Édito

Groundhog Day

d'Lëtzebuerger Land vom 04.04.2013

L’exercice se répète chaque année. Voire désormais plusieurs fois par an : avant une déclaration sur l’État de la nation du Premier ministre (qui aura lieu mercredi prochain, 10 avril) ou le dépôt du budget de l’État pour l’année suivante par le ministre des Finances Luc Frieden, les ministres se retrouvent au château de Senningen pour échanger sur la marche à suivre, le ministre de l’Économie amène un programme de réformes qu’il estime nécessaires pour relancer la compétitivité des entreprises autochtones (Étienne Schneider aurait produit 21 pages de propostions, alors que seule une poignée des 65 idées de son prédécesseur soumises en 2010 ont jamais été réalisées) et Jean-Claude Juncker himself reçoit les partenaires sociaux, désormais en réunions bipartites depuis l’échec de la dernière tripartite.

À chaque fois, le mot d’ordre est : la situation est grave, le déficit des finances publiques ne cesse de grimper, il faut se serrer la ceinture, faire des économies, réformer l’État, moduler le système d’indexation des salaires... Après l’exercice, quelques mesurettes d’économies absurdement déconnectées d’une vision politique d’ensemble sont annoncées, comme l’augmentation du tarif des transports en commun ou de ceux de la garde d’enfants, l’abolition de quelques primes écologiques ou l’augmentation des tarifs des parkings des fonctionnaires d’État. Et quelques mois plus tard, lorsque tombent les chiffres des entrées fiscales réelles, tout semble oublié, quelques mesures d’économies sont même annulées, comme l’impôt de crise début 2012, et rebelotte, un trimestre plus tard, c’est à nouveau comme si le gouvernement redécouvrait le sujet.

On se sent alors un peu comme le personnage incarné par Bill Murray dans la comédie Groundhog Day de Harold Ramis (1993), qui revit en boucle la même journée, repassant toujours les mêmes épisodes – ce qui devient insupportable après le premier déjà vu.

Pourtant, cette fois, il y a une nouveauté : malgré le grand nombre d’interlocuteurs qui se sont concertés jusqu’à présent, rien n’a encore filtré sur les projets du gouvernement, personne n’a moufté, pas même un ministre socialiste voulant s’afficher rebelle. Seulement quelques chiffres : si le déficit de l’État central s’établira prévisiblement à 1,1 milliard d’euros cette année, il pourrait atteindre les deux milliards en 2016, après que la TVA sur le commerce électronique soit relevée par le pays de destination dès 2015 – soit une perte de entre 600 et 800 millions d’euros de rentrées fiscales pour les caisses de l’État. En plus, la pression internationale sur la place financière augmente dans le sillon de la crise chypriote, sa période de croissance semble elle aussi révolue.

On se souvient d’un jeune Premier ministre qui, au début de sa carrière à ce poste, il y a 18 ans, soit une petite éternité, retroussait les manches et s’emportait chaque printemps plein de verve dans une déclaration visionnaire ou du moins enthousiaste sur la société de demain. Le problème est qu’il est aussi fatigué que les autres acteurs de ces consultations : un gouvernement dont les rumeurs sur la lassitude des ministres et celles sur un possible remaniement plombent l’image volontariste à laquelle on s’attendrait pour s’attaquer à la reprise ; le parlement dont les grandes pointures ne semblent plus s’occuper que du Service de renseignement ; les syndicats, qui sont décrédibilisés à la suite de leurs guerres intestines et de la gestion hasardeuse de leurs initiatives pour l’emploi, qui, au lieu de lutter contre le chômage, le font augmenter en virant leur personnel et enfin les patrons, qui, désespérés que personne ne semble écouter leurs appels aux réformes multiplient les initiatives de communication plus ou moins réussies (2030.lu, 5vir12)...

Autant d’indices qui corroborent l’impression générale d’une stagnation totale de la vie politique nationale, où personne ne bouge pour esquisser un idéal sociétal construit sur autre chose que la seule croissance économique à deux chiffres, une attitude désastreuse, surtout un an avant les prochaines élections législatives.

josée hansen
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