e-Bac

Internet Generation

d'Lëtzebuerger Land du 17.07.2008

Deux ans après son lancement, la première candidate à l’eBac a obtenu son diplôme de fin d’études secondaires. Le projet du ministère de l’Éducation nationale, qui donne la possibilité de faire le bac à distance avec des cours à majorité enseignés sur Internet, semble donc s’avérer comme un succès. 

Le programme est principalement ouvert aux élèves qui ont quitté l’enseignement secondaire ou technique trop tôt et qui désirent améliorer leurs chances sur le marché du travail. Ainsi, ceux qui ont abandonné leurs études après avoir fini leur quatrième ou leur douzième sont automatiquement admis en troisième G de l’eBac, unique section enseignée en ce moment. Les élèves n’ayant pas encore accompli ce niveau d’études, gardent tout de même la chance d’y accéder à travers un test d’entrée, qui se fait en ligne. Selon le ministère de l’Éducation nationale, la majorité des quelque 47 inscrits au programme sortent tout juste du système traditionnel. Le profile-type du e-learner se distingue donc nettement des candidats qui visitent les cours du soir, où on trouve des élèves beaucoup plus âgés. Il est à noter aussi qu’une nette majorité de femmes se sont inscrites au programme. 

L’eBac semble en tout cas idéalement conçu pour une génération qui a grandi devant les écrans d’ordinateur et pour laquelle, de toute façon, la majorité des infos proviennent généralement de la toile. L’enseignement se fait en effet à 75 pour cent par Internet, où les élèves restent néanmoins encadrés par leurs professeurs, qu’ils peuvent tous contacter par Skype. 

Comme le soulignait Alain Hoffmann, le professeur responsable du projet, lors de la remise du premier diplôme mardi dernier : « Le contact humain reste cependant essentiel. » Ainsi, selon les témoignages de la première diplômée, Yasmina Schmit, la relation entre les élèves et le corps d’enseignants semble assez informelle, très différente de ce qu’on trouve dans les lycées traditionnels. Bien sûr, ceci est aussi dû au fait que le nombre d’élèves n’est pas encore tellement élevé par rapport à celui des professeurs. Néanmoins, il reste à remarquer que ces derniers semblent assumer un rôle de tuteur assez comparable au système universitaire britannique, qui valorise une approche beaucoup plus personnelle.

Mais, l’Internet ou le chat avec les professeurs ne remplace pas tout. Le quart restant des cours est en effet enseigné par voie traditionnelle dans une des salles de classe au Campus Geesse­knäppchen. Or, même ici, la vie est facilitée pour ceux qui n’ont pas les moyens de se déplacer, puisque la totalité des matières enseignées est mise en ligne sur le portail du ministère de l’Éducation nationale, myschool, où l’élève et les professeurs ont aussi leurs comptes personnels. Ensuite, tous les résultats et une partie des travaux sont recueillis dans un e-portofolio, qui peut être consulté sur le même site, et servira comme fiche de recommandation, une fois que les e-learners s’inscrivent à une université ou entrent sur le marché de l’emploi.

Normalement, la durée habituelle d’un curriculum complet est de trois ans. Or, comme l’a montré l’unique candidate au bac de cette année, il est possible de le faire en deux. À part la motivation nécessaire pour y arriver, c’est aussi le système d’enseignement par modules, similaire à celui du Neie Lycée, qui permet de finir la troisième et la deuxième en un an seulement. Ainsi, les élèves peuvent s’inscrire, selon leurs compétences, à plusieurs modules parallèlement et les accomplir à la vitesse qui leur convient le mieux. Au niveau de l’évaluation, chaque module est clôturé dans la septième semaine de la session avec un devoir, qu’il faut passer avec une moyenne suffisante pour pouvoir avancer. Si l’élève ne se sent pas encore prêt pour faire ce test, il pourra se représenter huit semaines plus tard à la même épreuve. Finalement, en cas d’échec, l’élève ne devra pas refaire toute l’année, mais seulement le module qu’il n’a pas réussi. 

À part la structure de l’enseignement, l’eBac ne se distingue, du point de vue du programme, pas beaucoup de celui des autres lycéens en section G. L’institution inébranlable de l’enseignement secondaire reste néanmoins l’exa­men de fin d’études, que les e-learners doivent écrire, comme tout le monde. Or, la différence consiste dans le fait que les élèves ne sont pas obligés à se soumettre à toutes les épreuves à la fois. En d’autres termes, ils ont le droit de les répartir sur une durée maximale de deux ans. Ceci n’est, d’ailleurs, pas différent pour ceux qui fréquentent les cours du soir. Or, si l’eBac a connu un taux de réussite de 100 pour cent, vu le fait que la seule candidate a passé tous ses examens, il faut remarquer qu’après les huit premières semaines de chaque session, 20 à 25 pour cent des inscrits ont abandonné les cours. Mais, comme l’explique Alain Hoffmann, « ceux qui restent pour une session, finissent normalement leur année. » 

Le modèle semble en tout cas faire partie d’une stratégie à long terme du ministère de l’Éducation nationale. Comme le précise la ministre Mady Delvaux-Stehres (LSAP), il existe un règlement grand-ducal en cours d’éla­boration qui devrait offrir des cours eBac aux candidats des cours du soir. Il s’agit, selon Gérard Zens, responsable pour la coordination de l’enseigne­ment secondaire, de profiter de la complémentarité des deux programmes. La ministre n’a en effet pas exclu d’élargir le concept du e-Learning sur d’autres domaines de l’enseignement. 

La seule critique reste cependant le coût du eBac. Ou pour reformuler : si les chiffres étaient publics, on saurait au moins l’ampleur de la facture, qui semble tout de même épicée. Mardi dernier, la ministre de l’Éducation nationale n’était pas prête à divulguer le montant exact devant la presse en indiquant seulement que « c’est très cher ». En effet, si les élèves ne déboursent que cinq euros par module, ce qui est bien sûr louable, on peut imaginer que l’État en paie le gros. Avec 60 professeurs engagés dans le projet, dont l’élaboration a débuté il y a quatre ans, il est difficile d’assumer le contraire.

David Goebbels
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