Plan hospitalier

Changements imprécis

d'Lëtzebuerger Land du 29.06.2000

Révolution ou non ? La nouvelle mouture du Plan hospitalier, telle qu'il a été présenté en ses grandes lignes (à quelques exceptions près, concernant notamment la procréation médicalement assistée) au gouvernement en conseil la semaine dernière, propose d'un côté des changements radicaux sans jamais véritablement se prononcer de l'autre. Son adoption définitive, et donc la levée du moratoire, est prévue au courant du mois de juillet.

Selon le nouveau projet de règlement grand-ducal établissant le Plan hospitalier national, il n'y aura plus que deux catégories d'hôpitaux. Soit ils seront « général », soit ils seront « de proximité ». L'ancien projet, approuvé par l'ancienne majorité gouvernementale puis frappé par le moratoire décidé par la nouvelle coalition, distinguait encore entre hôpitaux principaux, régionaux et locaux. La différence se faisait selon les soins et services dispensés. L'agrément ministériel d'autoriser tel établissement de santé d'offrir tel service devait déterminer de fait sa classification initiale. Une fois cette classification établie, la distribution des services et spécialités entre les établissements ne devait se faire que selon son statut principal, régional ou local. Des dérogations à ce principe n'étaient pas prévues.

Le critère déterminant du nouveau Plan hospitalier est le nombre de lits : au-dessus de 175 lits, un hôpital sera dorénavant « général », en-dessous, il sera « de proximité ». Les services et spécialités proposés par un établissement hospitalier dépendront donc essentiellement du nombre de lits autorisés par le ministre de la Santé. L'hôpital de proximité ne pourra pas disposer d'un service de soins intensifs, ni de services spécialisés. Par dérogations ; le Plan hospitalier vise ici la collaboration avec ou le rattachement à un hôpital général ; les hôpitaux de proximité peuvent néanmoins élargir la palette des services proposés.

Le nouveau Plan hospitalier prévoit de la sorte une nouvelle classification des hôpitaux qui tient compte de plusieurs critères. Tout d'abord, en suivant les recommandations du groupe de travail « Planification hospitalière » (dont le rapport au ministre peut être consulté sur Internet www.etat.lu/MS) qui préconise, selon la clef de calcul en vigueur à l'étranger, un hôpital général pour 60 000 habitants, le gouvernement a pu régler avec une certaine acuité certaines problématiques nées du déclassement envisagé de certains établissements selon l'ancien Plan hospitalier.

La clef de calcul proposée cautionne pas moins de sept établissements généraux pour le territoire national. Les grands bénéficiaires de cette nouvelle approche sont, dans la région hospitalière du centre, la Clinique Ste Thérèse (Zitha), et, au Sud, l'Hôpital Princesse Marie-Astrid à Differdange (HPMAD), tous deux prévus pour devenir hôpital général. Alors que suivant l'ancien projet de Plan hospitalier, l'avenir de l'HPMAD était plus qu'incertain ; la Zitha devait être déclassée pour fonctionner en tant que hôpital régional, perdant l'agrément ministériel de certains services au profit de l'hôpital congréganiste du Kirchberg. 

La réalisation de ce projet était d'ailleurs la clef de voûte de l'ancien projet du Plan hospitalier : priorité absolue pour le Parti chrétien-social, ce dernier avait trouvé un terrain d'entente avec le parti socialiste pour le partage du secteur hospitalier, avec entre autres, la construction du futur Centre national de rééducation fonctionnelle et de réadaptation à Dudelange en tant que monnaie d'échange pour le projet du Kirchberg.

Le moratoire, imposé par le nouveau partenaire gouvernemental du PCS, le Parti démocratique, devait ainsi remettre les comptes à zéro - les libéraux étant très sensible à ce que le Centre de réadaptation soit prévu dans la région du Centre. La première mouture du Plan hospitalier n'était pas complètement délaissée pour autant, car une des raisons pour laquelle les chrétiens-sociaux ont finalement acquiescé au moratoire, était l'autorisation ministérielle acquise pour construire le complexe hospitalier au Kirchberg indépendamment de sa fonctionnalité future.

