La Croix-Rouge luxembourgeoise célèbre ses 100 ans

« Au secours! »

d'Lëtzebuerger Land vom 12.09.2014

La Croix-Rouge est connue et reconnue à travers le monde pour son engagement humanitaire, que ce soit en temps de guerre ou à l’occasion de catastrophes naturelles et autres, ainsi que pour ses activités sociales régionales diversifiées. À l’occasion du 100e anniversaire de la Croix-Rouge luxembourgeoise, qui coïncide avec le 150e anniversaire de la première Convention de Genève, le Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg organise une exposition retraçant l’histoire de ce mouvement humanitaire sur le plan international et national.

Le début de l’exposition Au secours ! La Croix-Rouge au Luxembourg et dans le monde se comprend comme un état des lieux dramatique des circonstances qui sont à l’issu de la fondation et de l’existence continue de la Croix-Rouge. Des photographies en noir-et-blanc, entre autres de Robert Capa et de Dorothea Lange, documentent la guerre et ses victimes et entrainent le visiteur dans la réalité du travail de la Croix-Rouge. Plus loin, des témoignages de personnes interviewées dans la rue rendent compte des opinions de la population du Grand-Duché sur la Croix-Rouge et sur ses actions humanitaires. Le sujet de l’engagement personnel et de la sensibilité face à la misère humaine devient plus concret dans la salle suivante de l’exposition : dix répliques schématiques de lits blancs servent de support à des informations sur le bénévolat, les donateurs, les associations et le nombre d’ONG au Luxembourg. On apprend ainsi que, d’après le TNS Ilres, 58 pour cent des Luxembourgeois étaient donateurs (d’argent) en 2009.

Au quatrième étage du musée, l’exposition continue par un volet plutôt documentaire. Des pièces historiques relatent la création et l’histoire de la Croix-Rouge. Après l’expérience traumatisante de la bataille de Solferino dans le nord de l’Italie (en date du 24 juin 1859, opposant la France à l’Autriche), l’homme d’affaires genevois Henry Dunant (1828-1910) s’engage pour l’établissement d’un groupe humanitaire portant des premiers secours aux blessés. En 1862, il publie ainsi un livre, Un Souvenir de Solferino, dans le but de sensibiliser ses concitoyens au sort dramatique des blessés de guerre et à la carence des soins et d’assistance sur le champ de bataille. Dans ce livre, Dunant formule deux idées qui se concrétiseront plus tard. La première de ces idées prend forme sous la première Convention de Genève, portant sur « l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne » et garantissant aux ambulances et au personnel portant secours aux blessés le statut de neutralité. La Convention est signée en 1864 par douze États. La seconde idée de Dunant voit le jour sous forme d’un mouvement humanitaire, grâce au soutien de quatre autres habitants de Genève (Gustave Moynier, Louis Appia, Théodore Maunoir et Guillaume-Henri Dufour). Ce mouvement adoptera en 1875 le nom de « Comité international de la Croix-Rouge » et regroupe aujourd’hui les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge présentes dans 186 pays.

Ce nouveau comité sera mis à l’épreuve une première fois lors de la Guerre franco-allemande de 1870 à 1871. Quelques décennies plus tard, le déclenchement et l’ampleur de la Première Guerre mondiale deviennent vite un nouveau défi pour la Croix-Rouge. L’association expédie deux millions de colis individuels aux prisonniers de guerre. La Première Guerre mondiale mène d’ailleurs à la création de la Croix-Rouge luxembourgeoise. Dans l’exposition au Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg, ces événements historiques sont illustrés entre autres par l’acte de la fondation de la Croix-Rouge luxembourgeoise en 1914, une piste audio reproduisant des extraits de l’appel de la Grande-Duchesse Marie-Adélaïde s’engageant pour cette fondation, une ambulance à deux roues pour le transport des malades de 1899, des extraits audio du livre Un Souvenir de Solferino et d’une description d’une amputation ou encore par une vitrine avec des instruments de trépanation.

