Hermann et Valentiny

La filière Vienne-Luxembourg

d'Lëtzebuerger Land vom 22.11.2001

Ce n'est pas le premier livre consacré aux architectes Hermann [&] Valentiny. Qu'il y en ait eu, depuis les années 1980, deux ou trois déjà, suffit à montrer la richesse d'un oeuvre « in progress », et le fait se vérifie en feuilletant celui paru récemment aux éditions Birkhäuser, qu'il était temps de nouveau d'un bilan. Non pas que des choses aient radicalement changé depuis la dernière fois, depuis 1995 ; les projets et les réalisations n'ont bien sûr pas manqué, et des orientations ont quand même varié. Et puis il y a le regard de l'auteur, à chaque fois, et dans pareils livres, non moins celui du ou des photographes.

L'accent dans ce livre est logiquement mis sur les dernières années des activités du bureau partagé entre Vienne et Luxembourg, ou plus précisément Remerschen. Ce qui ne l'empêche pas de reprendre tel bâtiment antérieur comme la mairie de Bech-Kleinmacher par exemple ; il s'ouvre par ailleurs sur les deux lieux de travail, le village mosellan et Vienne-Wieden, épousant en cela le va-et-vient au commencement du texte de Liesbeth Waechter-Böhm.

Tantôt le regard de nos deux protagonistes se porte sur la Ringstrasse de la capitale autrichienne, avec le verdict : « unvermeidliche erste Einsicht : Nichts geht mehr », ce à quoi on pourrait opposer cet autre jugement d'un Viennois : Anything goes, c'était vrai peut-être aussi pour l'architecture à une certaine époque ; tantôt une sorte de repli dans l'intimité, dans une sphère plus privée, le décor de l'enfance. Le livre passera des jardins de Remerschen, du quartier viennois, au centre de ville de Halle-Neustadt, c'est-à-dire à une architecture d'ambition urbanistique.

D'une part, donc le texte de Liesbeth Waechter-Böhm, assez impressionniste, de l'autre les commentaires, plus objectifs naturellement, qui accompagnent plus loin les exemples choisis dans les projets et les réalisations des architectes. Une première approche quasi poétique : « Bauten wie Sushis, innen gekocht, aussen roh, » et à côté une photo souligne l'opposition en y ajoutant l'image d'oignons et de leurs couches.

Plus prosaïquement, Liesbeth Waechter-Böhm donne au lecteur quelques clefs qui lui serviront par la suite, dans la « lecture » des constructions. Il y a le jeu entre l'intérieur et l'extérieur justement, espaces et surfaces, plus ou moins fermées, largement ouvertes, il y a les matériaux, emploi du béton, du bois, de l'acier, il y a la couleur, dont le rouge (des deux bureaux, de la paroi de la galerie Clairefontaine), mais le noir est aussi présent, et puis les touches de jaune. . .

Le lecteur se frayera après (est-ce un bien ou un mal ?) son propre chemin, à lui aussi de revenir plus d'une fois en arrière, quand il s'agit de confronter telles solutions (ou des types architecturaux) qui peuvent être rapprochés. Il lui appartient de faire son ordre dans l'égrènement, s'attardant s'il le veut au domaine public, à la grande dimension si l'on veut, ou se concentrant sur les maisons particulières par exemple dans une belle triade pour finir, de Sanem, Remich et Wellenstein, cette dernière maison très ambitieusement mise sous les auspices de Socrate, à partir d'un texte de Xénophon : « Sokrates' Sonnenhaus : ein Trichter. Und wieder konzipiert in Basaltbeton, in Bretterschalung. Architektur pur. Roh, rauh. Aber geradezu unheimlich gut bewohnbar ». Dans un tout autre ordre, à comparer au projet H[&]V pour un opéra à Linz, au bord du Danube.

Et le lecteur, continuellement, de Luxembourg, à aller ou retourner en Autriche, comme pour telles maisons particulières aussi, Klosterneuberg, Vienne, Grossau. Difficile de ramener la multiplicité à l'unité, un style prend toutes sortes de formes, des adaptations à ce qui est donné ou imposé au départ.

Liesbeth Waechter-Böhm conclut sur l'autre volet des Hermann [&] Valentiny, leurs peintures, leurs sculptures. Mais c'est en architecture qu'il leur arrive dans cet ordre d'idées même de frapper le plus fort. Ainsi avec le champignon en béton mis au bord de la Moselle pour le Cep d'or ; ils ont créé un symbole qui vaut pour eux-mêmes, ils ont mis un point de repère indiscutable dans le paysage.

 

Hermann [&] Valentiny und Partner: Jetzt/Now ; de Liesbeth Waechter-Böhm; 208 pages, Birkhäuser, Biel-Benken;  2001; 50,61 euros ; ISBN: 3764363371

 

 

 

 

Lucien Kayser
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