Caroline Wejmans

Couleurs et cotons

d'Lëtzebuerger Land du 15.04.2010

Tous les parents de jeunes enfants vous le diront, c’est un plaisir de jouer à la poupée et d’habiller ses petits. Les marques de prêt-à-porter développent des trésors d’imagination pour suivre les modes et les tendances, tout en affirmant leur identité. Pourtant, le marché est noyé de vêtements vite-faits, mal-faits, usinés par des petites filles à peine plus âgées que celles qui vont les porter et où tout se ressemble dans les couleurs et les coupes, les matières et les imprimés.

Dans cet univers normé, on peut compter sur les créateurs pour nous sortir des ornières et ouvrir de nouveaux horizons. C’est le cas de Caroline Weijmans, qui en milieu de sa trentaine, a décidé de se lancer dans la création de vêtements et textiles pour bébés et enfants. Cette Néerlandaise, installée au Luxem­bourg depuis quatre ans, n’a pas décidé cela sur un coup de tête. La mode, ça la connaît, elle est même diplômée de l’École d’art de Breda (St Joost Kunstacademie). « En sortant de cette formation, en 1998, j’ai d’abord fait des boulots de commercial, puis j’ai travaillé pour Calvin Klein Underwear comme représentante. »

C’est en arrivant, fraîchement mariée, à Luxembourg que la fibre créatrice la rattrape, alors qu’elle a déjà un pied dans la finance. « Pour moi, les fonds d’investissement, ce n’était pas vraiment passionnant. Je suis donc retournée à la mode. » La naissance de sa fille Ella a fait le reste : c’est décidé, c’est en direction du monde de l’enfance qu’elle travaillera. Après quelques tracasseries administratives, dont elle préfère épargner les détails, la voilà à la tête de sa propre entreprise de création, de production et de diffusion : Babbeliboo. Un nom enfantin qui résonne comme une allitération et qui se prononce aisément dans plusieurs langues. Parce que Caroline Weijmans ne veut pas se contenter du marché local.

Elle commence par créer des tapis de jeux, des couvertures, capes de bain et divers accessoires (bonnets, poufs…), puis se prend au jeu et dessine des petites robes, « finalement, ce que je préfère ». Les réactions à sa collection pour petites sont bonnes, alors elle agrandit les modèles et en développe d’autres pour les plus grandes. D’une première série, du 68 au 92, une autre est donc déclinée jusqu’au 134 (soit, dix ans).

Ce qui caractérise les créations de Caroline Weijnans, ce sont d’abord les tissus. Ce sont eux qui guident ses choix et sa main. « Je ne veux surtout pas des imprimés gnangnan qui font trop bébé. » Elle recherche alors des cotons imprimés de motifs fleuris ou abstraits qu’elle découvre au gré de ses explorations, notamment à Bali d’où elle a rapporté de somptueux batik aux teintes orangées, roses, vertes et bleues avec juste l’exotisme qu’il faut, mais pas trop. Point de vue des formes, même démarche. C’est la simplicité qui guide la créatrice, qui n’admet ni volants, ni smocks. Une petite robe « trois trous » à porter sur une blouse et un collant quand la météo l’impose, juste ornée d’une petite poche. Une autre plus estivale qui se resserre par un ruban au col, une jupette très girly avec un gros élastique à la taille… Il n’en faut pas plus pour séduire les clientes, dont elle est la première. « Je fais ce qui me plaît, sans forcément penser au marché. »

Pour l’instant, la jeune femme fabrique tout elle-même et peut donc apposer fièrement une étiquette « made in Luxem­bourg » en plus de celle « 100 pour cent coton ». Si à ses débuts, elle écoulait environ vingt pièces par mois, elle est en train de prendre de l’essor et songe à déléguer la fabrication, tout en y portant un œil attentif. L’entreprise se développe à un bon rythme grâce à un site web clair, bien conçu et multi-lingue ; un bouche à oreille irréprochable quant à la qualité et la créativité et des prix calculés au plus juste (de 29 à 49 euros selon les tailles et les modèles). Les Luxembourgeois, Belges et Néerlandais bénéficient en plus de la gratuité sur les frais de port.

Elle espère bientôt poursuivre sa croissance en créant pour les garçons, « où il y a généralement moins de fantaisie » et, peut-être plus tard, développer une gamme pour les femmes ou les jeunes. En attendant, Caroline Weijmans poursuit non seulement ses créations, mais aussi son exploration du marché, pour aller par exemple vers des boutiques.

Jade Fairbanks
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