Pour ou contre Tsipras

Élections anticipées

d'Lëtzebuerger Land du 28.08.2015

Ceci n’est pas une blague Mais c’est pourtant presque surréaliste : les Grecs vont effectivement être appelés aux urnes pour la troisième fois en neuf mois, le 20 septembre prochain. Alexis Tsipras, ayant capitulé et ayant finalement signé un mémorandum – « le pire des trois depuis 2008 », selon l’avis de la majorité de la presse grecque – , Alexis Tsipras donc, obligé à changer de politique, demande une fois de plus la confiance du peuple pour « continuer, dans la même direction » mais « en connaissance de cause ». Son argumentation ? « Sans plan B complet l’économie de la Grèce se serait effondrée. Il n’y avait pas d’autre option ».

Voter. À quoi bon ? Au premier degré, cela est presque devenu une blague. Les promesses pré-électorales de Syriza du mois de janvier n’ont pas étés tenues, le « Non » du référendum en juillet a été inversé en « Oui », et le Premier ministre ose encore se présenter face au jugement de son peuple. Or, il n’avait pas le choix. La date qu’il a choisie, si proche de la rentrée, est par ailleurs stratégiquement intéressante : l’opposition est bluffée et n’a presque pas le temps de se préparer. Mais encore…

« Pour » ou « contre » Tsipras En réalité telle est la question. « C’est plutôt intelligent car cela est sa dernière carte : la sincérité. Il reste différent des autres car il n’est pas (encore) corrompu et prétend être prêt à quitter son poste si son peuple n’est pas avec lui. Les Européens qui voulaient se débarrasser de ce gouvernement doivent être ravis : il est affaibli, moins crédible et l’accord est passé sans trop de violences et de réactions dans les rues d’Athènes. Imaginez quelle eut été la réaction des Grecs si l’un des gouvernements précédents avait signé exactement le même accord dès janvier ? Le style populiste de Tsipras calme les masses, il va regagner et créer d’autres équilibres », argumente M. Aristote partisan modéré et critique de la Nouvelle Démocratie.

« Pour » « Ce n’est pas du populisme que de dire ‚nous avons tout essayé, nous ne pouvions faire mieux car la Grèce n’a pas les moyens de son indépendance, car tels sont les rapports de force en Europe’. Personne ne dit que Tsipras a gagné les négociations, il a pourtant obtenu la reconnaissance de la non-solvabilité de la dette du pays par le FMI ainsi qu’un accord de quatre ans plutôt qu’une échéance iconique de quelques mois. Il a agi avec responsabilité et non pas par lâcheté : il ne pouvait pas, en raison d’une fierté partisane ridicule tenir les promesses qu’il avait données sans connaître la réalité des négociations. Et il s’est battu de toutes ses forces pour faire entendre le vote des Grecs : ce sont des choses qui pour le moment ne passent pas en Europe. Malgré son ‚réajustement’ à la réalité, ses intentions pour le redressement réel du pays restent les mêmes, mais sur le long terme. Maintenant il connaît non seulement son poste mais aussi les manières des soi-disant ‚partenaires européens’.Il a également réussi, grâce à Varoufakis entre autres, à médiatiser à niveau mondial le problème de la Grèce sous un autre angle que celui présenté par nos gouvernements précédents qui se satisfaisaient des préjugés décrivant un peuple de ‚fainéants-corrompus’. Préjugés en réalité créés à leur propre image d’oligarques. Nous ne voulons plus d’eux ! Quant à la gauche de la gauche : quel est son plan ? Aucun », explique Yiotis, jeune cinéaste.

« Contre » L’opposition à laquelle Tsipras doit faire face est multidimensionnelle. Son ennemi le plus « intéressant » dans cette bataille est la gauche de la gauche, certains de ses anciens collaborateurs notamment, qui continuent sur les lignes rouges initiales de Syriza. Effectivement, pour l’« Union populaire », nouveau parti fraîchement créé par Panagiotis Lafazanis l’objectif est de sortir des politiques néolibérales et de quitter le mémorandum.

Ivresses politiciennes et autres… L’un des arguments pré-électoraux partagé par toute l’opposition consiste à dire que Tsipras provoque les élections si tôt afin que les Grecs n’aient pas le temps de réaliser ce qu’ils devront payer avec le nouveau mémorandum. Quoi qu’il en soit, comme on peut le constater sur cette photographie prise le 15 Août – le lendemain donc de la signature du dit accord – les jeunes Grecs ne semblent pas trop inquiets. Face à l’étonnement de l’auteure de ce texte, la réponse de Stephania, la jeune serveuse au bar – 23 ans, elle travaille quinze heures par jour/ six jours par semaine en été et gagne ainsi de l’argent pour l’hiver – fût la suivante : « Oui, l’accord a été signé hier, oui l’année à venir sera pire que la précédente. Devons-nous pleurer ? Est-ce une raison pour ne pas nager ? Pour ne pas danser ? Ils ne nous enlèveront jamais notre tempérament festif : lui au moins est gratuit ! »

Sofia Eliza Bouratsis
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