Drumblebee

Drumming for kids

d'Lëtzebuerger Land vom 11.05.2012

Samedi, 14h45 à la Philharmonie. Des cris d’enfants, des pieds qui courent sur la passerelle surévelée. Ça parle dans toutes les langues, du grec à gauche, des tonalités plus nordiques à droite. Des bises de mamans claquent, des bouteilles d’eau sont passées de mains en mains. Nous sommes dans la file d’attente pour un concert pour enfants de l’abonnement Philou, qui s’adresse aux cinq à neuf ans. Le concert se joue à guichets fermés, toutes les places se vendent des mois à l’avance, dès l’annonce du programme en avril ou mai. Voilà une belle image du Luxembourg, multiculturel, international, avec une offre de qualité pour les plus petits. Et un public pour l’apprécier, loin du Mäertchen et de la Foire de printemps.

Le spectacle du jour : Drumblebee, la nouvelle création de Dan Tanson, qui en assure également la mise en scène, avec la complicité d’Ela Baumann à la chorégraphie. Il s’agit d’une commande de la Philharmo-nie, qui voulait absolument faire se rencontrer le quatuor de percussionniste Beat (composé de Gabriel Benlolo, Aurélien Carsalade, Lau-rent Fraiche et Jérôme Guicherd) et le metteur en scène luxembourgeois. La création a eu lieu fin avril, on ne sait donc guère ce qui nous attend lorsque les enfants surexcités s’engouffrent dans la salle dans la pénombre, dans la-quelle une belle pleine lune règne sur une scène vide. Agenouillés ou assis sur des coussins devant les gradins, les enfants ne tiennent pas en place, tellement l’attente leur paraît longue. Les percussions, ça marche pour eux.

Entrent quatre hommes bien apprêtés en costumes noirs, munis de lampes torches, attirés comme par magie par cette lune. Ils s’y lancent, vacillent, rampent par terre pour s’en approcher. Puis sortent leurs baguettes et commencent à jouer sur de petites plaquettes métalliques fixées par terre. Tout de suite, le rythme est là, les enfants se déchaînent, les musiciens jouent sur le sol, sur leurs corps, tout devient musique, tout devient son. Durant trois quarts d’heure, les quatre gais lurons, incarnant chacun un personnage, qui plus charlot, qui davantage clown triste, vont ainsi se concurrencer dans la recherche de la sympathie du public.

Drumblebee est un spectacle très didactique, sans parole, sur les percussions et leurs sonorités : les petites caisses sont plus nerveuses que les grosses caisses, un xylophone a un son plus chaud et plus puissant qu’un petit triangle en métal,... Mais tout cela se passe de manière très ludique, avec une chorégraphie très réfléchie pour passer d’un groupe d’instruments à un autre, des cymbales aux batteries, des clochettes aux verres en cristal. C’est tonique et dynamique, rythmé et rigolo. Par moments, on est dans le Drumming de Steve Reich, puis dans des mélodies tsiganes popularisées par Goran Bregovic, le Vol du bourdon de Rimski-Korsakov (The flight of the bumblebee en anglais, qui a fort probablement inspiré le nom du spectacle) devient une performance physique, faisant courir les musiciens autour de leurs xylophones.

Mais si la démonstration de maîtrise technique sans âme est une des pire tares des interprétations de ce grand classique de la musique classique populaire, le Quatuor Beat ne tombe pas dans ce piège, gardant toujours en tête qu’il joue pour des enfants, hyper-attentifs à tout ce qui se passe sur scène. Surstimulés par les rythmes et les sons des percussions, ils réagissent ici au quart de tour au moindre effet des slapstick imaginé par les acteurs-musiciens. C’est là qu’on reconnaît la maîtrise de Dan Tanson et de Ela Baumann, sachant varier les ambiances pour permettre aux enfants de revenir dans des sons plus calmes. Car après un quart d’heure, leurs corps ne tiennent plus en place, complètement happés par ce spectacle magique qui se passe un soir de pleine lune.

Drumblebee, un spectacle conçu et mis en scène par Dan Tanson, chorégraphie : Ela Baumann : costumes : Emilie Cottam ; lumières : Stéphane Choner, avec le Quatuor Beat : Gabriel Benlolo, Aurélien Carsalade Laurent Fraiche et Stéphane Choner est une production de la Philharmonie, en coproduction avec le Lucerne Festival, la Philharmonie de Cologne Kölnmusik et les Grazer Spielstätten, Drumblebee partira en tournée dans ces trois lieux à partir de septembre. Plus d’informations sur le site : http://quatuorbeat.fr.
josée hansen
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