Causa zu Guttenberg

Schadenfreude

d'Lëtzebuerger Land du 03.03.2011

La « Schadenfreude », cette vilaine spécialité allemande qui n’a pas d’équivalent dans la langue française, a joué un bien vilain tour à votre serviteur quand elle l’a cloué l’autre soir devant la télévision allemande pour regarder l’inénarrable cérémonie d’octroi de l’Ordre « wider den tierischen Ernst » au ministre allemand de la Défense. On le sait, Monsieur von und zu Guttenberg ne se prend « ab und zu » pas trop au sérieux, notamment quand il s’agit de prendre quelques libertés avec la propriété intellectuelle. Pour une fois, le fringant « Selbst-verteidigungsminister » ne s’est pas précipité sur les plateaux de télévison, laissant à son jeune frère le soin de recevoir l’Ordre et les coups à sa place. Celui-ci prenait visiblement un malin et pervers plaisir à prendre sa revanche sur son encombrant aîné et, devant des millions de téléspectateurs, Abel et Caïn ont inversé leurs rôles. « Schadenfreude ! », encore et toujours, vous dis-je !

Mais un petit voyage dans la toile nous met en mémoire cette autre spécialité, bien allemande elle aussi : la délation. Le web allemand fourmille depuis peu de citoyens zélés qui font la chasse aux passages plagiés dans la thèse d’un ministre qui se défend de plus en plus mal. « Schadenfreude », là encore ! Quant à l’Université de Bayreuth, ses professeurs semblent aussi naïfs que Parsifal, le « Heldentenor » du « Bühnenweihfestspiel » de Richard Wagner, régulièrement à l’affiche des « Fest-spiele » sur la Colline Verte, à moins qu’ils ne soient aussi faux et roués que Beckmesser, le lamentable anti-héros des Meister-singer. Qu’en dit Monsieur von und zu Mock, l’ambassadeur allemand au Luxembourg, qui, d’un ancien colloque à l’Uni.lu sur les langues au Luxembourg à la récente affaire de l’IPW, n’en finit plus de reprendre, en ces jours de carnaval, le masque du « hässlicher Deutsche » ?

Cette vilaine histoire de plagiat ne doit pas nous faire oublier que le sens premier de ce mot désigne l’action de disposer d’une personne libre en la vendant ou l’achetant comme esclave. De là à accuser le nouveau Felix Krull d’avoir utilisé un nègre pour écrire sa thèse, il n’y a qu’un pas (de bottes) que nombre d’Allemands n’ont pas hésité à franchir.

L’histoire, enfin, ne peut pas ne pas nous inspirer quelques réflexions psychologiques, glanées je ne sais plus où : « Dr. » : Qui aurait cru que deux petites lettres puissent tellement fâcher ? Deux lettres qui peuvent changer l’image de soi. Car comment grandit un enfant qui a treize prénoms ? Georg Enoch Robert Prosper Philipp Franz Karl-Theodor Maria Heinrich Johannes Luitpold Hartmann Gundeloh, ils racontent tousune histoire familiale, ce sont des ancêtres qui ont tous la prétention de survivre dans l’enfant qui porte ces noms. Cet enfant s’efforçait d’être un jeune homme tout à fait ordinaire. Et, il faut bien l’admettre, il en donne souvent l’image. Comme quelqu’un avec qui on peut aller « voler des chevaux ». Mais ce sont ses propres chevaux. Von und zu G. devient ainsi ré-gulièrement la victime de sa propre arrogance, car la thèse de son doctorat est à l’image de l’auteur, extrêmement ambi-tieuse : Verfassung und Verfassungsvertrag. Konstitutionelle Entwicklungshilfen in den USA und der EU. Quelles science et conscience sont ici à l’œuvre ?

« E pluribus unum », c’est la devise des États Unis. Est-ce aussi l’autodénonciation involontaire du plagiaire ?

Yvan
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