Cinéma

Dany l’embrouille

d'Lëtzebuerger Land du 08.06.2018

Plus idiot que dangereux, Daniel Versavel (François Damiens) a le verbe haut, même s’il ne le conjugue pas toujours très bien. Le prisonnier tente d’embobiner son petit monde, du gardien à l’avocate commise d’office. À l’aide de son parrain (Christian Brahy), il réussit à s’évader et se met en tête de commencer l’éducation de son fils adolescent, Sullivan (Matteo Salamone). Il faut alors lui apprendre à fumer, lui trouver une mère et l’initier aux deals. Daniel, qui aime se faire appeler Dany, est un homme sans filtre, sans tact, ambitieux à sa mesure : un gros beauf.

Et ce gros beauf aurait pu être attendrissant si François Damiens, pour sa première réalisation, avait souhaité faire un vrai film. Mon ket, ultra-marketé, est calqué sur ce qui a fait le succès du comédien belge bien avant ses rôles au cinéma : les caméras cachées de François l’embrouille. Il s’agit ici d’une longue succession de sketchs, où le scénario n’est qu’un maigre alibi et le cinéma, un prétexte. Dans un esprit bricolage assumé et assimilé, puisque le spectateur potentiel est acquis à la cause, les saynètes s’enchainent dans un rythme incertain et mises en relation par des transitions où Damiens aurait pu donner du corps à son sujet.

Mais il n’en est rien et l’intrigue se meurt : l’argument des retrouvailles père-fils a fait long feu, il n’est plus question de les sonder mais bien de rire de ce personnage absurde. Et François Damiens va pousser son Dany jusqu’à l’extrême, peu préoccupé par le souci de la cohérence ou de la dramaturgie. Le scénario, pourtant co-écrit avec Benoît Mariage, un des réalisateurs de la série documentaire culte Striptease, est en effet une vaste supercherie, une blague potache qu’on imagine née sur un coin de nappe. Refroidi par un simplisme qui confine vite au grotesque, on attend la prochaine caméra cachée pour tenter de comprendre où le comique veut en venir.

Les véritables caméras cachées, prouesses techniques réalisées par le chef-décorateur Paul Rouschop et Virigine Saint-Martin, la directrice de la photographie davantage habituée aux univers intimes, fonctionnent pourtant bien, calquées sur celles qui ont fait le succès de Damiens : un personnage prêt à tout et qui, sur la durée, devient monstrueux et paralyse ses interlocuteurs. Certaines séquences, comme celle avec les parents de sa fiancée, sont symptomatiques : alors que le malaise s’est installé, permettant une situation qui dévie du comique, le comédien caricature le personnage, manque de finesse pour proposer autre chose que ce rire gras.

L’exercice de la caméra cachée a fait les beaux jours de la télévision, francophone notamment : Laurent Baffie ou même Patrick Sébastien ont ouvert la voie à cet humour qui peut aller loin selon la personne piégée. Changer de format implique une adaptation narrative que François Damiens n’a visiblement pas su amorcer, au contraire de Sacha Baron Cohen pour Borat (2006), et le film s’effondre après les premières scènes.

Marylène Andrin-Grotz
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