Chronique Internet

5G, risques pour la santé… et la météo

d'Lëtzebuerger Land vom 31.05.2019

Au sein de l’UE, les tranchées sont en train d’être creusées au sujet de la 5G, la cinquième génération de systèmes de transmission d’ondes électromagnétiques censés nous faire évoluer vers un nirvana de connectivité inégalée. Les industriels y voient une formidable opportunité de marché en matière de construction d’infrastructures et de renouvellement des terminaux connectés. Ils mettent en avant le caractère indispensable du surcroît de bande passante et d’une réduction du temps de réponse que promet la 5G pour rendre possibles certaines applications embarquées particulièrement gourmandes en capacité de calcul (conduite autonome, « Internet of Things »), que l’infrastructure rendra possible d’effectuer sur des serveurs distants.

Et quid de l’impact des rayonnements de la 5G sur la santé ? Ne serait-il pas indiqué de se livrer, au même niveau où sont prises les décisions de principe quant au déploiement de cette technologie, à une étude de fond rigoureusement indépendante ? C’est la recommandation exprimée en avril par quelque 180 scientifiques de 36 pays, qui ont mis en garde contre les dangers des radiations électromagnétiques émises par la 5G pour la santé humaine. Ces scientifiques demandent à l’Union européenne de suivre la résolution 1815 du Conseil de l’Europe, qui demande qu’une « task force » indépendante se livre à un tel examen, et un moratoire en attendant ses conclusions. L’un des initiateurs de cet appel est le Dr. Lennart Hardell, professeur d’oncologie à l’Université de Suède à Örebro, qui a mis en garde contre des dommages irréversibles que risque de causer la 5G pour les humains, les animaux et les plantes, conséquences qui ne sont selon lui « ne sont pas du tout discutées ».

Interpellée, la Commission européenne a référé à l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Celui-ci prévoit que la responsabilité de protéger le public des impacts négatifs potentiels des champs électromagnétiques incombe aux États-membres, « y compris le choix de mesures à adopter en fonction de l’âge et de l’état de santé ». En d’autres termes, la décision d’investir dans la nouvelle technologie est prise au plan communautaire, le risque sanitaire est à couvrir par les États. La députée européenne Michèle Rivasi (Verts) a souligné que « le projet de partenariat public-privé pour l’infrastructure 5G (5G PPP) est le plus grand projet de ce type au monde, avec 700 millions d’euros de financement de l’Union ». Dès lors, « 5G PPP va-t-il financer une étude sur l’impact biologique de la radiation 5G ? » demande-t-elle.

Ce sera sans doute une longue bataille. Entre-temps, les magazines Wired et Grist rapportent que des plages de fréquences déjà vendues aux enchères aux États-Unis sont critiques pour la précision des prévisions météo. Le directeur de la NOAA (National ocean and atmospheric administration), Neil Jacobs, a mis en garde les législateurs américains que les interférences attendues des téléphones 5G sont susceptibles de réduire la précision des prévisions météo de trente pour cent. « Si vous regardez dans le passé pour savoir quand nos prévisions étaient moins précises de trente pour cent par rapport à celles d’aujourd’hui, cela nous ramène à 1980 », a-t-il expliqué à la Sous-Commission de l’environnement de la Chambre des représentants. Cela donnerait deux ou trois jours de moins aux résidents des zones côtières pour se préparer à l’arrivée d’ouragans, a-t-il insisté.

Explication technique : les plages de fréquences de 24 GHz vendues depuis le mois de mars par la Commission fédérale des communications sont très proches de la plage des 23,8 GHz sur laquelle comptent les météorologistes pour détecter, à l’aide de satellites, les signaux faibles émis par la vapeur d’eau. Et les plages dont la FCC a prévu la vente à l’avenir interféreront avec la détection des signatures de la pluie et de neige (36-37 GHz), de la température atmosphérique (50,2-50,4 GHz) et les nuages et de la glace (80-90 GHz). Si des bévues de cette taille peuvent arriver dans un pays industrialisé comme les États-Unis lorsqu’il déploie la 5G, assurons-nous au moins que cette fois, le principe de précaution soit pris en compte dans l’UE.

Jean Lasar
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