forme de PPP.

En fait, c’est surtout sur la fiabilité de ces hypothèses que les préconisateurs et les critiques du concept des PPP divergent. Bien souvent, très peu de donnés historiques permettant de déterminer la valeur du « PSC », sont disponibles. En outre, le standard de qualité requise dans un projet PPP en matière d’architecture, de fonctionnalité et de facilité d’exploitation est souvent très exigeant. Par conséquent, la réalisation d’un projet de manière conventionnelle, tout en garantissant un niveau de qualité équivalent, serait au moins aussi couteux. Ainsi, il convient de prendre en considération toutes les hypothèses sous-jacentes et les valeurs actuelles qui en découlent, que ce soit dans le cas d’une réalisation conventionnelle ou d’un projet PPP.

Financement et endettement

L’argument que la réalisation de projets PPP constitue avant tout une solution de financement en temps de budgets publics serrés ne porte pas assez loin.

Il est vrai que, dans de nombreux projets PPP, le partenaire privé assume le financement sur le long terme et englobe les coûts à répercuter sur le public dès la phase d’exploitation. En conséquence – et en fonction de l’allocation de certains risques et des standards comptables en vigueur – l’endettement lié à la réalisation du projet ne figure pas, dans certains cas, dans le budget du pouvoir public en tant qu’endettement lié à un investissement, mais plutôt en tant que dépense courante.

Même si la réalisation de projet de type PPP constitue plus qu’un simple modèle de financement, tel que présenté en début d’article, la question du financement représente néanmoins l’un des éléments clés de la prestation du partenaire privé. Le financement touche en particulier à la logique de concept de cycle de vie et d’attribution des risques du projet. Aussi faut-il constater que de nombreux projets d’infrastructure publique réalisés sous un modèle PPP n’auraient pas pu être réalisés en passant par un marché public conventionnel – c’est-à-dire par endettement public – en raison de restrictions du budget public.

Par ailleurs, si l’aspect de financement ne représente pas nécessairement l’aspect le plus fondamental de la solution PPP, il peut cependant prendre de nombreuses formes : d’une part comme investissement classique du partenaire public, et d’autre part comme pur financement de projet, bien sûr en fonction de la capacité financière du partenaire public et de l’environnement politique. Dans ces deux cas, une multitude de variantes est possible.

PPP et transparence

La question de la confidentialité et de la transparence des contrats entre le pouvoir public et son partenaire privé, qui ne sont facilement et complètement disponibles dans tous les détails, fait souvent l’objet de critiques, surtout lors d’un « contrôle démocratique » des dépenses publiques. Cependant, il faut admettre qu’en cas de réalisation conventionnelle, les détails des marchés publics ne sont également pas facilement et entièrement disponibles et accessibles au grand public.

Bien au contraire la réalisation de projet de type PPP se caractérise par un grand degré de transparence. Les analyses multiples précédant l’exécution même d’un projet mettent en avant clairement les coûts et les risques induits. Ceci permet, par conséquent, d’identifier les éventuels risques dans le montage d’un projet et de minimiser leur probabilité de matérialisation. Accessoirement, la transparence requise par la loi pour l’attribution de marchés publics, tout comme le contrôle explicit et institutionnalisé de la qualité prestée conformément au contrat, constituent un grand plus par rapport à la réalisation conventionnelle.

Avant d’établir avec assurance que le succès du format PPP dépend notamment du contexte concret d’un projet, il convient de prendre en compte tous les aspects économiques, politiques et juridiques.

Pour garantir la pérennité d’un PPP, il est primordial d’encourager l’investissement et la motivation des partenaires privés. Cette intégration – contrôlée par le pouvoir public - de l’efficience et de l’efficacité du marché privé se trouve au cœur du concept de PPP. Afin de permettre une gestion de projet optimisée par le pouvoir public, il convient également de prévoir une phase préparatoire détaillée, l’établissement d’un cadre organisationnel et contractuel adéquat ainsi qu’un accompagnement intensif dans la phase d’attribution.

Les trois auteurs sont respectivement Senior Manager chez Ernst & Young Business Advisory Services, Luxembourg, Manager chez Ernst & Young Business Advisory Services, Luxembourg et avocat chez Hoffmann Liebs Fritsch & Partner, Düsseldorf
Armin Tscheu, Thomas Michaelis, Alexander Flassak
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