Cette généreuse superposition des calories

Effeuillons le millefeuille

d'Lëtzebuerger Land du 18.09.2015

N’est-il pas tentant, ce gâteau gourmand, croustillant et onctueux à la fois, dont l’apparente simplicité témoigne de l’art de la pâtisserie française dans le monde entier ? Ce mois-ci, nous parlons millefeuille, car c’est un peu la pâtisserie star du mois de septembre ! Celle pour laquelle on peut se (re)permettre de craquer, maintenant que l’épreuve du maillot est passée. Mais surtout, celle qui s’affiche dans toutes les vitrines de France, à l’occasion de la huitième édition du Mois du millefeuille, durant lequel les boulangers-pâtissiers s’amusent à en revisiter la traditionnelle recette.

Pour ceux qui n’auraient jamais eu le culot de goûter à cette généreuse superposition de calories, sachez que le millefeuille est un gâteau fait d’au moins six abaisses de pâte feuilletée, superposées, souvent caramélisées, séparées par de la crème pâtissière au kirsch, au rhum, à la vanille… et recouvertes de sucre glace ou de fondant. Compte tenu de la méthode traditionnelle de préparation de la pâte feuilletée, en six étapes de pliages en trois, le millefeuille comporte en réalité 729 paires de feuillets, et non pas mille, comme voudrait le faire croire son appellation. D’ailleurs, si le nom de « millefeuille » – à ne pas confondre avec la millefeuille, plante médicinale favorisant la digestion – entre pour la première fois dans le dictionnaire en 1906, il faut savoir que l’origine de ce gâteau est bien plus lointaine…

Il semble en effet que les Byzantins, à l’époque romaine, appréciaient déjà une pâtisserie faite de multiples couches de pâte craquante et garnie de miel. Quelques siècles plus tard, les invasions arabes du IXe siècle apportent en France, dans tout le Sud-Ouest, des recettes ressemblant fort à celle du millefeuille comme le pastis gascon ou les feuilletés catalans, appelés bunyétas, très semblables aux pastillas marocaines. Au Moyen-Âge, une friandise à base de pâte feuilletée était déjà connue en Île-de-France et en 1311, une charte évoque le gâteau « feuillé » servi lors de la fête des Rois… Il faudra attendre 1604 pour que la véritable recette de cette pâte toute particulière soit pour la première fois évoquée par un maître cuisinier de Liège, Lancelot du Casteau, qui parle alors de « pastéz d’Espaigne fueiltéz ». Le millefeuille que l’on connaît aurait quant à lui été créé par François Pierre de La Varenne, qui l’évoque le premier dans son livre Cuisinier françois, en 1651. Sa recette a ensuite été perfectionnée par Marie-Antoine Carême, cuisinier de Talleyrand, puis par un certain Rouget, avant d’être totalement oubliée. Il faut attendre 1867 et sa réapparition dans la vitrine du célèbre pâtissier d’alors, Adolphe Seugnot – installé 28, rue du Bac à Paris – pour que le millefeuille connaisse enfin le succès. Très vite, la Maison Seugnot en vend quotidiennement plusieurs centaines et le gâteau devient incontournable dans toutes les vitrines des pâtisseries du pays.

Mais certains aiment à penser que le millefeuille seraient une création de l’Empereur Napoléon. C’est le cas en Russie, où la tarte Napoléon, un des gâteaux les plus populaires du pays, présente de très fortes similitudes avec la recette de notre millefeuille. La légende raconte que l’Empereur, courtisant une dame de l’entourage de l’Impératrice Joséphine, fut soudain surpris par son épouse. Dans la foulée, il déclara expliquer au creux de l’oreille de la belle, la recette d’un gâteau dont il était l’inventeur. C’est ainsi que Napoléon se mit à décrire la préparation et la cuisson du millefeuille, se présentant dès lors comme un fervent amateur de ce gâteau feuilleté. Les Anglais se plaisent d’ailleurs à raconter que l’Empereur aurait fait une indigestion colossale de millefeuille la veille de Waterloo… ceci expliquant son absence du champ de bataille le 18 juin 1815 !

Pâte feuilletée :

Crème pâtissière :

Abaisser finement votre pâte feuilletée, parer les bords et humecter avec de l’eau au pinceau. Piquer à la fourchette et saupoudrer le tout de sucre fin. Poser la pâte sur la plaque de votre four avec une grille dessus pour freiner le développement et enfourner à 200°C. Dès l’apparition de la couleur dorée, sortir les plaques du four. Retourner la pâte, humecter et sucrer à nouveau. Remettre la grille et enfourner à nouveau pour quelques minutes jusqu’à dessèchement et légère coloration. Détailler vos millefeuilles à l’emporte-pièce.

Réaliser votre crème pâtissière. Mélanger les jaunes d’œufs avec le sucre jusqu’à ce que l’ensemble blanchisse. Ajouter la farine et un demi verre de lait pour que le mélange soit plus liquide. Faire chauffer ensuite le reste du lait et lorsque celui-ci est tiède, ajouter le mélange œufs/farine/sucre/lait. Fouettez jusqu’à ébullition puis stoppez la cuisson. Laissez refroidir et dresser votre millefeuille en alternant pâte feuilletée et crème pâtissière. Recouvrez le dessus de sucre glace ou de fondant.

Salomé Jeko
© 2023 d’Lëtzebuerger Land