Pierre Avon

Goûteuse passion

d'Lëtzebuerger Land du 12.05.2011

En cette saison de barbecues et d’apéritifs sur les terrasses, on ne peut que recommander de faire un tour à la Cave à Fromages que Pierre Avon a ouvert il y a peu de temps à la rue de Fort Wallis. Ce sera une façon de voyager à travers l’histoire et la géographie de manière gourmande tant le maître des lieux prend plaisir à partager sa passion en racontant force d’anecdotes et récits tout en faisant goûter ses excellents produits.

Il faut dire qu’à 50 ans, Pierre Avon a déjà vécu plusieurs vies. Gamin, il est déjà attiré par la nature et veut travailler dans l’agriculture. Adorant le contact avec les animaux, recherchant l’indépendance, c’est à 16 ans qu’il devient berger. Pendant plusieurs années, il traversera des régions entières en France pour accompagner les moutons dans leur transhumance. « Traverser les Alpes de part en part avec 2 000 bêtes a quelque chose d’assez incroyable », se souvient-il. L’hiver, il découvre les autres travaux, agnelage et fabrication des fromages. Une révélation. Le jeune berger parfait sa formation avec un brevet de technicien agricole, option laiterie et repart sur les routes, puisqu’il sera compagnon fromager et travaillera successivement dans 85 villes de France. C’est un maître fromager qui l’initie aux secrets de la fabrication et de l’affinage des formages. « Tous les fromages que je vends aujourd’hui, je les ai un jour fabriqués dans un coin de France. »

Après les années de bougeotte viennent celles plus sédentaires où Pierre Avon travaillera pour une grande maison à Paris. Pendant dix ans, il est acheteur à Rungis et vend dans le magasin prestigieux. Il passera aussi par la maison Androuet, qui était sans doute le meilleur fromager de la place à l’époque. 350 m2 de caves voûtées, différentes ventilations et degrés d’humidité selon les types de fromages à affiner, un restaurant qui ne désemplit pas, des buffets pour l’Élysée ou le cinéma… notre maître fromager n’a pas le temps de s’ennuyer. Sauf quand l’entreprise est vendue et qu’il n’y trouve plus les mêmes passionnés qu’avant.

Nouvelle étape, nouvelle façon de travailler. Pierre Avon s’installe en Provence et y crée une cave d’affinage. Il va chercher les meilleures pâtes un peu partout en France et les affine lui-même. Il vend ses fromages de marchés en foires, proposant des sélections pointues et originales : « je ne passais pas deux semaines de suite dans le même village, ni avec les mêmes fromages. » Et venu le temps de se poser. En 2000, Pierre Avon accepte l’offre d’emploi que lui fait le traiteur luxembourgeois Kaempff-Kohler quand il ouvre sa fromagerie et son salon de dégustation. Il y développera pendant dix ans la vente de plateaux de fromages, l’accord avec les vins et les conseils pour l’achat parmi un grand nombre de fromages.

Après dix ans de bons et loyaux services, Pierre Avon s’est à nouveau remis en question et a préféré voler de ses propres ailes. « À mon âge, il me fallait de nouveaux défis et continuer à aller de l’avant ». Il cherche un espace de vente et se tourne vers le quartier de la gare « en plein changement ». C’est là qu’il ouvre son magasin et se fait vite apprécier des connaisseurs et des habitants du quartier. « Je me suis adapté aux horaires d’un quartier où les gens vivent, pas seulement travaillent, donc j’ouvre et je ferme plus tard. » Le fromager affineur ne propose que des fromages au lait cru, essentiellement français (« parce qu’il y a peu d’offres non pasteurisées dans les autres pays »). Il propose tous les classiques que chacun connaît, mais dégote aussi un gouda au pesto ou un fromage de fosse italien quand ce n’est pas un chèvre au thym (« parce que les bêtes en mangent, pas parce qu’on en ajoute », précise-t-il au client curieux).

Outre la vente dans le magasin, notre passionné propose aussi des soirées dégustation, pour les entreprises ou les groupes, des plateaux avec le vin et le pain fournis, et différents événements qui ont déjà fait sa réputation. Ainsi, il emmène à la découverte d’une région à travers ses vins et bien sûr ses fromages lors de soirées où les histoires et souvenirs se mélangent. Celui qui appelle ses clients par leur nom et se souvient de ce qu’ils ont acheté lors de leur dernière visite va encore développer sa cave pour y affiner ses fromages et installer quelques tables. « J’aime la convivialité et le partage, donner du sens, du plaisir et de l’âme à mes produits », et on lui donne bien raison.

Jade Fairbanks
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