Portrait Greg Lamy

De l’acoustique à l’électrique

d'Lëtzebuerger Land vom 22.07.2016

Le 15 Juillet dernier aux alentours de vingt et une heures, Greg Lamy, incontournable guitariste de la scène jazz luxembourgeoise, prépare deux sets qu’il va donner au Wine Not Bar, atypique jazz club au centre de Thionville, en France. Autour d’une table, le musicien mais aussi deux autres membres de son quartet, Gautier Laurent, contrebassiste et Jean-Marc Robin, batteur. Ils discutent musique surtout, ils reviennent d’un concert donné à Milan la veille. Ces temps-ci ils voyagent beaucoup, un emploi du temps chargé, un luxe inestimable pour un musicien. Greg Lamy admet que jouer dans ce genre d’environnement, un jazz club très intimiste ou la scène côtoie de très près le public constitue « une bonne occasion de répéter avec le quartet ».

Mais qui est-ce au juste, Greg Lamy ? Né en 1974 à la Nouvelle-Orléans, son lieu de naissance le prédestinait d’une certaine manière à devenir musicien. Toutefois cela n’a nullement été déterminant en vérité, ce n’est pas tant le cadre de la ville mais celui plus intime de son lieu de vie familial qui est déterminant. « La musique a toujours été très présente chez moi. Mon grand frère jouait de la guitare, ma mère du piano. Cela m’a paru évident tout jeune d’utiliser la guitare de mon frère ».

Par la suite, Luxembourgeois de nationalité, il va quitter le pays pour étudier au Berklee College of Music à Boston, puis à Londres au Trinity College. Viendra sa période belge, vivant à Bruxelles, pour enfin revenir au Luxembourg. Le Greg Lamy Quartet voit le jour en 2003, mais de sa formation initiale ne reste que le nom aujourd’hui. Le quartet est identique depuis 2007.

Des disques vont suivre, avec son quartet, en duo avec Marc Demuth ou en solo. Le dernier disque en date Meeting est paru en 2013, sous le célèbre label belge Igloo Records. « Faire un disque ça a plusieurs fonctions. Déjà cela permet de présenter son travail, c’est une bonne carte de visite pour monter des projets, des concerts notamment ». Faire un disque c’est aussi sauvegarder un certain héritage musical. Aujourd’hui la musique se vend majoritairement en ligne, sur internet, le regain d’intérêt pour les disques vinyles n’est qu’illusoire, et dans un monde où l’immatériel a pris le pas sur le matériel, sortir un disque physique est un acte de bravoure en somme. Cependant, ce qui anime sans aucun doute Greg Lamy c’est la scène. Aucun mauvais souvenir, même lorsqu’une scène est vide, et cela arrive plus souvent qu’on ne le pense et ça pour n’importe quel musicien à n’importe quelle échelle.

« C’est surtout les ambiances dont on se souvient. C’est particulier comme par exemple au Brésil, les personnes perçoivent les choses différemment, ils ont une autre sensibilité. C’est émouvant de voir que les gens apprécient et veulent danser sur ta musique. Chaque continent est différent, j’ai aussi joué en Asie, en Amérique, dans toute l’Europe ». À 42 ans l’artiste reconnaît avec une certaine humilité que ça marche plutôt bien pour lui, et n’a aucune gène à admettre qu’on l’a aidé pour ça. Que ce soit par le biais de structures étatiques ou privées.

« On n’est pas des assistés, mais on ne peut pas faire tout ça sans une aide extérieure à un moment. Aujourd’hui grâce au ministère de la culture ou des organismes comme MusicLX c’est plus facile pour nous de nous exporter. Des personnes comme Bob Krieps ont remarqué qu’énormément de jeunes musiciens partaient à l’étranger, il fallait donc créer une véritable structure pour la scène musicale. Quand on regarde le nombre d’habitants au Luxembourg et le nombre de musiciens de jazz c’est impressionnant. »

Trouver des dates, faire des concerts cela passe donc par MusicLX, mais aussi par des initiatives personnelles, par le biais de son propre carnet d’adresse, comme ce soir là à Thionville. Deux sets sont réalisés dans la soirée avec un savoir faire et une décontraction impressionnante. Le public a répondu à l’appel. De nouvelles compositions comme Control Swift ou A.C sont joués ou bien un standard, ‘Round Midnight de Thelonious Monk. Les trois musiciens explosent dans des improvisations en solo. Greg Lamy a indéniablement une patte musicale reconnaissable entre mille.

D’une grande sympathie il est toutefois insensible au portrait chinois, n’arrivant pas à se définir, il n’est ni un film, ni un livre. En revanche il avoue lire énormément de presse, au détriment de la littérature. Voyageant beaucoup, il aime écouter de la musique dans les aéroports. Tout genre de musique mais du jazz en majeure partie. Ses derniers coups de cœur, des disques de Julian Lage, jeune guitariste américain, ou Brad Mehldau, pianiste majeur contemporain, preuve encore que Greg Lamy est en phase avec son temps et bien renseigné sur la scène actuelle. À la fois acteur et spectateur aguerri. « Ce que j’aime dans la musique ce sont les concerts surtout, que ce soit du jazz, du rock, du blues ou même de la musique électronique. J’aime voir les gens en live ».

En près de quinze ans sa musique a évolué. Aujourd’hui il est intéressé par les gammes symétriques, « un peu comme peut l’être quelqu’un comme John Scofield » mais chacun ayant sa façon de faire. « Avec le quartet, nous avons commencé avec des compositions qui sonnaient toujours assez acoustiques, classiques. Maintenant depuis quelques années notre son devient plus électrique d’après ce que l’on me dit. C’est un virage, je trouve, un vrai compliment de la part des personnes qui m’écoutent depuis plusieurs années ou encore de la presse à l’étranger ».

En ce qui concerne l’actualité de son quartet, des séances d’enregistrement son prévues fin septembre à Poitiers pour la sortie d’un nouveau disque vers janvier 2017, toujours chez Igloo records. Greg Lamy montera sur scène lors de l’incontournable Blues’n Jazz Rallye dans les quartiers du Grund et de Clausen ce samedi 23 juillet, puis le lendemain au centre culturel Altrimenti en duo avec le chanteur italien Marco Massa qui présentera son nouveau disque Sono cose delicate. Un beau programme en perspective.

Kévin Kroczek
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