Nuit de la culture à Esch

L’onirisme dans la rue

d'Lëtzebuerger Land du 11.05.2018

Samedi 5 mai s’est déroulée la septième Nuit de la culture à Esch-sur-Alzette. Le temps d’une soirée, centre-ville s’est métamorphosé en un musée en plein air. Un parcours a ainsi été tracé. Allant du conservatoire à la Place de la Résistance, puis tout du long de la Rue de l’Alzette jusqu’au site d’ArcelorMittal d’Esch-Schifflange. Un itinéraire jalonné de « stations » proposant des activités culturelles, lectures, expositions et performances artistiques, toutes déclinées sur le thème de la nuit et des rêves. Outre l’aspect de communion populaire que représente une telle manifestation, l’enjeu était particulièrement de taille cette année. En effet, les nombreux participants ont assisté au premier évènement d’envergure pour la ville d’Esch depuis l’annonce, en novembre dernier, de sa nomination en tant que capitale européenne de la culture en 2022. Retour donc sur une nuit qui se voulait onirique et qui a globalement tenu ses promesses.

Vers 19 heures, une longue file se forme devant l’ancien tribunal, place de la Résistance. Plusieurs artistes se sont emparés des lieux pour y créer des chambres thématiques et éphémères. Au premier étage d’abord. Au fond d’un couloir, rendu inaccessible, on aperçoit une souris blanche de taille humaine gesticulant, l’effet de vidéo projection est réussi. Au second étage, le collectif Alcôve propose en premier lieu Freeze, qui prend la forme d’une chambre d’ado en suspension, dans laquelle le temps s’est arrêté, les draps flottent, des objets sont en lévitation. Le calendrier indique le mois d’avril 1993, l’arrivée d’internet dans les foyers. Au fond, une pièce immaculée. Séance de bodypainting sur des modèles. Sur un lit, une jeune femme allongée est recouverte de ballons de baudruche blanc, les visiteurs sursautent en l’apercevant. Le dernier étage s’ouvre sur un long couloir mal éclairé. Plusieurs chambres ont été concoctées par le collectif Métalu à Chahuter. La première, est une salle des machines avec une imitation de métal rouillé aux murs. Des manettes et des boutons sont disposés, leur enclenchement produit des bruits stridents et des variations de lumières. Au fond, une dernière pièce, un cabinet de curiosités. Bric-à-brac intéressant, une figurine à l’effigie de la Vierge Marie se retrouve enfermée dans une vieille cage à oiseaux. Les visiteurs sont invités à fouiller dans les tiroirs, certains n’hésitent pas à emporter discrètement un souvenir.

Toujours sur la place de la Résistance, un autobus est stationné là, des auteurs se succèdent à tour de rôle pour proposer de courtes lectures. Au Musée de la Résistance ensuite, des portraits d’enfants sont suspendus à l’entrée. Dans le grand hall par contre, une inquiétante performance a lieu. Des chaises renversées sont recouvertes par une bâche transparente et une contrebasse est posée sur le sol. À l’étage, Emmanuel Fleitz joue de la contrebasse électrique, l’ambiance est pesante. Sur les escaliers, Sayoko Onishi, gisante, se relève péniblement. Elle bondit finalement et accourt, à quatre pattes vers les spectateurs. La danseuse et chorégraphe propose une superbe danse macabre déstructurée. Vers 21 heures, la parade débute, elle est emmenée par le collectif Les Grandes Personnes. Des marionnettes géantes ainsi qu’un dragon articulé, sur lequel un musicien mixe, déambulent à travers la rue piétonne. Quelques soucis techniques accompagnent le cortège. Certaines vitrines de commerce ont elles aussi été réquisitionnées par des artistes locaux, pour des mises en scène plus ou moins réussies. Un lâcher de lanternes célestes est effectué.

La nuit débute véritablement sur le site d’ArcelorMittal. La compagnie Carabosse est chargée de la mise en valeur de l’espace. Le chemin est éclairé par de longues torches. Sur place, de nombreuses sculptures en acier sont enflammées, des sphères et des fontaines en forme de spirales. Un clin d’œil à l’héritage sidérurgique de la ville plutôt bien senti. Stéphane Larose au chant et à la guitare électrique est en charge de l’ambiance sonore. De nombreuses enceintes disposées à travers le site diffusent ses envoûtantes mélodies. Les spectateurs se dirigent enfin dans un imposant chapiteau installé ici pour l’occasion. Sur scène, le Bortsch Orkestra revisite des standards à la sauce folklores de pays de l’Est. Les plus jeunes sont accoudés au bar, une bière ou un téléphone à la main et les quinquagénaires dansent et rient à gorges déployées.

Kévin Kroczek
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