David Rocas

Rock as you are

d'Lëtzebuerger Land vom 29.07.2011

Le jeudi, il y a une Open Mic Jam Session au programme, comme toutes les semaines. Deux jeunes hommes déchargent du matériel et des câbles devant la terrasse, joyeusement. Pour David, les jeudis au Rocas sont l’occasion inestimable de se faire rencontrer des musiciens d’horizons divers et de rendre hommage au mélange des genres.

David est Monsieur Rocas. Jeans éternel, chemise quadrillée sur T-shirt mauve et l’œil coquin sous les cheveux hirsutes, le patron incarne l’esprit Rocas par son attitude relax et l’esprit « sans fard » qu’il dégage. Ici, on est décontracté pour de vrai, loin de l’ambiance des lounges VIP qui émergent ailleurs en ville. Tout le monde vient comme il veut, comme il est. Ensemble avec son frère, David porte le projet Rocas en lui depuis 2007. « Le temps de faire la Zaapschoul, d’établir un business plan qui tient la route, d’évacuer les obstacles imprévus…, c’est long. Aujourd’hui, je peux dire que la patience a payé » . Depuis son ouverture, il y a deux ans, le café-théâtre sur la Biederplaaz enrichit la ville d’un lieu étonnamment hétéroclite, dans un coin fréquenté depuis toujours par l’adolescence urbaine à cause du Jugendtreff de la porte d’à côté.

Si un noyau dur d’habitués s’est formé au Rocas, la clientèle reste éclectique. Amis de toutes parts squattant le comptoir, urbains peuplant la terrasse ensoleillée le temps de prendre un café, jeunesse déjantée le soir pour les concerts de rock et indie-rock. Et gens du théâtre et du film, milieu dont David est issu. David aime le rock, c’est sûr, même si l’intention première du café-théâtre Rocas était d’offrir une scène aux nouveaux venus du théâtre luxembourgeois, ceux qui n’ont pas encore foulé les planches des salles établies. « Pour le moment, on est davantage connu pour nos concerts que pour le théâtre. Au début, je partais à la recherche de jeunes groupes luxembourgeois pour les soirées sans spectacle. Entretemps, ce sont eux qui nous demandent de jouer ». Les groupes fusent de toutes parts. David s’en fait la part belle ; « découvreur de talents » est un titre qui lui va.

Après une enfance à Merl et une formation de metteur en scène à Paris, David a été assistant caméraman dans le film luxembourgeois, contribuant à de grosses productions telles que The Merchant of Venise avec Al Pacino. « Mais l’impression que j’ai eue de toujours courir derrière les projets des autres m’a finalement soulé. Le court métrage que je voulais réaliser moi-même est resté au stade d’idée ». Cette envie de faire son propre truc à d’ailleurs motivé sa décision de revenir au grand-duché après des années passées à l’étranger. « J’aime Berlin, Bruxelles. Ce sont des villes qui bougent. Mais on finit par y rester observateur. Au Luxembourg, il est plus facile de devenir acteur et de contribuer à changer les choses ».

Noctambule invétéré lui-même, David ne se cache pas de ses inspirations pour le concept du Rocas. « Les bars que j’aime fréquenter, qui m’ont donné des idées par leur créativité ou leur ambiance, sont l’Interview, le Dqliq, l’ex-Elevator, le vieux Tram. Également le Why Not à Dudelange ». Avec un décor mural minimaliste dessiné par son frère architecte, un mobilier méli-mélo entre chic cosmopolite et air bistrot luxembourgeois, les frères Rocas ont réussi à créer une atmosphère propre qui vit de ses contrastes, à commencer par celui entre le rez-de-chaussée et le premier étage, entre rock et théâtre.

Des projets, David en a plein les poches depuis qu’il est maître programmateur et satisfait de l’être. Poursuivre dans la voie du théâtre, même si sa petite salle accueillant jusqu’à 50 personnes doit encore se faire un nom. Il est fier du succès de la pièce Le dîner de cons, pour laquelle il a même dû refuser du monde. Encourageant. Prochainement, David coproduira un One man show. Il pense à fonder une école de théâtre. Et il saute sur les occasions pour ajouter son grain de sel à la social life luxembourgeoise afin de rassembler les gens : évènements spéciaux pour la fête nationale, pour le Rock um Knuedler ; le programme est bouclé jusqu’en octobre. Avec son sens fédérateur, conscient du potentiel de la scène culturelle locale, David a réussi à bousculer un peu la vie en ville, en faisant s’asseoir sur une même terrasse bobos, branchos, punks, intellos, alternos, ...tous normaux.

Béatrice Dissi
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