Plus loin dans l’exposition, deux petites salles sont consacrées à Aline et Emile Mayrisch, tous deux impliqués activement dans la création de la Croix-Rouge au Luxembourg, et à Henry Dunant qui reçoit le premier prix Nobel de la Paix en 1901 (dont il offre le montant de récompense à des œuvres de charité) et qui meurt reclus et dans la misère neuf ans plus tard. À côté des panneaux de rue portant son nom, on peut ainsi découvrir un nombre impressionnant de timbres émis à son honneur dans de nombreux pays, comme le Luxembourg, la Suède, la Tunisie, le Congo, la DDR ou encore l’Inde.

Après la Première Guerre mondiale, la Croix-Rouge luxembourgeoise lutte contre la souffrance – des affiches de 1920 à 1940 en témoignent – et organise à partir de 1934 des loteries de bienfaisance pour la construction d’une maternité. Avec la Seconde Guerre mondiale et l’occupation du pays par les allemands, la Croix-Rouge luxembourgeoise doit faire place en 1941 au « Deutsches Rotes Kreuz ». Si le Comité international de la Croix-Rouge prend soin de la population et des blessés sur les territoires non occupés, il reste cependant impuissant en tant qu’institution face à l’Holocauste. Après la guerre, la réception populaire de la Croix-Rouge et notamment de l’image de l’infirmière évolue et devient un symbole de charité et l’objet de représentations multiples : des figures, des assiettes en porcelaine, des peintures, des affiches – dont on peut contempler une de Jean Schaack – ou encore des cartes postales.

Face aux grandes catastrophes déclenchées par les humains, l’engagement du Comité international de la Croix-Rouge a cependant aussi ses limites. La dépendance de la politique est illustrée dans l’exposition par les concepts de « neutralité », « abus de neutralité » et « neutralité menacée » moyennant des exemples concrets : le cas du camp de concentration de Theresienstadt, la libération d’Ingrid Betancourt et l’usurpation du symbole de la Croix-Rouge par l’armée colombienne et l’enlèvement de sept personnes humanitaires en Syrie en 2013.

En montant au cinquième étage, le spectateur est brièvement confronté aux mouvements mondiaux parallèles à la Croix-Rouge : le Croissant-Rouge, le Lion-et-Soleil-Rouge en Iran (1924-80) et le Cristal-Rouge. Le manque d’informations sur des mouvements similaires dans d’autres pays et sur la symbolique de la croix rouge – symbole religieux utilisé également à l’occasion des croisades – est fort dommage. Ainsi, on aura pu évoquer que l’Empire ottoman recourt à l’emblème du croissant rouge dès les années 1870. En 1919, la « Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge » voit le jour et authentifie l’une des lignes directrices de ces organisations humanitaires, qui est d’apporter secours aux blessés quelle que soit leur origine nationale.

Au dernier étage du musée, l’exposition se poursuit par une salle consacrée au don du sang et à des témoignages d’employés et de bénévoles de la Croix-Rouge luxembourgeoise et se termine par un appel au don accompagné d’affiches et par un tour d’horizon des produits de marketing, rendant compte que la Croix-Rouge est aussi un symbole, voire une marque.

L’exposition retrace l’histoire et l’implication de la Croix-Rouge notamment en temps de guerre. L’accent est par conséquent mis sur une scénographie (parfois trop) dramatique. S’il est difficile de rendre hommage à toute l’ampleur des activités du mouvement de la Croix-Rouge et de ses membres, qui combattent tous les jours pour rendre le monde un peu plus pacifique, l’exposition est une bonne occasion pour avoir un aperçu des crimes humains, mais aussi de l’engagement humanitaire pour y faire face, de ces dernières 150 années.

L’exposition Au secours ! La Croix-Rouge au Luxembourg et dans le monde est à voir jusqu’au 29 mars 2015 au Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg, ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 heures, les jeudis jusqu’à 20 heures. Plus d’informations sur la Croix-Rouge luxembourgeoise et son engagement sont disponibles sur le site Internet : www.croix-rouge.lu.
Florence Thurmes
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