Finances communales

Volatilité

d'Lëtzebuerger Land vom 09.07.2009

« Sachant que l’impôt commercial communal (ICC), qui représente près de la moitié des recettes non-affectées des communes, est assis sur le bénéfice des entreprises, il ne fait aucun doute que le secteur communal sera frappé de plein fouet par cet infléchissement de la conjoncture. » Parmi les nombreux catalogues de revendications que les lobbies font actuellement parvenir aux partis cherchant à former une coalition gouvernementale (d’Land, 3 juillet 2009), celui du Syvicol (Syndicat des villes et communes luxembourgeoises) est parmi les plus alarmistes. Outre l’allégement de la tutelle administrative de l’État, une consultation plus étroite du secteur communal par le gouvernement, le renforcement de l’autonomie communale, et des questions de personnel, comme la responsabilité pénale ou le congé politique des élus locaux, ainsi que la participation du secteur communal aux négociations salariales dans la fonction publique, les élus locaux regroupés dans le syndicat s’inquiètent surtout des répercussions que la crise économique va avoir sur leurs finances. 

Et de réitérer une vieille revendication, celle d’une réforme du système des finances communales, telle que déjà demandée en 2004 – et inscrite dans le programme de coalition CSV-LSAP de l’époque1, mais non réalisée. De crainte de la volatilité de cette importante source de revenus qu’est l’impôt commercial communal, directement dépendant des bilans des entreprises qui y sont soumises, les communes aimeraient avoir plus de sécurité et de stabilité quant à leurs revenus, en étant financées par le biais du budget d’État, au-delà de ce qui leur est déjà versé aujourd’hui par le Fonds communal de dotation financière, budget qui couple plusieurs sources de revenus et qui pourrait s’avérer plus régulier et plus prévisible. 

« Jusqu’ici, nous n’avons pas encore d’indications fiables sur l’envergure des répercussions de la crise sur nos finances, elle ne se fera réellement sentir qu’en 2010 et 2011, » affirme Dan Kersch (LSAP), maire de Mon­dercange et l’un des vice-présidents du Syvicol. Mais qu’on parle d’une baisse de quinze à vingt pour cent de l’ICC en 2009 – c’est énorme. Une réunion sur l’état des finances, qui aura lieu lundi au ministère de l’Intérieur, devrait fournir des indications un peu plus précises quant aux manques à gagner auxquels les maires devraient s’attendre. 

Pour les élus locaux, perdre autant de moyens financiers équivaudra aussi à, sinon annuler les grands investissements, au moins à les étaler dans le temps. Pourtant, en décembre dernier encore, le ministre de l’Intérieur Jean-Marie Halsdorf (CSV), avait envoyé une circulaire aux communes les invitant à « garder leur sang froid » face à la crise et à « s’associer à la démarche du gouvernement en maintenant la politique d’investissement à un haut niveau », tout en conservant une marge suffisante pour garantir l’équilibre des budgets de fonctionnement ultérieurs – un message quelque peu contradictoire. 

« Nous sommes dans l’heureuse situation d’avoir entamé tous les grands projets d’investissement prévus dans notre programme échevinal, » se réjouit le maire de Leudelange, Rob Roemen (DP). Sa commune a résolument opté pour le développement des activités économiques sur son territoire, avec la création de plusieurs zones industrielles – qui emploient quatre fois plus de personnes qu’il n’y a d’habitants et créent la richesse que beaucoup de collègues envient à Rob Roemen. Qui espère que le décalage entre le bilan des entreprises et le payement de l’impôt commercial lui permettra de profiter encore assez des retombées des années fastes pour qu’elles financent ces investissements – avant que les répercussions de la crise se fassent pleinement sentir d’ici trois ou quatre ans, selon lui, « et alors, il nous faudra voir où nous pourrons faire des économies. »

Aujourd’hui, vendredi, le collège éche­vinal de la Ville de Luxembourg fera son état des caisses. Fin juin, le maire Paul Helminger (DP) et l’éche­vin responsable des finances, Fran­çois Bausch (Déi Gréng) s’étaient inquiétés, lors d’un City Breakfast, de ne pas savoir du tout ce qui les attendait en matière de finances pour les mois et années à venir. Comme le gouvernement, qui avance des chiffres allant de 500 000 euros à plus d’un milliard de manque à gagner en impôts par rapport au budget d’État de 2009, la Ville ignore encore l’envergure du déficit avec lequel elle devra jongler. 

Or, sur les 600 millions de recettes ordinaires inscrites dans le budget pour 2009, presque un tiers, 182 millions, proviendrait de l’impôt commercial. « La situation est dramatique, nous nous dirigeons vers un sérieux déficit cette année, » s’alarme François Bausch, qui estime aussi que la revendication du Syvicol d’être rattachés plus étroitement au budget de l’État n’est pas suffisante. Pour lui, la réforme des finances communales devra être bien plus fondamentale et définir d’abord les missions qui incombent aux communes – et qui ne sont pas les mêmes selon qu’on se situe dans une petite entité rurale ou dans la capitale, qui doit offrir de nombreux services « d’intérêt national » – avant de voir comment ces missions pourraient être financées. 

« Il est inadmissible que l’État invente sans cesse de nouvelles missions pour les communes, comme l’introduction des chèques-services, mais ne se soucie pas de leur financement, » affirme l’échevin. Le projet de construire un tram ou la gratuité de l’accueil des enfants sont pour lui des exemples de cette dérive. Une discussion plus globale sur les missions des communes et le financement de ces missions, aussi dans le cadre de la réforme territoriale, devrait être une des priorités du prochain gouvernement. Les délégations CSV et LSAP n’ont pas encore arrêté de conclusions sur ce volet des finances. Et le sujet est d’autant plus délicat que nous sommes à deux ans des prochaines élections communales.

1 « Les finances communales seront réorganisées après avoir défini la commune du XXIe siècle et son rôle dans l’État. Elles tiendront compte des missions de base à accomplir par les communes et les recettes des communes seront rattachées plus étroitement aux recettes étatiques de manière à ce qu’une partie des revenus des communes puisse évoluer parallèlement aux revenus de l’État ».  

josée hansen
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