Moos, Pierre: Bewegende Momente

Bonté et fadeur

d'Lëtzebuerger Land du 03.05.2013

Tenir le troisième et dernier ouvrage de Pierre Moos, Bewegende Momente, un pot-pourri de poèmes et pensées libres, entre ses mains a quelque chose d’émouvant. Est-ce dû à l’apparence livre d’artiste ? Nulle typo ici, l’écriture est celle à la plume de l’auteur qui signe aussi les illustrations. Est-ce le côté artisanal ? Les fins de mots sont quelquefois mangées par les marges, la couverture et la couleur optée, un rouge sang, sont d’un banal affligeant. Est-ce l’implication de la famille et des proches ? Une nièce contribue à la numérisation, l’une de ses filles au layout. Est-ce cette revendication envers et contre tout ? L’ouvrage n’ayant apparemment été plébiscité par aucune maison d’édition, il a été réalisé sans intermédiaire entre la source et l’imprimerie du coin. Autant de questions en suspens.

Puis vient le contenu, a priori personnel et émouvant lui aussi (cf titre). La première partie se compose de poèmes en vers libres, la seconde, plus courte, de pensées libres. Parfois des dates et même des horaires, mais aucun ordre chronologique n’est respecté. L’auteur nous distille ses méditations, ses préoccupations, ses espoirs, ses prières, ses attentes, ses motivations, ses interrogations, ses – parfois amères – constatations, ses blessures,… Au gré des pages, il écume différentes thématiques : l’écriture, l’une de ses forces motrices, les enfants, envers lesquels nous, adultes, avons tant de responsabilités, la mort, thème récurrent en poésie comme si le fait d’en parler pouvait la repousser, la guerre et les atrocités qu’elle perpétue à répétition, la société qui a perdu ses repères, la condition humaine qui ne va que se détériorant,… L’on sent de la sincérité chez Pierre Moos, mais les thèmes ne sont que poncifs et les textes sermons. La religion bien sûr est omniprésente. Il tutoie Dieu, il tutoie les socialement défavorisés, il tutoie les révoltés, il tutoie les étrangers, il nous tutoie. Comme si, d’un coup de baguette magique, nous pouvions ne former qu’une seule et même communauté fraternelle. Même si l’on comprend que l’homme qui a fondé le Cent Buttek, poursuive un tel idéal et véhicule des idées aussi pieuses.

L’homme est engagé, mais il n’exprime ni coup de cœur, ni coup de gueule. La mièvrerie, de mise, nous fait enrager – telle la mort qu’il a donnée à une fleur en la cueillant. Même sa dernière pensée dédiée à l’érotisme manque de terrianité. Le cœur de Pierre Moos saigne, le nôtre ne s’ouvre pas. L’émotion première ne perdure donc pas à la lecture. Il reste l’objet.

Pierre Moos : Bewegende Momente ; Luxembourg, 2012 ; ISBN 978-2-87996-502-4
Lore Bacon
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