Débat

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d'Lëtzebuerger Land vom 27.12.2001

Enfin, il s'est trouvé une institution publique pour accueillir la Fondation de l'architecture et de l'ingénierie et l'exposition accompagnant l'attribution de son Prix national triennal: le Musée d'histoire de la Ville de Luxembourg - dont la directrice, Danielle Wagener, fera partie du nouveau conseil d'administration de la fondation - a mis à disposition ses «salles d'actualité» à une petite exposition bien faite. Car même si l'association sans but lucratif fut sans aucun doute bien accueillie ces cinq ou six dernières années dans les salles élégantes de la Banque de Luxembourg, il est primordial que l'État et les Villes s'engagent aussi pour l'architecture de qualité, sa promotion, sa valorisation ou encore sa réflexion.

L'architecture est non seulement un art et un patrimoine, elle définit aussi comme peu d'autres formes d'expression artistique, l'espace de vie de nous autres, citoyens. Mais au Luxembourg, on n'a pas encore l'habitude de la réfléchir, de la penser, ou du moins, le grand public n'en a pas encore véritablement le réflexe. Et ce «grand public», ce sont aussi les maîtres d'ouvrages, qu'ils soient privés ou publics. L'Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils a beau lancer des campagnes de publicité pour améliorer l'image de l'architecte ou éditer son Guide des références, les mentalités n'avancent pas si rapidement. Comment pourrait-on sinon expliquer que les députés de la législature précédente votèrent sans sourciller le projet de loi sur la Cité judiciaire de Rob et Léon Krier et qu'ils n'en découvrirent les désavantages esthétiques et fonctionnels qu'avec trois ans de retard, une fois que même les Amis de la forteresse se sont réveillés?

Néanmoins, tout se passe aujourd'hui comme si plusieurs petits pignons se répondaient peu à peu pour faire avancer le schmilblick: les livres et les rapports annuels du Fonds d'urbanisation et d'aménagement du plateau du Kirchberg ou encore ceux du Fonds Vieille Ville, les recherches menées par des étudiants en urbanisme et en architecture sous la houlette de la Ville d'Esch (Urban Vision Esch 2006), ou, plus récemment, le travail très sérieux de la société de développement des friches industrielles Agora sont autant d'exemples non seulement d'une réflexion sur l'architecture et l'espace urbain, mais aussi de sa communication vers l'extérieur. Où soudain, les questions sous-jacentes à un bâtiment, son contexte, ses matériaux, ses dimensions, ses intentions, bref, tout ce qui ne se voit pas au prime abord sont documentés. 

Or, ce qui manque toujours, c'est un véritable Centre de documentation et de recherche sur l'architecture, qui fasse le lien entre les projets ponctuels ou géographiquement délimités. Dans un petit livret qu'elle a édité parallèlement au Prix de l'architecture, la Fondation esquisse de possibles voies de son développement, dont, justement, un tel centre, plaidant toutefois qu'il soit régi par les pouvoirs publics. 

Bien que ses détracteurs accusent souvent la Fondation de l'architecture de clanisme ou de népotisme, elle a des mérites indéniables: d'avoir fait venir d'importants architectes pour parler en public de leurs projets et de leurs réalisations, d'avoir organisé des expositions de l'oeuvre d'architectes luxembourgeois, leur procurant aussi bien une plate-forme de discussion qu'une possibilité de montrer leur travail à un public plus large, d'avoir organisé des Semaines de l'architecture avec visites guidées de bâtiments inaccessibles par ailleurs, pour n'en citer que quelques-uns. 

Il serait grand temps que la pérennité de telles initiatives privées soit assurée par une structure publique. Un exemple en illustration de cette nécessité : la grande exposition, co-organisée par la Fondation, dédiée à l'Architecture au Luxembourg en mars et avril dernier à Vienne. Pour une durée de deux mois, des plans, esquisses, maquettes - dont certains furent même retrouvés pour l'occasion, d'autres remis dans leur contexte historique - dressèrent une image assez complète de l'évolution du patrimoine architectural luxembourgeois. Où il s'avéra que la chose est digne d'intérêt, d'archivage et de réflexion. Mais le public luxembourgeois n'aura même pas l'occasion de la voir, aux dernières nouvelles, tous les plans et maquettes retournèrent dans leurs armoires respectives après le démontage, ce qui ne peut être dû qu'à «un moment d'inattention». Ou non ? 

josée hansen
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