Portrait : Antti Pirskanen

D’une branche à l’autre

d'Lëtzebuerger Land du 04.11.2016

Pas si simple de se repérer sur l’ancien site de l’Arbed à Dommeldange. Comme toutes les friches industrielles un peu hybrides, on ne sait pas ce qui fonctionne encore, ce qui a été réhabilité, ce qui a été réduit au silence. Et puis au fond à droite, le Bamhaus. Depuis 2013, l’ancien studio du musicien Gast Waltzing est devenu une plateforme de création et des évènements y sont organisés ponctuellement depuis l’ouverture officielle au printemps 2014. Graphistes, vidéastes, ingénieurs du son ou encore traductrice et créatrice de mode travaillent, ensemble ou en solo, sur le site. Des bureaux, des studios d’enregistrement, une salle de cinéma aux allures de grand salon et les gens qui gravitent au milieu. Parmi eux, Antti Pirskanen.

« J’arrive enfin à me considérer comme un réalisateur. Même si je suis une sorte de Dr Jekyll et Mr Hyde ». L’emprunt à l’œuvre de Robert Louis Stevenson est commun, mais complètement assumé par Antti Pirskanen, qui souhaite aujourd’hui être reconnu aussi comme un artiste et non plus comme un « simple » technicien ou consultant. Arrivé au Luxembourg il y a presque quatre ans, le Finlandais, fin de la quarantaine, fait partie de ces hyperactifs travaillant principalement en dehors du radar officiel du Filmfund. Entre créations personnelles et travail institutionnel, il semble avoir trouvé un équilibre financier et artistique, où les connaissances et l’expérience se complètent : « Dans mes commandes, j’arrive toujours à insuffler un style plus personnel. Et dans mes projets propres, je me sers des compétences acquises par mon expérience corporate, comme l’établissement et le respect d’un budget ». Sa collaboration avec Coopérations asbl semble être en cela un bon compromis, avec la réalisation de vidéos lors de la Nuit des lampions, organisée chaque année à Wiltz par l’association : à l’image, des impressions, des ressentis, bien loin d’un simple reportage.

Formé par des workshops à la Sibelius Academy et aux beaux-arts de la capitale finlandaise, Antti Pirskanen commence à travailler au studio vidéo expérimental de l’Helsinki University of Technology, puis en devient pour quelques années le manager. C’est à cette époque qu’il se spécialise dans les contenus multimedia, travaillant pour des institutions culturelles ou des artistes. Il crée des contenus interactifs pour les musées, des CD-roms d’« edutainment », mêlant éducation et divertissement. L’arrivée d’Internet va bouleverser la donne et le jeune homme doit alors s’adapter. Le web lui offre un tout nouveau terrain de jeu : la création de sites internet. Parmi ses clients les plus fidèles, le Helsinki City Theatre, une rencontre née d’une installation vidéo complexe pour le chorégraphe Daniel Ezralow. Au Luxembourg récemment, où il vit depuis plus de quatre ans, c’est la boutique Yleste ou le food truck africain Kwanza qui ont fait appel à Antti Pirskanen et sa société Nodium, qui propose également un service de création ou restructuration d’identité visuelle, qui passe aussi par la vidéo. Outre l’image, le Finlandais propose aussi des prestations d’ingénieur du son, où il office sur le plateau comme dans la post-production, parfois également rejoint par Ben Barnich, son voisin de bureau et co-fondateur de Bamhaus.

« En tant que réalisateur, il est certain que je suis davantage porté sur le son. L’ouïe est un sens primitif, qui pour moi parle bien plus vite au subconscient », affirme-t-il. Un parti-pris qu’il a pu mettre en œuvre sur son court-métrage Code obscura. Bancal mais touchant, le film de science-fiction de genre expérimental est une réflexion sur la cohabitation entre nouveaux arrivants et autochtones et a été entièrement produit par Nodium. Une dizaine de personnes collaborent régulièrement avec Antti Pirskanen, une structure fidèle et fiable, avec qui il se voit bien aller jusqu’au long-métrage : « Je voudrais me concentrer sur quelque chose de grand. Mais ne faire que ça. Moins de dispersion. » Tout en repensant à l’équilibre qu’il est arrivé à créer entre l’aspect commercial de son métier et les raisons de sa passion.

Marylène Andrin-Grotz
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