En compagnie de la poussière

Pour la vie et au-delà

d'Lëtzebuerger Land du 31.07.2008

Il fut un temps où les réalisateurs luxembourgeois se comptaient sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, la situation au grand-duché a radicalement changé. Les succès critiques de Beryl Koltz (Starfly, 2005) et Max Jacoby (Butterflies, 2005) ainsi que le système de soutien du Film Fund ont encouragé de nombreux jeunes à développer des idées et à poursuivre le chemin périlleux de la réalisation. À tel point que le fond de soutien n’a pas su répondre à bon nombre de demandes de subvention récentes. En attendant que les responsables politiques essaient de remédier à ce manque de moyens, intéressons-nous ici à Jacques Molitor, un de ces jeunes réalisateurs luxembourgeois et son dernier court-métrage qui nous avait échappé dans un premier temps dans le flux des événements.Parti pour être médecin, Jacques Molitor finit par céder à sa passion pour le cinéma. Après des études de réalisation à l’Institut des arts de diffusion à Louvain-la-Neuve en Bel­gi­que et un cours intensif à la Univer­sity of Southern California, le jeune cinéaste de 28 ans acquiert de l’expérience sur différentes productions belges et luxembourgeoises.En compagnie de la poussière, qui fut présenté au Luxembourg le 8 mai et vient d’être sélectionné dans la ca­tégorie « Léopards de demain » du Fes­tival du film de Locarno, la semaine prochaine, raconte l’histoire de Michel (Thomas Coumans) qui se retrouve dans une relation complexe. Que ce soit pendant un vernissage ou en volant des nains de jardins, Michel et son meilleur ami François (Guillaume Dumont) s’amusent sans cesse à enfreindre les règles de la société. Alliés très proches dans toutes leurs actions politiquement incorrectes, la tension monte pourtant entre les deux adolescents à chaque fois que François montre ses sentiments amoureux envers Michel. Ce dernier fait de son mieux pour les ignorer, d’autant plus qu’il est également amoureux à son tour, d’Alice (Anne-Catherine Regniers). C’est alors que la situation vire au drame, laissant Michel tout seul.Co-produit par la société belge Fra­Kas et Paul Thiltges Distributions du Luxembourg, ce court-métrage profite du nombre (une trentaine environ) et de la qualité de ces collaborateurs. Thomas Coumans et Guillaume Dumont sont parfaitement à la hauteur d’un scénario qui s’appuie davantage sur le jeu du corps que sur les paroles. Les images signées Tommaso Fiorilli ne captivent pas seulement par leur caractère souvent insolite, mais aussi par la qualité de leur exécution technique. Michel recroquevillé sous l’eau, au fond d’une piscine ou un joli travelling le long des deux héros et de leurs nains captivés ne sont que deux exemples d’une esthétique attrayante.Pour la bande originale, Jacques Moli­tor s’est assuré la collaboration d’une star du paysage musical luxem­bour­geois : les ambiances sonores de Da­ni­el Balthasar trouvent le ton juste pour chaque séquence et complètent l’ambiance tragique du court métrage.En compagnie de la poussière est un bel objet filmique, pour lequel on regrette seulement qu’il vende déjà l’issue de son intrigue dans le synopsis officiel. Le film, qui commence alors que Michel est étudiant en médecine et qui remonte dans son passé douloureux par plusieurs flash-backs, devient ainsi une explication d’état plutôt qu’une histoire progressive. Un plotspoiler d’autant plus gênant dans un scénario bien réfléchi et ficelé dans lequel les séquences se rejoignent toute aussi bien au niveau narratif que visuel.

 

Fränk Grotz
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