Voxmobile

Bintz rouvre la page

d'Lëtzebuerger Land du 20.11.2008

Le dessinateur Reiser en avait fait l’attribut principal de son antihéros, mais la bienséance ne nous autorise pas à écrire les sept lettres d’un mot qui fait l’étoffe de Jean-Claude Bintz, avec les nerfs en plus. Il lui en a fallu en tout cas pour faire onze ans de sacerdoce dans le monde des télécommunications. Il y a apporté la concurrence en 1998 avec la création de Tango/Tele2, avant de claquer la porte de l’opérateur alors propriété de Tele2 – mais orphelin de son fondateur Jan Stenbeck – pour lancer, avec l’aide de sociétés financières et Pascal Koster, un autre transfuge de la maison, VoxMobile. L’outsider de la téléphonie mobile au grand-duché pourrait toutefois bientôt surpasser son concurrent LuxGSM. Car le géant d’hier, contrôlé majoritairement par l’EPT, semble bien isolé au milieu de VoxMobile, désormais à cent pourcent Mobistar/Orange et Tango, devenu en totalité une filiale de Belgacom. « Sans l’arrivée de Mobistar en 2007, Vox n’aurait pas résisté très longtemps », reconnaît d’ailleurs son fondateur.

Jean-Claude Bintz a vendu la semaine dernière ses dernières actions de Vox à Mobistar. Il en détenait encore avec Pascal Koster – qui,lui, reste dans le groupe –, 10 pour cent du capital à travers leur holding commun, Biko. La filiale belge d’Orange (groupe France Telecom) a levé plus tôt que prévu l’option de rachat de cetteparticipation, option qui aurait dû en principe être seulement actionnée en 2010. Mais l’intégration de VoxMobile dans le réseau belge se fera plus vite que prévu, afin « de maximiser les synergies sur le plan des ressources et du savoir-faire » entre Vox et Mobistar, indique le communiqué de presse de l’opérateur belge. « Voxmobile, poursuit le texte, peut ainsi mieux s’armer contre la concurrence croissante sur le marché luxembourgeois. » 

Le nouveau « patron » de l’entreprise s’appelle Erik Cuvelier, un ingénieur français qui a passé treize ans chez Mobistar après avoir fait ses classes chez France Telecom.

Jean-Claude Bintz aurait pu prendre la quille et couler des jours tranquilles de rentier, avec la coquette plus-value que la vente de sa participation dans Vox a dû lui rapporter. Mais la vie de retraité avant l’heure ne lui sied pas. Il garde pour plus tard le rêve d’une vie ailleurs, au bord d’un lac, loin du brouhaha de la civilisation et part pour un nouveau défi. Le challenge a pour nom Lakehouse, et pour objet le conseil en communication, en gestion et en ressources humaines. Le patron a déjà fait ses emplettes en rachetant à VoxMobile son agence de communication Moskito. Bintz reprend avec lui le personnel de la société avec sous le bras un contrat publicitaire de deux ans avec l’opérateur de mobile qui assurait la moitié du chiffre d’affaires. Un autrecontrat a été conclu avec les « amis » de l’agence Brain [&] More, qui permettra à Lakehouse d’avoir une force de frappe dans le secteur des relations publiques, spécialité de cette entreprise. 

Il s’agit d’ailleurs d’un retour aux sources : Jean-Claude Bintz a travaillé dans la finance – c’est là qu’il a connu Jan Stenbeck – avant de « tomber » dans la publicité en prenant la direction de la régie publicitaire IP. Puis vint l’aventure Tango en 1997, suivie de l’épisode VoxMobile, créée en 2003. 

Bintz quitte la société en douceur, en restant consultant de la maison. Manière sans doute d’assurer la transition sur la pointe des pieds, car son fondateur incarnait presque à lui tout seul l’entreprise et il avait fortement capitalisé sur cette personnalisation (sa trombine de barbu sympathique apparaissait d’ailleurs très souvent sur les publicités de l’opérateur). 

Il a choisi lui-même la date de son départ à la fin du mois de novembre. Et il s’en va après les élections sociales où le LCGB a raflé la mise dans l’entreprise qu’il a fondée il y a cinq ans. « C’est la pire des choses qui a pu m’arriver » raconte cet homme résolument situé à gauche. Alors la politique le tenterait-il, lui qui a failli succomber à ses sirènes aux législatives de 1999, puis au scrutin suivant de 2004, avant de se rétracter par souci de neutralité des affaires ? L’homme ne fait pas mystère de son admiration sans réserve pour le ministre LSAP de l’Économie et du Commerce extérieur, Jeannot Krecké. Un socialiste pragmatique qui a fait des patrons ses alliés. Bintz est l’un d’eux.

L’homme hésite encore à se lancer, bien que la politique soit pourlui comme la musique – il est guitariste d’un groupe à ses heures – :ça le démange. Pas par ego, ni pour la gloriole personnelle, maisparce qu’il pense pouvoir y apporter sa pierre en tant que patronde gauche et entrepreneur « qui en a ». Des nerfs, bien sûr.

Véronique Poujol
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