Aides d‘État aux banques européennes

L‘étau se resserre

d'Lëtzebuerger Land vom 26.07.2013

Les conditions d’octroi d’aides d’État aux banques européennes en difficulté vont être drastiquement modifiées de manière à moins ponctionner le contribuable. La Commission européenne a en effet publié, le 10 juillet, le nouveau cadre applicable aux subsides ou garanties publics aux établissements financiers.
L’objectif affiché est d’améliorer le processus de restructuration et à rendre plus équitables les conditions de concurrence entre les banques. Mais le dispositif à venir remet aussi la Commission en position de force vis-à-vis des États membres qui ne pourront plus la mettre devant le fait accompli lorsqu’ils voudront renflouer une de « leurs » banques.
« Ces changements sont fondés sur les bonnes pratiques des dernières années s’agissant des sauvetages et restructurations de banques. Les modifications apportées aujourd’hui aux règles appliquées dans le contexte de la crise sont fondées sur les bonnes pratiques de ces dernières années en matière de renflouement et de restructuration des banques », a expliqué le commissaire en charge de la concurrence Joaquin Almunia.
Le nouveau cadre sera d’application à compter du 1er aout. À compter de cette date, en cas de déficit de fonds propres, les propriétaires de la banque concernée et les créanciers subordonnés devront, avant toute mise à disposition de fonds publics, contribuer en premier ressort au renflouement de la banque et de la charge de toute restructuration éventuelle ordonnée par les autorités de régulation de l’UE. C’est l’illustration de la théorie de la Commission sur la responsabilisation des actionnaires qui « doivent prendre leur part du fardeau ».
« Ce changement introduira davantage d’égalité de traitement entre les banques comparables établies dans des États membres différents et réduira la fragmentation des marchés financiers », a encore souligné le commissaire.
Dans la situation actuelle, un établissement en difficulté dans un pays peut recevoir un renflouement rapide de l’État, protégeant ainsi ses actionnaires et créanciers, alors qu’une autre banque située ailleurs ne recevra qu’une aide marginale de son pays, parfois insuffisante pour renflouer l’établissement financier. Ce qui introduit une distorsion au sein du marché intérieur.

Restructuration plus efficace
De plus, la Commission veut un processus de « retour à la normale » des banques sans soutien public plus efficace. Aussi impose t-elle dorénavant à la banque demandeuse de l’aide, avant même de pouvoir bénéficier de recapitalisations ou de mesures de protection d’actifs, de soumettre à l’exécutif européen pour approbation un plan de restructuration solide ou un plan de résolution. Ce plan devra contenir un dispositif de levée de capitaux de manière à attester du retour à la rentabilité de l’établissement à long terme. « Cela conduira à des restructurations plus rapides et plus efficaces », a estimé Joaquin Almunia.
Cela constitue un renversement de la pratique actuelle, qui a abouti à retarder considérablement la remise à flot des banques sous subsides publics. Sans compter les négociations ardues entre les capitales et l’exécutif européen, telles que celles au sujet d’ING ou de WestLB ou d’ABN Amro, qui ont contesté les mesures de restructuration a posteriori imposées par l’exécutif européen devant la Cour de justice ou plus récemment au sujet de la banque autrichienne Hypo Alpe Adria, qui était même menacée de fermeture.

Rares exceptions
Néanmoins, des exceptions pourraient être accordées lorsque la stabilité financière est menacée ou qu’une banque est déjà parvenue à réduire de façon substantielle son déficit de fonds propres et que le montant résiduel à demander à l’État est limité par rapport à la taille du bilan de la banque.
La Commission a aussi précisé que la stabilité financière restait l’objectif prioritaire de son appréciation et a expliqué la manière dont elle intégrait des considérations d’ordre macroéconomique dans cette dernière et ce que les changements apportés impliquaient pour les régimes d’aides Enfin, toute banque aidée par un État devra encadrer strictement les rémunérations de ses dirigeants, ce qui va faire grincer les dents de certains…
C’est la troisième fois que la Commission européenne modifie les règles sur les aides publiques aux banques depuis 2008 et la faillite retentissante de Lehman Brothers. Ces nouvelles règles s’inscrivent dans le projet de création d’un organisme de renflouement ou de liquidation bancaire dévoilé ce même jour par la Commission. Les deux dispositifs sont complémentaires en ce sens qu’ils visent à créer un cadre clair pour l’avenir pour les banques européennes. L’UE ne veut plus avoir à affronter une situation  semblable au fâcheux précédent chypriote de ce printemps dernier, quand des dépôts bancaires d’épargnants ont été brutalement ponctionnés.

Sophie Mosca
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