Felix Miny

Maître barista

d'Lëtzebuerger Land du 11.05.2012

« Au Luxembourg, il n’y a pas de scène du café. Bien que la branche du café type américain existe, avec son latte macchiato accompagné de pâtisseries, comme par exemple au Coffee Lounge, au Konrad, au Downtown… Il y a Knoppes aussi… Ce n’est pas un jugement de valeur, mais ce n’est pas la culture du café à l’italienne. » Car c’est elle que Felix Miny voudrait promouvoir au Luxembourg.

« J’ai été fanatique de café depuis mes 17 ans. C’est l’âge approprié pour découvrir le café. Avant c’est trop tôt ». Felix Miny, vous le connaissez peut-être du café-culte l’Interview, haut-lieu du café au Luxembourg, qu’il reprend en 1988. En 1993, une douzaine d’années plus tard, il découvre Illy, chez Dean[&]Deluca à Miami, une année après que cette marque conquiert le marché. « J’ai sauté sur le train en marche ». Converti de la constance et la qualité de la marque italienne, Felix Miny demande la concession pour le Luxembourg. En 1999, l’Interview fait faillite et la concession Illy passe chez Munhowen où Felix Miny devient conseiller café. Le label blanc sur fond rouge, une marque de café célébrissime, mais est-elle vraiment la meilleure ? « Le marketing est important bien évidemment, mais le plus important, c’est la qualité constante. » En très grande partie, elle doit sa perfection au Dr Ernesto Illy, l’évangeliste de l’espresso, chimiste, inventeur d’un percolateur à espresso, designer de la « tasse parfaite » pour ce breuvage, qui fait beaucoup de recherches scientifiques et culturelles dans le domaine du café.

Comment alors déguster son café à l’italienne ? « La culture du café à l’italienne se distingue de son penchant américain par son côté plus puriste. » À Naples, « haut-lieu du café et de la pizza », où le Dr Ernesto Illy – the Beanhunter – tenait un cours sur L’art du café, on peut déguster un espresso amaro. « Pour le préparer, la tasse est plongée dans de l’eau bouillante et l’espresso est préparé avec du sucre ou non, selon la demande. » Le café peut être servi accompagné d’un verre d’eau. C’est dans cet esprit puriste que la vitrine en bois de l’avenue de la Liberté invite l’amateur de café dans la boutique S’presso, tenue par sa femme. « J’aimerais y installer un bar à café et y donner rendez-vous le samedi matin aux coffee-freaks pour parler des dernières nouvelles dans le domaine. »

Chemise bleue à rayures verticales blanches sous une veste noire, l’agenda posé sur la table, Felix Miny commande un espresso. What else ? Mais on est loin du cliché de la passion latine d’un George Clooney pour un café préemballé préparé par bouton-poussoir. Quel est donc le secret d’un bon café ? « Il y a la règle des quatre M, » explique-t-il. Premièrement le mélange, de préférence 100 pour cent Arabica; Ensuite le moulin, car le grade de la mouture de café doit être proportionnelle à la vitesse de l’écoulement de l’eau pour remplir une tasse d’espresso à deux tiers entre vingt et trente secondes. Ensuite vient la macchina. C’est elle qui va garantir la constance de la températre de l’eau entre 87 et 92 degrés et la pression de neuf bars. Et en dernier vient la main du maître. » C’est elle qui fait l’alchimie d’un bon café. Le maître c’est le barista, c’est le « virtuose du café », un peu comme un premier violon d’un orchestre à cordes. Loin de la passion, il faut garder la tête froide. « Même dans la scène italienne, les baristas ne sont pas italiens, mais scandinaves. » Comme barista, Felix Miny a participé à de multiples concours internationaux. En 2003, il a été dans le jury du championnat du monde. « Aujourd’hui, pour les concours de barista, il faut avoir le look, ce n’est plus uniquement la savoir-faire qui compte ». Son dernier concours remonte à 2008. Maintenant il partage son art aux foires : à la foire de printemps chez Luxair, ensuite à Milan, la Venditalia pour Illy, puis à Londres.

Intarissable sur le sujet du café, il raconte la nouvelle vague venu d’Australie ; Paris et ses nouveaux cafés tendance : le Coutume, le Café Lomi, la Caféotèque ; il fait des louanges sur la scène café de Maastricht, le torréfacteur Blanche Dael et le bar Coffeelovers dans une église gothique désacralisée, devenue librairie. À 48 ans, Felix Miny est heureux d’avoir trouvé sa passion, mais il considère que dans la vie, si les choses vont bien, elles vont finir pas se dégrader. Il a l’air d’avoir une capacité à se réinventer, toujours dans son domaine de prédilection, le café. Son rêve pour l’avenir ? Il imagine une flotte de tricycles, contenant des machines à café de qualité, positionnées aux endroits stratégiques de la ville, des baristas formés par le maître, préparant de l’espresso et du cappuccino accompagnés de petites friandises de nos chocolatiers locaux.

Catherine Jost
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