Organisation de concerts

Garage Band

d'Lëtzebuerger Land vom 09.06.2005

Heureusement qu'ils sont deux (Petz Bartz, Laurent Loschetter), sur trois (Ferd Feidt) à se prêter au jeu des interviews. Les dix ans de LA salle de concert du centre, la seule qui ouvre vraiment régulièrement ses portes à des formations rock, ça se fête, et pas seulement par l'Atelier même, qui propose à l'occasion une palette de concerts incroyables (encore à venir e.a.: Morcheeba, Queens Of The Stone Age, Interpol, !!!, LCD Soundsystem), mais aussi par la presse. Et donc, forcément Laurent Loschetter et Petz Bartz y passent. «Mais là Petz en a marre, il dit que les journalistes posent toujours les mêmes questions, qu'après de toute façon ils écrivent ce qu'ils veulent,» explique en se marrant Laurent Loschetter, que j'ai - enfin - en face de moi, cette fois dans les bureaux à l'étage de la salle, alors qu'en bas Mylo se prépare à monter sur scène. Laurent Loschetter se marre, parce que Petz Barz fait lui-même partie de la gente journalistique, tous deux ont décidé de conserver leurs jobs respectifs. Pas question de faire le job d'organisateur de concert à plein temps, le marché est trop petit pour ça, «d'ailleurs c'est un des grands défis de la Rockhal avec ses 5000 places». Ah la Rockhal, nous y voilà déjà! Laurent Loschetter s'essaie désormais à la «positive attitude». Après être monté sur les fronts lors de l'élaboration du projet de loi, dont on disait qu'il avait été planifié en collaboration avec les organisateurs de concert, ce qui visiblement n'était pas le cas, l'heure est désormais à la collaboration. Ainsi par exemple, le 10 décembre, Simply Red se produira sur la nouvelle scène, sous l'égide Atelier. Et voilà pour l'exemple-type du concert qui leur est carrément tombé dessus. Fruit de leur succès et d'une bonne réputation internationale, ils ont reçu un mail de l'agent du groupe - qu'ils ne connaissaient pas - qui disait lapidairement «Simply Red in the new venue december 10th. Please call». Renseignements pris, ce n'était pas une farce et un coup de fil plus tard - lors duquel l'agent explique qu'il avait reçu deux offres d'organisateurs concurrents avec lesquels il ne voulait pas travailler - le concert était booké. Ce n'est qu'après que l'Atelier a demandé à la Rockhal si cette date était encore libre. Bien sûr que oui. Mais à ce renom, on n'y arrive pas comme ça. À leurs débuts, le marché était différent, les agents étaient plus accessibles. «Les labels qui soutiennent les tournées, disposent aujourd'hui de moins de sous, avec tout ce téléchargement.» Explique Petz Bart, qui est quand même venu faire un tour dans les bureaux. «Et le management des labels pousse les agents à obtenir un maximum de fric pour les artistes en tournée. C'est ce qu'on a constaté de nouveau pour les concerts à venir à l'automne. La tonalité des e-mails va clairement dans cette direction». C'est une question de gros sous quoi, et là, la concurrence pour une salle comme l'Atelier est rude. Si dans le coin (ça peut être à Cologne même), un organisateur propose pour la même soirée un cachet faramineux, l'Atelier n'a la majeure partie du temps pas d'argument plus fort à opposer. Normalement, les groupes connus ne débarquent route de Hollerich uniquement s'il y a une date de libre dans leur tournée et s'ils se trouvent dans les parages. «Personne ne va organiser sa tournée autour d'une salle de mille places,» explique Laurent alors que Petz descend pour ne pas rater Mylo. Mais il y a les exceptions (aussi), ceux qui sont devenus des réguliers, qui appellent d'eux-mêmes pour proposer de se produire. Comme Moby, qui vient encore de jouer devant une salle sold-out en un rien de temps malgré le prix élevé du ticket. Et c'est là qu'on voit que les choix parfois avant-gardistes se paient. La première fois que Moby s'est produit à l'Atelier il a joué devant 200 personnes. À l'autre extrême, les concerts organisés en-dehors des propres murs, comme Massive Attack à la Kockelscheuer, ou les festivals Terres-Rouges et Steelworx, ce dernier étant resté dans tous les esprits.  