InThierryView

Les sept vies de T. van W.

d'Lëtzebuerger Land vom 04.12.2008

L’émotion était palpable lorsque, mardi dernier, Paul Thilges prononçait son discours d’introduction à l’avant-première de sa nouvelle production InThierryView à Utopolis. Vi­siblement touché, il rappela les circonstances dramatiques dans lesquelles le réalisateur Andy Bausch avait pris l’initiative pour ce projet documentaire sur Thierry Van Werveke. Un cancer du foie avait été diagnostiqué chez l’acteur l’année dernière et son espérance de vie estimée à quelques mois seulement. Paniqué par la disparition probable de son ami proche, Bausch lui demanda s’il était prêt à raconter les expériences de sa vie très mouvementée devant la caméra. D’après Paul Thiltges, celui-ci n’a pas hésité une seconde malgré son état de santé extrêmement fragile. Si l’enfant terrible du cinéma luxembourgeois est toujours en vie, c’est grâce à son épouse qui a su convaincre un hôpital allemand de procéder à une transplantation, mais aussi grâce au cinéma, qui a su lui donner une nouvelle perspective de vie après une jeunesse destructive. 

Thierry van Werveke est donc un de ces personnages pour lesquels vie privée et vie artistiques ont toujours littéralement été des conditions d’exis­tence mutuelles. InThierryView on est une preuve touchante et fascinante à la fois.

En raison d’une franchise inconditionnelle de la part de tout les interviewés et à l’aide d’un savant mélange entre films amateurs, entretiens, images reconstituées ainsi que de nombreux extraits de ses 60 rôles interprétés pour le cinéma et la télévision, InThierryView trace un portrait très complet aussi bien au niveau sentimental que factuel. 

À côté de la carrière d’acteur, sa fonction de chanteur au sein des groupes Nazz Nazz et Taboola Rasa se voit également attribuée une part importante. Plus encore que ses performances à l’écran, ces images de quelques-uns de ses concerts témoignent des contradictions de Thierry van Werveke : d’une part sa volonté absolue de s’adonner à son public, de l’autre son incapacité de contenir ses propres démons.

La relation très difficile avec son père, son addiction aux drogues et notamment son alcoolisme sont traités sans tabous. Collègues et collaborateurs comme Michael Haneke ou Moritz Bleibtreu dont les seuls noms témoignent de son succès professionnel, reviennent sur ses moments de gloire, mais aussi sur la déchéance qui les a accompagnés. Malgré les problèmes personnels évoqués, le respect de la personne Van Werveke est toujours pré­sent et ses faiblesses sont loin d’être jugées. Sa générosité et sa sincérité importent davantage que les inconvénients causés par sa dépendance à l’alcool.

Souvent choisi pour des rôles similaires de brute gentille, notamment par Bausch lui-même, Thierry van Werveke a réussi à surmonter cette image, notamment en Allemagne, et a toujours su compenser son manque de technique de jeu par sa présence extraordinaire. Dans InThierryView, il crève une fois de plus l’écran et fait mê­me oublier la structure standardisée connu des précédents documentaires d’Andy Bausch. Malgré son état de santé toujours très fragile, Van Werveke est prévu une fois de plus pour interpréter Johnny Chicago dans un ultime volet de la série des Troublemakers, intitulé Trouble No More

Fränk Grotz
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