Litige à Lintgen

"Cher Monsieur !"

d'Lëtzebuerger Land vom 27.11.2008

C’est l’histoire d’un habitant de la commune de Lintgen qui apprendau coin du comptoir qu’une grande résidence sera construite à côté de sa maisonnette, vieille d’un siècle. Curieux, il se rend à la communepour en apprendre davantage et lorsque le technicien lui montre lesplans, il est effrayé par l’envergure de la bâtisse prévue. Il décide alorsde creuser l’affaire. C’était en mars 2008. Il maintiendra par la suite nepas avoir été mis au courant que les dés étaient déjà jetés, que la commune avait attribué une autorisation de construire à la société immobilière Riverside s.a – avec Nicolas Arend et Carlo Fischbach pour administrateursdélégués, mieux connus par la société immobilière Association N. Arend [&] C. Fischbach S.A. – le 14 novembre 2007 déjà. La commune ne l’aurait informé qu’en août 2008 que le feu vert officiel avait été donné au promoteur, donc longtemps avant la vente du terrain. Celui-ci avait appartenu à la fabrique d’église qui devait notamment recevoir en contrepartie une salle polyvalente et des sanitaires dans le nouvel immeuble.

Or, le compromis de vente fut conclu le 5 février 2008 – presque trois mois après la délivrance de l’autorisation de construire – et approuvé par le conseil communal en séance publique du 17 juillet 2008. Ce n’est qu’en août 2008 que l’avis au public officiel fut affiché aux abords du terrain. 

La question qui se pose dans ce dossier est de savoir quand est-ceque le voisin aurait pu introduire ses doléances. Car il maintient que laconstruction de l’immeuble en plein centre du village est contraire auxconditions du plan d’aménagement général de la commune. Il craintaussi que les travaux d’excavation vont détériorer sa maisonnette dontles fondements ne résisteront peut-être pas aux secousses de la pelleteuse.

Le bourgmestre est lui d’avis que « la construction projetée est enrespect avec le plan d’aménagement de notre commune » et l’invite à une entrevue avec les représentants communaux pour discuter du problème. Le plaignant refuse au motif qu’il n’a pas reçu les pièces qu’il avait demandées pour pouvoir se préparer et participer en connaissance de cause à cette réunion. Ensuite, le dialogue ne se fait plus que par d’aimables missives interposées.

L’autorisation de construire émise en novembre 2007 prévoit un délaide recours de deux mois (alors que la loi de 2004 dicte un délai de troismois) – le public aurait donc eu le temps jusqu’en janvier 2008 pour seretourner contre l’approbation communale qui n’avait pas été communiquée officiellement. Pas de chance, le plaignant n’en a eu vent qu’en mars 2008, lorsqu’il était trop tard. « Pourquoi n’avez-vouspas mis à profit le délai légal dont vous disposiez pour formuler une requête contre l’acte administratif si vous étiez d’avis que mon autorisation était entachée de quelque vice que ce soit ? », luiécrit alors le bourgmestre en septembre 2008 en précisant que le délai –de trois mois cette fois – n’avait commencé qu’à partir du jour où il a été consulter le dossier, le 18mars. Or, la loi de 2004 prévoit une communication obligatoire au public via un affichage sur le lieu du chantier – elle a été affichée en août. Difficile de s’y retrouver. Le plaignant contacte aussi le ministre de l’Intérieur Jean-MarieHalsdorf, le commissaire de district, le médiateur Marc Fischbach,la société Riverside et continue à envoyer des lettres à la commune.

Celle-ci s’adjoint les services de l’avocat Roy Reding, qui – entre parenthèses – avait fait parler de lui lorsqu’il avait plaidé pour l’abolition du revenu minimum garanti en sa qualité de secrétaire général de l’ADR,le parti qui se veut aussi être le défenseur des petites gens. L’avocat a donc conseillé à l’administration communale de Lintgen de ne pas réagir aux doléances du plaignant, écrivant à celui-ci que « le délai pour retirer ou attaquer cette autorisation a expiré depuis belle lurette, tant pour laCommune que pour vous même, peu importe la pertinence de vos arguments, qui ne sont pas partagés par la Commune. La Commune n’apas non plus à justifier du déroulement des séances de son conseil, saufpar rapport à son autorité de tutelle. » 

Le 11 novembre, le médiateur Marc Fischbach lui écrit, lui aussi,que « le délai de recours contre l’autorisation est forclos depuis mars2008 » et annonce qu’il va clôturer le dossier, car toute tentative de médiation est exclue, vue la prise de position ferme du bourgmestre.Cette semaine-ci, le plaignant est de nouveau revenu à la charge à coupsde canon en envoyant une missive aux autorités qui place le débat dansun contexte très délicat, car il met en cause l’impartialité du bourgmestre.

« Je viens d’apprendre, écrit-il, que les raisons du refus de Monsieur leBourgmestre de prendre position pourraient s’expliquer par le fait quedeux administrateurs de la société qui emploie Monsieur Würth sontégalement administrateurs de la société Immobilière Riverside S.A. »Dans l’intervalle, le commissaire de district a reçu la prise de position dubourgmestre, apprend-on du ministère de l’Intérieur. Celui-citransmettra maintenant ses conclusions au ministre, lequel prendra position par rapport au dossier. Mais de toute manière, l’objet du litige, l’autorisation communale, semble être périmé, car la loi prévoit un délai d’un an si le bénéficiaire n’a pas entamé la réalisation des travaux de manière significative. Elle peut toutefois être prolongée d’une année supplémentaire sur demande motivée du bénéficiaire.

Or, l’autorisation du 14 novembre 2007 prévoyait un délai d’expirationde deux ans. Cette affaire ne représente qu’à première vue les caractéristiques typiques de la fameuse attitude nimby (not in my back yard). Elle pose quand même la question fondamentale du respect des procédures, du droit de savoir des citoyens et de la neutralité des autorités. Une attitude arrogante assortie de pressions sur une personnequi tente de se défendre n’ajoute rien à leur crédibilité, ni à celle desentrepreneurs.

anne heniqui
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