Facebook, Twitter, Instagram, Vimeo – et quoi encore ?

Le musée à l’heure du virtuel

d'Lëtzebuerger Land vom 15.05.2015

Germain Kerschen et Nadine Clemens se connaissent bien. Ils travaillent dans le même domaine : le premier est chargé des relations publiques et community manager du Mudam, la seconde responsable de la presse et de la communication du Casino Luxembourg. Il y a neuf ans, ils ont travaillé ensemble à l’inauguration du Musée d’art moderne.

Nous les rencontrons dans le bel et clair espace du café du Mudam, aménagé par les designers français Ronan et Erwan Bouroullec, tout habillé de blanc et baigné de lumière naturelle. Objet de l’entretien : les réseaux sociaux. Facebook, Twitter, Youtube, Instagram... impossible aujourd’hui, quand on travaille à l’image d’une institution culturelle, de passer outre ces « nouveaux médias » qui font partie du quotidien connecté de tous.

« Nous avons ouvert la page Facebook du Mudam en 2008, pour toucher un nouveau public, pour casser l’image d’un musée fréquenté par des gens snobs. Ça n’a pas trop bien marché... commence Germain Kerschen. À l’époque, les actualités des pages d’institutions n’étaient pas affichées sur le wall, il fallait être une personne physique. Alors nous avons eu l’idée de nous servir de la mascotte du musée, Mudami, et créé la page Mu Dami. Ça a marché du tonnerre, en deux semaines nous avions plus de 500 amis !

Aujourd’hui, les actualités sont bien affichées sur le « mur » de Facebook et la page Mudam a repris du poil de la bête. Reste qu’il est difficile de se plier aux règles d’un média par essence fluctuant quand on a l’habitude de travailler sur des supports de communication plus classiques. « C’est difficile de parler de stratégie sur un média qui change d’interface tous les six mois, enchaîne Nadine Clemens. Pour moi, c’est un outil comme un autre, au même titre que le site ou la newsletter. » Dès lors, comment différencier, en terme de contenu, chaque support de communication ? « Sur le site, il y a tout, précise la jeune femme. Facebook, c’est l’éphémère par excellence, ça fonctionne comme une annonce, un rappel d’un événement... » « Il ne s’agit pas de montrer le musée dans sa globalité, mais de susciter l’envie par un détail », explique Germain.

Nul doute que ces nouveaux médias amènent au musée de nouveaux publics, mais difficile de tracer les nouveaux arrivants, à moins de demander ses pratiques à chaque visiteur. « Nous voulons que la visite au musée soit un moment agréable, s’il faut distribuer un questionnaire à chacun ça casse cette ambiance », assure Germain. « Ceci dit, rigolent-ils en chœur, ce serait utile pour tordre le cou aux affirmations du type ‘ah ! il ne fait que des post à longueur de journée !’ »

La Toile L’énorme avantage du réseau social, c’est précisément le réseau immense qu’il engendre. Quand vingt personnes s’inscrivent à la newsletter, c’est beaucoup plus sur Facebook. « L’effet réseau, je le constate surtout avec Twitter, précise Nadine Clemens. Nous sommes beaucoup re-tweettés, par la presse notamment. » Côté Mudam, Twitter accroche moins : « Nous sommes suivis par trop peu de monde pour que nos hashtags soient repris », regrette Germain Kerschen.

Dans la communication du Mudam, les photos ont beaucoup de succès. « C’est ce qui fonctionne le mieux ! Depuis quelques mois, un fan de la page Facebook du Mudam peut « taguer » une photo ‘Mudam’, et ainsi la photo apparaît directement sur notre page. Ça présente l’intérêt de toucher les ‘amis d’amis’ : les gens se disent ‘Tiens ! Si mon ami y est allé, ça doit être bien, je vais y aller aussi !’ », raconte Germain Kerschen. Mais attention, poster une photo implique aussi de tenir compte des droits d’auteurs. Un compte type Instagram peut ainsi devenir compliqué à gérer.

Au Casino, c’est l’outil vidéo qui est le plus consulté. Un succès qui a agréablement surpris Nadine Clemens : « Nous avons un lien Vimeo sur le site, avec quelque 150 interviews d’artistes, que les gens regardent jusqu’au bout ! Pourtant parfois ça n’est pas facile d’accès, c’est très expérimental... Sans doute le public cherche-t-il des explications moins conventionnelles, moins institutionnelles que le texte de présentation de l’exposition ! » Nadine confesse une légère tendance à la dépendance aux statistiques. : « Je suis accro ! » rit-elle, précisant qu’elle lui apportent beaucoup d’infos sur le public.

Avec modération Avec les nouveaux médias, le bad buzz est souvent grossi à l’extrême et prend le pas sur le positif. « Jusqu’à présent, je n’en ai eu qu’un, qu’il aurait fallu que je modère, confie Germain Kerschen. C’était à propos d’une vidéo mise en ligne un samedi. Je suis ensuite parti en week-end et de retour j’ai trouvé plus de cent commentaires ! C’était un film de quelques secondes, dans le cadre d’une carte blanche à Sylvie Blocher sur la thématique de la finance. Quelqu’un s’élançait et glissait sur une bâche, il atterrissait dans des caisses de bonbons, tout s’éparpillait. Les commentaires étaient du style ‘ Qu’est-ce que c’est que ça ?’, ‘C’est de l’art ?’ ou ‘Moi aussi je pourrais le faire !’... Rien de très méchant mais surprenant par le nombre ! À l’opposé, nous avons eu plus de cent likes pour la vidéo d’un chœur de jeunes Finlandais, mais on en a beaucoup moins parlé... »

Une institution culturelle qui fait le choix d’être présente sur les réseaux sociaux doit jouer le jeu, être à jour, sans pour autant pouvoir être sur tous les fronts. Pour Germain Kerschen comme pour Nadine Clemens, le plus important reste le site web. Flickr ? Youtube ? Un blog ? « Il faut faire des choix et miser sur ce qui marche, sur la qualité », disent-ils. Miser, aussi, sur une façon plus traditionnelle, moins virtuelle, d’aller à la rencontre du public. « Parallèlement à notre travail sur les réseaux sociaux, nous développons davantage le contact direct. Pour Memory Lab, j’ai contacté tous les clubs de photo, on se parle, on apprend à se connaître... » raconte Germain. « Le véritable face-à-face est fondamental », enchaîne Nadine. Tous les deux travaillent aussi beaucoup à améliorer le lien avec les enfants. Nos interlocuteurs se regardent, sourient de concert : « Il faut les attraper avant qu’ils deviennent ados et tombent dans le monde du virtuel ! »

Le week-end dernier, le Mudam avait plus de 17 500 mentions J’aime sur Facebook et plus de 12 400 Followers sur Twitter (contre 18 300 pour le Premier ministre Xavier Bettel ou 171 000 abonnés pour le Palais de Tokyo à Paris), mais seulement 125 abonnés sur Instagram. Le Casino Luxembourg totalisait un peu plus de 6 800 mentions J’aime sur Facebook et plus de 2 400 Followers sur Twitter.
Sarah Elkaïm
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