Luxair

Attention, chantier

d'Lëtzebuerger Land vom 13.05.2004

Merci, le fret : Luxair, la compagnie aérienne, a présenté cette semaine ses résultats pour 2003, les plus mauvais depuis 1996. Le chiffre d'affaires a baissé de quatre pour cent, le bénéfice net a été divisé par huit. Il s'élève tout juste à 3,6 millions d'euros. Le résultat d'exploitation affiche même une perte de 4,1 millions d'euros.

L'année dernière, Luxair a donc une fois de plus dû son salut à ses activités "cargo", pourtant peu populaires au Grand-Duché. Sans la contribution du Cargocenter ex-ploité par la compagnie aérienne et le dividende versé par Cargolux, filiale à 35 pour cent, la survie de Luxair serait aujourd'hui sérieusement remise en cause. Les activités aériennes lui ont certes procuré 60 pour cent de son chiffre d'affaires, mais aussi une perte de 10,6 millions d'euros au niveau du résultat d'exploitation.

La compagnie luxembourgeoise n'était pas seule à souffrir en 2003. On aurait néanmoins tort de n'y voir qu'une panne conjoncturelle. Les passagers (en baisse de 8,5 pour cent en 2003) reviendront en plus grand nombre avec la reprise économique. Mais, a prévenu le directeur général Christian Heinzmann, "l'aviation a changé, et elle ne redeviendra plus comme avant". En clair, les gens continueront à voler, mais étant tentés par les opérateurs low cost comme Ryanair, ils ne seront plus prêts à payer les mêmes tarifs qu'il y a quelques années encore.

Les réponses possibles pour Luxair sont limitées. Elles riment finalement toutes avec baisse des coûts. Cette semaine, la direction de la compagnie a lancé un grand exercice de restructuration de la société supposé identifier le potentiel d'épargne par l'optimisation de l'organisation interne. 

À y regarder de près, Luxair paie aujourd'hui la folie des grandeurs de la fin des années 90. Roger Sietzen, l'éternel patron de la compagnie, avait poursuivi pendant des décennies une politique de développement des plus prudentes des activités aériennes de Luxair. "On ne peut pas gagner d'argent en volant de courtes distances avec de petits avions," répétait-il récemment. Selon lui, il ne fallait pas perdre trop d'argent en volant et essayer de combler le trou grâce au fret et aux autres activités connexes.

L'euphorie de la "nouvelle économie" et le bref passage de Jean-Donat Calmes à la tête de Luxair allaient changer la donne. Au cours du seul exercice de 1999, Luxair a augmenté son personnel de vingt pour cent (340 personnes), est passée de dix à quinze avions et a augmenté le nombre de sièges-kilomètres offerts de 58 pour cent. La compagnie aérienne essaie toujours de digérer ce grand bond en avant. En effet, les trois années suivantes, le personnel n'a augmenté en tout que de 111 personnes et la flotte d'un avion. Le nombre de sièges-km a baissé de onze pour cent. 

Les frais de personnel par contre ont explosé depuis 1999 de plus de 50 pour cent. Aucune entreprise n'y résisterait. Les mauvais résultats 2003 sont ainsi en quelque sorte une chance pour Christian Heinzmann, fort de son expérience dans l'aviation, pour rassembler actionnaires et personnel derrière lui dans un exercice d'assainissement qui devrait apparaître à tous comme indispensable. "Nous avons beaucoup de travail," expliquait mercredi le directeur général. Et ce n'est pas gagné d'avance.

Jean-Lou Siweck
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