Économie luxembourgeoise

Le point de vue des organisations internationales

d'Lëtzebuerger Land vom 20.07.2012

L’état de notre économie et de nos finances fait l’objet d’analyses serrées de la part d’organisations telles que l’Onu, le FMI, l’OCDE, la Commission européenne etc. Les études publiées en conclusion de ces visites sur place ont traditionnellement mis en exergue notre prospérité exceptionnelle et la santé de nos finances publiques ; elles critiquaient seulement le facteur de rigidité constitué par l’indexation des salaires sur les prix, ainsi qu’un danger futur, le difficile financement des pensions. Mais à Luxembourg, on savait depuis longtemps que le niveau de nos pensions est insoutenable à long terme, mais comme il ne s’agit pas d’un danger immédiat, le dossier a toujours été classé.

Récemment les critiques internationales se font plus insistantes, pour deux raisons. D’abord, un événement nouveau de taille : il n’y a plus d’excédents budgétaires, mais un endettement rapidement croissant. Et d’autre part, une étude a semé l’inquiétude.

Fin 2011, une fondation allemande nommée Markt­wirtschaft a publié une comparaison des pays de l’Union européenne sous le rapport de l’avenir de leurs finances publiques jusqu’en 2060, et elle est arrivée à des conclusions inquiétantes pour nous. Nous savions que nous allions nous cogner contre la „Rentenmauer“. Mais on n’imaginait pas que ce mur pourrait avoir des conséquences négatives pour notre réputation.

Or, comment procède l’institut de Berlin ? Il chiffre toutes les variables qui influencent les finances publiques, du fait de l’arrivée à l’âge de la pension de générations de plus en plus nombreuses, ainsi que de l’allongement de la vie humaine; il en résulte une croissance rapide des effectifs à charge 1° de l’assurance pension, 2° du budget de la santé et 3° de l’assurance dépendance. L’étude essaie donc de chiffrer des variables qui jusqu’à présent étaient restées en partie en dehors des calculs. Elle arrive à des conclusions effrayantes.

Alors qu’aujourd’hui encore nos finances occupent une position enviable dans le classement international, ce sera le contraire dans 50 ans. Le rapport de Berlin dit textuellement: « La prochaine Grèce se trouve au Luxembourg ». Car à côté de la dette explicite, il existe une dette implicite, invisible, constituée par les engagements à long terme pris en matière de sécurité sociale – qui sont autant de chèques sans provision ! Le traité de Maastricht a oublié d’en parler. La dette de l’État est un iceberg, seule la partie émergée est visible.

Pour effectuer cette projection, on a calculé les déficits budgétaires annuels qui, à politique inchangée, résulteraient de l’évolution démographique et qui seront nécessairement croissants du fait du vieillissement. Sur 50 ans, la Fondation arrive à 1 115 pour cent du PIB dans le cas du Luxembourg – alors que ce chiffre n’est que de 146 pour cent pour l’Italie, laquelle a par contre une dette explicite de 118 pour cent du PIB. La dette implicite ne se calcule pas pour une année, mais elle représente le total des déficits annuels futurs sur 50 ans. Pour échapper aux conséquences prévues, il faudrait, selon la Fondation, durablement réduire nos dépenses de 12 pour cent du PIB – ou augmenter pareillement la charge fiscale.

Le grand mérite de cette étude, c’est d’attirer l’attention sur les charges futures de vieillesse. Chaque année, l’espérance de vie augmente d’environ trois mois. D’autre part, la structure par âge de notre population active fait que le nombre des retraités ne cessera d’augmenter. Il en résulte un accroissement continu et important des charges en matière de pension, de santé, de dépendance. Nous allons vers une nouvelle forme d’exploitation de l’homme par l’homme, à savoir l’exploitation des actifs par les inactifs.

Jeunes de tous les pays, révoltez-vous contre un régime qui vous prépare un avenir de chômage et de misère ! Il y aurait intérêt pour nous à soumettre cette projection à une analyse critique, car même si l’étude ne se réfère qu’à un avenir lointain, elle est d’ores et déjà prise en compte par les organisations internationales, par exemple dans la récente étude du FMI sur le Luxembourg.

Les agences de notation – Fitch, Moodies et Cie – ne tarderont pas à constater que le Luxembourg n’est plus ce qu’il était, et un jour le priveront de son triple A. Cela peut arriver rapidement.

Ce serait un coup fatal porté à la réputation du pays, où l’on continue à se bercer de l’illusion que nous pourrons toujours emprunter facilement, grâce à notre triple A.

Georges Als
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