Neie Lycée

Le projet prend de l'envergure

d'Lëtzebuerger Land du 05.06.2008

On se rappelle que l’ouverture du Neie Lycée, il y a trois ans, avait suscité quelques controverses à cause de la méthode pédagogique préconisée, qui battait tous les tabous du système traditionnel connu au Luxembourg. Mardi 3 juin, la ministre de l’Éducation nationale, Mady Delvaux-Stehres (LSAP) a annoncé, lors d’une conférence de presse, que suite à la grande demande d’inscriptions, le ministère propose un nouveau projet de loi qui donnera au nouvel établissement le droit d’enseigner des lycéens du cycle supérieur, et ceci jusqu’à l’examen de fin d’études. 

Contrai­re­ment aux autres lycées du pays, le projet pilote du Neie Lycée base l’évaluation des élèves non sur les points obtenus lors d’épreuves écrites pendant l’année, mais sur un dossier de travaux produits pendant le cycle d’orientation, allant de la classe de septième à celle de quatrième dans l’enseignement secondaire et de la septième à la neuvième dans l’enseignement secondaire technique. Les bulletins se composent donc d’« appréciations écrites dans toutes les matières », et vont de simples tests ponctuels à des essais plus approfondis dans les matières qui correspondent aux intérêts du lycéen. Finalement, un tuteur soumet, à la fin de ce cycle, un avis d’orientation de l’équipe pédagogique, entourant l’élève, à un jury externe. Ce dernier est composé de quatre professeurs enseignant dans les classes du cycle supérieur d’autres lycées et d’un membre de la direction du Neie Lycée, et  décide si, oui ou non, l’élève a les capacités d’entrer au cycle supérieur et quelle serait la section conseillée. Fait intéressant, l’élève en question peut assister à la prononciation de l’avis et même présenter son rapport. 

Vu que le premier projet de loi n’envisageait pas d’aller au-delà des classes du cycle d’orientation, les élèves de la neuvième doivent maintenant choisir dans quel lycée technique ils iront pour entrer en dixième. La question qui se pose est bien sûr : comment se fait la transition de ces élèves dans le système scolaire, dit « normal » ? Selon le ministère de l’Éducation, il existe des raisons de voir cela avec un certain optimisme : Premièrement, des tests effectués auraient prouvé que les élèves ont un niveau de connaissances en allemand, en français « tout à fait comparable à celui des élèves des autres établissements.» Deuxièmement, les 63 dossiers présentés à la fin de l’année ont été mieux évalués par le jury externe que par l’équipe pédagogique en charge. L’attribution de l’élève pendant la phase d’orientation a aussi été bien reçue par les professeurs issus d’autres lycées. 

Cependant, si les lycéens du Neie Lycée sont aussi compétents que ceux des autres établissements, cela ne garantit pas encore qu’ils s’adapteront aisément au système, dit « normal », qui présente des exigences très différentes de ce qu’ils ont connu avant. Il faudra donc revoir cela dans une année ou deux pour pouvoir tirer un bilan définitif sur la valeur pédagogique qu’a apporté la nouvelle méthode enseignée à Hollerich. Mais, le verdict final tombera, au moment où les élèves de la première et de la troisième du Neie Lycée passeront l’examen de fins d’études secondaires, comme tout le monde. C’est à ce moment que la transition d’un système basé sur dossiers et la valorisation du travail pendant l’année entrera en conflit flagrant avec un système qui préconise les tests écrits et les exercices de mémoire. Or, comme l’expliquait Mady Delvaux-Stehres lors de la conférence de presse : « Les lycéens devront être préparés adéquatement pour cette épreuve, tout en rendant compte des valeurs qu’ils auront appris au cours de leur curriculum. » Le projet de loi prévoit, notamment, que les élèves de troisième écrivent en groupe un mémoire de culture générale et que ceux de deuxième en écrivent un, individuellement, sur un thème plus approfondi. Non seulement cela leur apportera un avantage dans leurs capacités rédactionnelles au cours des épreuves de langues, mais leur diplôme de notes sera accompagné d’un supplément qui fera état des mémoires rédigés. Il est d’ailleurs vrai que cet exercice aura aussi comme effet que les élèves du Neie Lycée auront, du point de vue de leur autonomie de penser et leurs facultés analytiques, des avantages par rapport aux autres lycéens, une fois qu’ils entreront à l’université, où ces compétences sont de mise. 

Un deuxième projet du ministère de l’Éducation nationale présenté mardi est la nouvelle organisation de l’enseignement en modules, prévue pour les classes de troisième à la classe de première. Le projet, qui est élaboré par eBac, des professeurs du Lycée Michel Rodange, du Lycée de Diekirch et du Neie Lycée, a comme but de flexibiliser l’approche par rapport à la spécialisation en certaines matières et couvrira les sections de A à D. En tout, chaque élève devra suivre huit modules par année et les clôturer par une épreuve, similaire à celle de l’examen de fin d’études. Or, dans ce cas, il faut se demander si le Neie Lycée ne trahit pas son propre principe, notamment, d’éviter d’évaluer les élèves sur base de tests et de valoriser, à la place, des travaux tout au long de l’année ? Dans tous les cas, il semble que cette méthode représente un compromis pour préparer les élèves quand même, par une version plus légère, à l’examen de fin d’études. 

Finalement, un autre élément, qui au­rait garanti le succès du Neie Lycée, et ainsi encouragé le nouveau projet de loi, est l’éducation aux valeurs. Ce « pilier » du lycée pilote a comme objectif de développer des compétences d’ordre moral, dont l’usage d’un esprit critique, comprendre l’autre et de s’engager. Assez intéressant est le fait que ces classes sont enseignées par des professeurs, issus de toutes les disciplines, et que ces cours doivent réunir des élèves des différentes orientations, à savoir l’enseignement secondaire et l’enseignement technique, ainsi que le régime préparatoire. Cet élément est bien louable parce qu’il évite d’isoler les uns des autres. Or, il faut remarquer que ce sera aussi un challenge pour les professeurs, qui devront gérer un cours avec des groupes très différents au sein de leurs classes. 

David Goebbels
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