« Caractère provocateur »

Money.lu

d'Lëtzebuerger Land vom 17.06.2016

L’appel à candidatures d’artistes lancé par le Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, en charge de la production du pavillon à la Ca’ del Duca, pour la biennale d’art de Venise de 2017 avait généré 24 candidatures. À la mi-mai, le jury composé d’Emma Lavigne, la directrice du Centre Pompidou Metz, Franziska Nori, directrice du Frankfurter Kunstverein, de l’artiste Su-Mei Tse, de Claudine Hemmer, chargée des arts plastiques au ministère de la Culture, et de Kevin Muhlen, le directeur du Casino, s’est réuni une première fois pour sélectionner trois projets à développer avant le choix final (voir p.14). Parmi les recalés de la première sélection, il y a Money.lu, un projet de Guillaume Lochard, avocat, collectionneur et artiste, dont le jury a néanmoins salué « le caractère provocateur et quelque peu osé » par lequel ses membres se sentaient certes interpellés, mais qui n’a finalement pas fait l’unanimité. Pour sa position radicale, pour son implication socio-politique et pour sa volonté de partage, il nous a semblé intéressant de le publier. Peut-être qu’il pourra lancer un débat sur la pertinence des pavillons nationaux, la nécessité (ou non) d’une œuvre physique dans un tel pavillon et sur des questions comme le nation branding et la perception du Luxembourg comme paradis fiscal. jh

Avant projet :

I. Les prémices :
1. La Biennale de Venise, l’évènement d’art contemporain le plus couru du monde, ronronne. Chacun l’a constaté, le glam’, la vanité, le luxe, occupent le terrain. Les yachts flottent, l’art est à la peine, injustement. La géopolitique des « pavillons », disséminés par ordre de PIB ou de puissance de feu est obsolète. Alors pourquoi Venise ?
2. Le Grand-Duché de Luxembourg est à nouveau sous la lumière des projecteurs mondiaux, encore et toujours pour les mêmes raisons. Vécu à l’intérieur des frontières comme un pays (un territoire, une nation, une culture) il reste vu et présenté à l’extérieur des frontières au mieux comme une fiction, au pire comme une société off-shore d’exploitation des nations citoyennes. Le Grand-Duché de Luxembourg reste perçu via l’obsession planétaire de l’argent, qu’il s’agisse de le haïr ou de le déifier.
3. Tout individu, dans le monde, connaît l’art, au moins à titre de tradition. L’art contemporain, notamment l’art conceptuel, eux, à l’échelle globale, sont essentiellement inconnus, à l’échelle des plus initiés parfois encore suspects.

II. Les réponses, « money.lu » :
1. La biennale de Venise : en 2017, le Grand-Duché de Luxembourg n’a pas de pavillon à Venise mais un pavillon global, Venise comprise : le site web « money.lu ».
2. Le Grand-Duché de Luxembourg passe aux aveux et rend l’argent : chaque jour/ou chaque semaine, un ou plusieurs visiteurs du site « money.lu », qui sont autant de visiteurs du pavillon luxembourgeois et donc de la biennale de Venise, est/sont sélectionné(s) et reçoi(ven)t 100 euros, jusqu’à épuisement du budget du pavillon, qui coïncide avec la clôture de la biennale.
3. Tout individu, le plus à l’écart de Venise, que ce soit culturellement, socialement ou géographiquement, est visiteur potentiel du pavillon, de la Biennale, et confronté, souvent pour la première fois, à l’art conceptuel.

III. Présentation du pavillon :
A. Généralités
1. Le site web est simple, court, direct, matter of fact. Pas d’argument, pas de propos, pas de jugement. Esthétique banale (officielle, administrative, corporate).
2. Une fonction simple permet au visiteur de s’exprimer, sur l’art, sur la biennale, sur le Grand-Duché, sur l’argent, sur le sens de sa démarche (de demander ou de ne pas demander 100 euros). Autant d’autoportraits, dont les plus intéressants seulement sont publiés sur le site, partie « Forum », salle 3 (cf. infra III-B). Modération par l’artiste et l’équipe de production.
3. L’œuvre est matériellement et conceptuellement élaborée selon une méthodologie précise, avec l’équipe du Casino – Forum d’art contemporain, dont le nom, « Casino », « Forum d’art contemporain », est à propos. Le suivi, pendant la durée de la biennale, de la communication, constamment entretenue, de la distribution des fonds et de l’enrichissement du Forum, est soigné.
L’accent est mis sur la présentation et la communication, les deux points capitaux du projet. L’objectif est d’atteindre et ramener à nous « l’individu le plus éloigné » (cf. sub II-3). À Venise, un QR code géant sur la façade de la Ca’ del Duca.

B. Description des salles virtuelles
Accueil :
L’artiste accueille avec respect le visiteur dans le pavillon luxembourgeois. Chacun, dans sa personne et son comportement a une valeur infinie. L’artiste présente la Biennale de Venise, le pavillon luxembourgeois et ses différentes salles.
Salle 1 : distribution des fonds
Formulaire pratique de demande de la somme de 100 euros.
Salle 2 : présentation du Forum
Le visiteur est invité à présenter ses observations, les aspects qui intéressent en particulier le pavillon sont évoqués, sans esprit de limitation.
Salle 3 : le Forum
Le Forum, modéré par l’équipe de production, permet au visiteur de poster sa contribution.
Salle 4 : crédits :
Présentation de l’équipe de production, des partenaires institutionnels, de l’hébergeur du site, des prestataires que nous aurons mis à contribution.
Salle 5 :
conditions générales d’utilisation du site, remerciements, copyrights.

Langues : par défaut, français, option en anglais, mandarin, espagnol, portugais, allemand, arabe standard moderne.

Guillaume Lochard
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