Développement durable et compétitivité des investissements immobiliers

Meilleures pratiques dans la Grande Région

d'Lëtzebuerger Land du 23.03.2012

De nombreux promoteurs et investisseurs immobiliers ont réalisé un profond changement dans leur approche « verte » du marché, qu’il s’agisse de l’amélioration de la performance environnementale de leurs actifs immobiliers ou de l’exécution de leurs transactions immobilières. Comme l’ont déjà montré beaucoup d’analystes, on note tout d’abord une forme de généralisation des certifications énergétiques et environnementales des bâtiments, tant nouveaux qu’anciens. Par exemple, plus de 85 pour cent des opérations de construction ou de rénovation lancées au grand-duché en 2011 vont bénéficier d’une certification ou d’un label vert.

Parallèlement, bon nombre de promoteurs ou d’investisseurs immobiliers ont changé d’attitude. La valeur ajoutée de ces outils n’avait qu’un strict objectif marketing. Ils deviennent désormais un outil clef de la compétitivité des actifs. Un indicateur de cette évolution des mentalités est le moment auquel les acteurs se posent désormais la question du « verdissement » de leur portefeuille ; celle-ci est le plus souvent soulevée au cours des transactions immobilières. Lors d’une mise en location : un label environnemental est un facteur d’attractivité vis-à-vis de locataires qui ont de plus en plus souvent eux-mêmes des objectifs de responsabilité sociale et environnementale. Lors d’une vente d’actif : les due diligence des investisseurs contiennent désormais presque systématiquement un volet environnemental, qui va bien au-delà de la seule conformité aux réglementations en vigueur. Les processus de vente par labellisation environnementale de l’actif sont de plus en plus réguliers.

Du point de vue d’un propriétaire d’actif, une bonne décision est alors celle qui permet à la fois d’attirer les locataires susceptibles de payer les meilleurs loyers tout en correspondant aux attentes des investisseurs auxquels il a envisagé de céder l’actif. La plupart des outils existants ont été créés par des instances nationales sans coordination européenne1, alors que les investisseurs intéressés par les actifs de la Grande Région sont des acteurs internationaux.

Face à cette problématique, les pratiques qui se sont avérées les plus efficaces abordent la question du choix de la solution la plus appropriée, indépendamment des outils existants. Tout d’abord, en considérant l’environnement compétitif de chaque actif : avec quels bâtiments un locataire / investisseur intéressé par l’actif va-t-il faire une comparaison ? Puis à partir des attentes des parties prenantes :

En location : Que recherchent les locataires cibles de l’actif ? Charges énergétiques faibles, modularité du bâtiment, confort, accessibilité ?

À la vente : Que recherchent les investisseurs auxquels on envisage de vendre l’actif ? Un bâtiment efficace, une certification « marketing », un label particulier ?

Pour un investisseur disposant d’un portefeuille important, la première conséquence d’une telle approche est de considérablement limiter le nombre de bâtiments à prendre en compte : dans de nombreux cas, il n’est pas indispensable d’améliorer la performance de son propre actif, car les bâtiments concurrents sont moins performants que celui-ci.

La deuxième conséquence est d’identifier la solution présentant le meilleur rapport qualité-prix. Une certification environnementale « complète » n’est pas toujours la meilleure solution, et une approche plus simple permet d’obtenir le même résultat avec des frais bien moindres. Certains promoteurs et gérants Luxembourgeois l’ont très bien compris, ils viennent « piocher » dans les boîtes à outils existantes au cas par cas mais sans approche systématique.

Les grands vainqueurs de ces nouvelles méthodes en Grande Région sont sans conteste les différents outils composant les trois schémas européens de certification environnementale de bâtiments BREEAM, HQE et DGNB :

Certification de bâtiments neufs ou de programmes de rénovation importants (BREEAM International, DGNB, HQE) : ces certifications reposent sur des méthodologies éprouvées2 qui nécessitent une implication de l’équipe d’experts environnementaux dès les premières étapes du projet.

Certification de bâtiments très récents : (BREEAM Post Construc-tion Assessement, DGNB Certificate, HQE Réalisation). Il ne s’agit pas de schéma de certification à proprement parler, mais de la dernière étape des certifications de bâtiments neufs. Elles sont parfois utilisées de façon autonome pour certifier un bâtiment venant d’être terminé et démontrant une grande qualité environnementale sans pour autant que celle-ci ait été formalisée depuis les premières étapes du projet.

Certification de l’exploitation et de l’utilisation d’un bâtiment (BREEAM in Use, DGNB actuellement en phase de test, HQE Exploitation et Utilisa[-]tion) : ces schémas sont très récents3. Ils s’adressent aux bâtiments de plus de trois ans et combinent une analyse de trois dimensions complémentaires : la performance intrinsèque du bâtiment, la performance de la gestion des installations techniques du bâtiment (chauffage, climatisation…), et l’utilisation qui en est faite par les utilisateurs du bâtiment. Au-delà d’une reconnaissance de la performance de l’actif, il permet la mise en œuvre d’un projet partenarial propriétaire / locataire / gérant du bâtiment, source de relations à long terme.

Leur capacité à être utilisés efficacement dans la plupart des situations est sans doute la première raison du succès de ces outils. Ils sont par ailleurs facile d’accès pour des acteurs non avertis et conviennent bien à la plupart des locataires. Étant largement utilisés en Europe, ils bénéficient enfin d’une forme « effet réseau », s’imposant pour certains investisseurs comme la référence. Sur base de ces critères, BREEAM a incontestablement une longueur d’avance, avec plus de 4 096 bâtiments certifiés et en cours de certification en Europe contre 586 pour son dauphin HQE.

On constate en conclusion que les approches des acteurs du marché de l’immobilier deviennent de plus en plus pragmatiques et les solutions dogmatiques « soit vert et tais-toi » de plus en plus rares. Cette tendance va encore s’affirmer dans les années à venir avec le développement d’une boîte à outils de plus en plus complète et la multiplication des retours d’expérience quant à son utilisation. La pertinence, et surtout la fiabilité des outils vont être mises à l’épreuve des multiples projets en cours.

À l’opposé, les approches dites de « valeur verte », qui consistent à intégrer des paramètres environnementaux dans les modèles de valorisation d’actifs sur base d’une analyse statistique, ne nous semblent pas avoir les faveurs des acteurs de terrain pour le moment. Trop généralistes, fondées sur des ensembles statistiques souvent limités, elles ne répondent pas aux impératifs opérationnels de l’industrie dans un contexte de marché toujours tendu.

1 C’est notamment le cas des certifications environnementales de bâtiments. Selon RICS (Royal Institution of Chartered Surveyors), en mai 2011, 97 pour cent des bâtiments certifiés en BREEAM le sont en Grande-Bretagne, 98 pour cent des bâtiments HQE le sont en France et 93 pour cent des bâtiments en DGNB le sont en Allemagne.
Laurent Rouach, Jean-François Champigny
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