Dorénavant, la région du Centre devrait compter trois hôpitaux généraux : le Centre hospitalier, l'Hôpital du Kirchberg et la « Zitha » ; la région du Sud deux avec l'HPMAD et l'Hôpital de la Ville d'Esch-sur-Alzette. Mais en ce qui concerne les services offerts par ces établissements, le Plan hospitalier reste plus que vague : « (L'hôpital principal) peut disposer, pour autant qu'il y ait cohérence avec les besoins de la carte sanitaire, de l'ensemble des services hospitaliers, hormis ceux qui sont uniques pour le pays », stipule le projet gouvernemental, sans donner davantage de détails.

Le même flou règne pour l'intégration prévue de la Clinique privée Dr Bohler dans le complexe du Kirchberg. Elle ne semble toujours pas ac-quise, car elle dépend surtout de la localisation du service de néonatolo-gie, jusqu'ici rattaché au Centre hospitalier. Lorsque chrétiens-sociaux et socialistes se mirent d'accord sur le projet du Kirchberg, ils prévoyaient de scinder en deux ce service pour permettre à la maternité du Dr Bohler de pouvoir déménager au Kirchberg. Or, d'après de la carte sanitaire, le service de néonatologie ne connaît pas assez d'interventions pour en créer un second. Le groupe de travail s'est d'ailleurs prononcé contre la création d'un service national de néonatologie intensive, parce que la périodicité des interventions ne justifierait ni une rationalité économique, ni une occupation médicale à même d'assurer une spécialisation efficace. Mais la création d'un Centre national de néonatologie est prévu par le nouveau projet, sans mention d'un rattachement hospitalier. Mais étant donné qu'il s'agit d'un service national et qui donc ne pourra exister qu'une seule fois, on voit mal comment l'hôpital congréganiste pourrait le récupérer. La Maternité grande-ducale est en effet rattachée au CHL qui, par son statut, doit offrir ce service public. La néonatologie quant à elle est indissociable d'une maternité. La création d'un Centre national de rééducation fonctionnelle et de réadaptation est quant à elle certes prévue dans la future planification hospitalière, mais sans indication du lieu où il sera créé. Le Centre est ainsi présent par deux fois dans le projet de règlement grand-ducal : une fois dans la région Centre et une fois dans la région Sud, à chaque fois estampillé des remarques « à créer » et « le site reste à être fixé ».

En conséquence, si le Plan hospitalier tel que désiré assure en un premier temps la création respectivement la « survie » à classement égal de l'Hôpital du Kirchberg et de la « Zitha », mais aussi de l'HPMA, il reste cependant muet quant à l'évolution possible de ces établissements. De même qu'il ne s'exprime pas sur les sites ou rattachements des services nationaux restant à créer. Il s'agit d'une faiblesse dans le sens où la promesse de « ne pas tenir de considérations politiques pour établir le nouveau Plan hospitalier » ne se trouve pas tout à fait exaucée : toutes les décisions non prises relèvent en effet plus du politique que du médical.

L'autre point crucial du Plan hospitalier concerne le nombre de lits. Une des premières déclarations du mi-nistre de la Santé concernait la proportionnalité des lits d'hôpital par rapport à la population. Le ministre veut, et il l'annonce clairement dans le projet, parvenir à un taux de cinq pro mille de lits aigus. Cela entraînera des réductions de lits dans les différents projets ou établissements. Le projet du Kirchberg pourra ainsi faire une croix sur 36 des 373 lits prévus, mais quasiment tous les hôpitaux seront contraints par le nouveau Plan hospitalier de revoir à la baisse le nombre de lits offerts. La date limite pour réaliser ces réductions est fixée à 2003, date à laquelle le ministre de la Santé procédera à la prolongation des autorisations d'exploitation des différents établissements. L'évolution démographique à la hausse pourra être résorbée par l'évolution des techniques médicales, le ministère estimant qu'au vu de la baisse prévisible de la durée moyenne de séjour, le nombre réduit de lits restera suffisant en chiffres absolus pour répondre aux besoins d'une population en augmentation constante.

Le Plan hospitalier, tel que le compte présenter le gouvernement, tranche radicalement avec le projet précédent sans toutefois donner des instructions ou éclaircissements concrets en ce qui concerne la répartition voire la collaboration nécessaire entre les différents établissements. Tout au plus peut on remarquer que le gouvernement a choisi une sorte de statu quo de la situation actuelle en ce qui concerne le volet politique en traçant cependant un nouveau cadre dans lequel peuvent muer les établissements concernés. Un cadre qui se montre trop vague vu les enjeux.

 

marc gerges
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