Le site, le line-up, le public (45000 personnes), même la météo a joué le jeu, «j'ai encore maintenant la chaire de poule quand j'y pense». Dans le genre vraiment raté et perte de gros sous, par contre, l'édition du Festival Terres-Rouges 2003: 150000 euros, envolés dans le cachet de Limp Bizkit, qui ont joué devant 4000 spectateurs. La faute à qui? Selon la commune d'Esch, avec laquelle manifestement il n'y aura plus de collaboration, la faute à Loschetter et Bartz. Laurent Loschetter d'ailleurs en a toujours gros sur le cœur. C'est l'Atelier qui a trouvé le nom, qui a lancé la chose et maintenant d'autres ont repris le bébé, massacrant le nom avec des programmations sans intérêt. On touche à un sujet sensible, la rivalité entre organisateurs de concerts. Les autres accusent l'Atelier de faire monter les prix, mesquineries qui ont leur origine, entre autre, dans la subvention de 75000 euros que le club touche annuellement par la Ville - ce qui correspond au prix du loyer pour douze mois. Un deal que l'Atelier a élaboré avec l'ancienne bourgmestre Lydie Polfer, lorsque l'établissement a décidé de ne plus faire fonction de boîte de nuit sauf exceptions sporadiques. Mais ces rumeurs, Laurent Loschetter les dément formellement, «Il faut faire le calcul, nous ne pouvons pas vendre plus de mille places, chiffre multiplié par le prix du billet, et voilà le cachet... Moins les frais de fonctionnement». Même si quelques rares fois, ils se font juste plaisir. Comme pour Mercury Rev, dimanche dernier, le groupe – plus qu'une référence en Grande-Bretagne - est quasi inconnu au Luxembourg. Vendredi soir, seulement une centaine de billets avaient été vendus. Pareil pour Maximilian Hecker, qui a joué devant un parterre quasi-vide il y a un mois, mais lui au contraire n'a reçu qu'un cachet de 1500 euros, ce qui est moins que ce que demandent certaines coverbands luxembourgeoises. Et puis il y les autres, les big sellers, comme Daniel Küblböck. Même si là, la légende veut que c'était de la pure provoc'. Enfin il existe plusieurs variantes de l'histoire, Laurent Loschetter me raconte celle où sur un coup de tête, face aux critiques qui les accusaient d'être trop commerciaux dans leur programmation, ils se seraient creusés les méninges pour savoir ce qu'ils pourraient faire venir de pire. Résultat: Dave et Daniel Küblböck. Fort de ses contacts à RTL, Petz Bartz a booké le drôle de chanteur allemand dès le lendemain et le mal était fait. Cerise sur le gâteau: le prix a été fixé à plus de 30 euros. Mais pour revenir à la concurrence, Laurent Loschetter retourne le reproche de la surenchère, chiffres à l'appui: «Par exemple on avait presque engagé Wir sind Helden, mais le Festival Terres Rouges leur a proposé 20000 euros de plus. C'est clair qu'on était alors hors-jeu.» En fait, il n'y a pas de contact entre l'Atelier et les autres organisateurs. «Un jour, Marc Fettes m'a contacté pour me proposer de créer une fédération des organisateurs. J'ai trouvé que c'était une bonne idée. En effet, c'est plus efficace de parler en tant que représentant d'une fédération, qu'en tant que Laurent Loschetter, si on attaque par exemple la Rockhal. Mais j'ai alors posé une seule condition à Fettes, c'est qu'aucun des membres de la fédération ne devait avoir fait de la prison ou avoir un casier judiciaire. Et là malheureusement il y a déjà trois organisateurs sur cinq qui ne remplissent pas cette condition.» Le tout dans un souci de conserver une image plus propre de la profession qui souffrait d'une sale réputation, marqué par des scandales, à leur entrée en besogne. Condamnations mises à part, l'organisation de concert est aussi une question de déontologie. Par exemple, Laurent Loschetter refuse de me dire quel autre grand nom, jouera à côté de !!! et LCD Soundsystem en août. «On n'a jamais annoncé un groupe qui n'était pas confirmé. J'étais dégoûté pour ce qui s'est passé avec Snoop Dogg. C'est mauvais pour la réputation de tout le pays». Le gaillard du hip hop devait se produire sur le territoire, rumeur mise en circulation par un organisateur, qui allait être rapidement infirmé. Mais peu importe au final les autres, pour les pasionaria du rock et de l'électro, ces temps-ci l'Atelier fait très bien l'affaire, c'est même à leur souhaiter encore plein d'anniversaires à fêter si à chaque fois ils nous proposent des fêtes aussi divines.

Les prochains concerts à Den Atelier: 18 juin: Morcheeba (sold out!)/ 25 juin: Queens of the Stone Age (sold out!) / 27 juin: Interpol/ 29 juin: Cake / 1er juillet: ...And You Will Know Us by the Trail of Dead / 12 juillet: Roy Haynes Quartet/ 12 août: !!! (chk chk chk)/ 22 août: LCD Soundsystem. Programmation et vente de tickets sur www.atelier.lu

 

 

Sam Tanson
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