Gildas Royer

Le vin est un produit culturel

d'Lëtzebuerger Land vom 08.07.2010

Rien de tel que la passion pour réussir dans la vie. Et le vin est celle de Gildas Royer depuis qu’il a 18 ans, depuis qu’un de ses professeurs à l’école hôtelière a détecté chez lui un savoir-faire et une mémoire olfactive précoce. Ce Breton élevé dans un milieu littéraire (par des parents professeurs) n’était pas vraiment attiré par une scolarité classique. Mais il constate volontiers que l’univers familial, les lectures et la culture que lui ont transmises ses parents sont pour beaucoup dans sa réussite. « Le vin est un domaine culturel. Comme en la musique, il y a le solfège et la pratique; pour le vin, il y a un la théorie avant la dégustation. »

Par théorie, celui qui a été Meilleur Sommelier de Luxembourg trois années de suite (1997, 98, 99), entend l’important volet historique, géographique et culturel qu’il faut maîtriser pour connaître et comprendre un vin. Il cite l’ensemble des savoirs enseignés aux futurs sommeliers : géographie, géologie, œnologie, tradition, accords mets/vins, et dégustation. Ce qu’on enseigne pas à l’école, c’est en apprentissage, sur le terrain que Gildas Royer l’a découvert: « la vie d’un restaurant, tous les jours, avec le stress, les horaires de fous, les mauvaises conditions. C’est là qu’on apprend le métier ». Et si un maître d’apprentissage ne l’avait pas poussé au challenge de réussir et d’aller toujours plus loin, il n’en serait sans doute pas là. « Trop souvent, notamment à Luxembourg, la restauration est un métier par défaut alors que c’est tellement difficile qu’il faut la passion. »

À l’aise dans le contact avec les clients, aimant communiquer et partager ses connaissances et volontiers charmeur, Gildas Royer suit les conseils de son professeur et « se fait un cv » en passant cinq années comme sommelier dans des restaurants affichant trois étoiles, en changeant tous les ans. C’est ainsi que de 1992 à 1997, il parcourt les grandes tables et grandes maisons françaises avant d’arriver à Luxembourg où il est embauché à L’Océan, feu restaurant de poissons. On lui confie les clés de la cave : « C’est un luxe que peu de patrons laissent à leur sommelier : aller parcourir le vignoble, acheter, stocker et servir à maturité, c’est beaucoup de budget et de responsabilités. »

Tournant dans sa carrière quand après quatre ans, des clients réguliers du restaurant le débauchent pour un travail tout à fait original. Les consultants de Deloitte décident de développer des services autour du vin. C’est Gildas Royer qui va mettre en place des cours pour le personnel, des dîners avec animation pour les clients et des conseils pour la création de caves. « C’est un domaine à la mode qui permet de se démarquer de ces concurrents». Ce travail à mi-temps lui permet parallèlement de créer, en février 2001, « In Vino Gildas » sa propre société qui offre les mêmes services. Puis fin 2008, d’ouvrir son propre lieu et de s’y consacrer à plein temps.

Ce lieu a été pensé et créé sur mesure par Robert Hornung pour répondre aux différentes activités proposées. Le lieu a d’ailleurs récemment été récompensé par le Coup de cœur du public lors du premier Concours CommerceDesign. Différent des espaces de vente de vin (où l’on ne voit que des caisses et des bouteilles), l’accueil ressemble plus à une galerie d’art en attente d’une exposition ou au laboratoire d’un esthète particulièrement méticuleux. Une table en chêne brut de cinq mètres de long est le cœur de la boutique : « table de travail, de partage, de laboratoire ». Elle est surplombée par un tableau blanc reprenant la carte du monde et servant de support lors des ateliers d’initiation. La cave se situe dans un espace reculé plus sombre, lieu de sélection, de découverte, de choix. On mentionnera encore la « terroirothèque », un ensemble de bocaux rassemblant les sols de différents terroirs qui explicitent très bien les caractéristiques et qualités des vins.

« Le vin doit être un stimulateur de plaisir et de convivialité » assène Gildas Royer qui veut surtout mettre ses clients à l’aise, démystifier le côté snob et compliqué du vin pour mettre en valeur l’aspect « vivant » du produit. À travers des dégustations, des ateliers ou des cours, c’est cette passion qu’il transmet inlassablement. Sa cave comprend des vins « qui accompagnent, pas qui dominent » car il refuse la dictature des modes et des marques. Toutes ses bouteilles proviennent de petits producteurs, visités chaque année et ont toute une histoire à raconter… quand on sait l’écouter. www.invinogildas.com

Jade Fairbanks
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