Facebook

Un cafouillage de plus

d'Lëtzebuerger Land vom 06.07.2012

À la longue série des mauvais coups de Facebook, remarquablement peu respectueux de la sphère privée de ses utilisateurs, s’est ajouté celui du remplacement systématique, dans le profil de ces derniers, de leurs adresses email personnelles par les adresses « maison » @facebook.com. La décision du réseau social, découverte vendredi dernier mais apparemment mise en œuvre mercredi, a jeté un froid, car elle n’avait été ni annoncée, ni expliquée. Certes, les utilisateurs ont la possibilité de revenir en arrière en éditant leur page d’information de contact. Mais le changement a été perçu comme une immixtion particulièrement mal venue.

À son habitude, Facebook a réagi à l’agacement de ses utilisateurs en diffusant quelques phrases passablement creuses, expliquant que « nous lançons un nouveau réglage qui permet aux gens de choisir quelles adresses ils souhaitent montrer sur leur journal (timeline) ». « Depuis le lancement du journal, les gens avaient la possibilité de contrôler quels posts ils voulaient montrer ou cacher sur leur journal, et aujourd’hui nous étendons cette possibilité aux autres informations qu’ils publient, à commencer par l’adresse Facebook », a ajouté le réseau social.

Cette semaine, une conséquence particulièrement néfaste de l’initiative de Facebook a été constatée : les utilisateurs de smartphones ayant installé l’application Facebook et ayant autorisé la synchronisation de leur annuaire de contacts avec cette application ont découvert que la modification sauvage de Facebook avait aussi été appliquée à ces contacts. Autrement dit, l’adresse @facebook.com y a remplacé l’adresse personnelle d’origine. Débrancher la synchronisation n’est d’aucun secours : les adresses initiales ne sont pas réintroduites. À première vue, il n’y a donc pas de moyen simple de reveniren arrière pour récupérer les adresses d’origine : il faut en passer par une fastidieuse manipulation de chaque fiche –  pour autant que l’on ait conservé une trace de l’adresse email d’origine.

Le principal avantage, lorsqu’on autorise la synchronisation proposée par l’application Facebook, est l’apparition automatique des photos du profil Facebook de l’utilisateur sur sa fiche. Mais aujourd’hui, ceux qui ont fait confiance à Facebook sur ce point doivent s’en mordre les doigts, car, suivant la quantité des contacts affectés, la récupération d’adresses personnelles peut s’avérer particulièrement gourmande en temps et en énergie. Une autre répercussion, si l’on tarde à se rendre compte de la substitution, peut être l’envoi involontaire de messages vers une adresse @facebook.com non
ou peu utilisée, avec tous les quiproquos qui peuvent en résulter : messages perdus, silences en retour mal interprétés etc.
Facebook a annoncé vouloir réparer ce bug particulièrement malencontreux, mais il est fort possible que le mal soit déjà fait.

Et voilà donc un cafouillage de plus de la firme de Mark Zuckerberg. On se perd en conjectures sur ce qui peut mener une firme valant des milliards de dollars à de telles bourdes. À l’origine, l’idée consistant à imposer l’utilisation de l’adresse @facebook.com a pu être motivée par un souhait de générer du trafic et d’augmenter le taux d’utilisation de la messagerie liée au réseau social. Mais l’indigence de cette messagerie par rapport aux clients dédiés aura découragé les plus mordus de Facebook de l’utiliser pour autre chose que pour des prises de contact et de petits échanges superficiels. La problématique de la synchronisation est plus inquiétante en ce qu’elle dénote une gestion particulièrement négligente des conséquences techniques de décisions prises dans un esprit de marketing, et un manque criant de contrôles de qualité.

À en juger par les commentaires des internautes sur les blogs techno, l’irritation de bien des utilisateurs est à son comble. Certains annoncent excédés que la première chose qu’ils vont faire est supprimer leur compte Facebook. D’autres se contentent d’injurier copieusement le réseau social. Cette décision « a tous les attributs d’une de ces idées brillantes de Zuckerberg », note un internaute sarcastique sur Ars Technica. « Facebok est comme un mari ivre qui rentre et te tape dessus. Tu te réveilles le lendemain matin et te dis que ça ira, mais ça n’ira jamais », lance un autre.

Jean Lasar
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