UE/Égypte 

Un Conseil extraordinaire, des décisions minimalistes

d'Lëtzebuerger Land du 30.08.2013

Les bruits de bottes qui résonnent en Syrie ne font pas oublier aux Européens l’autre bombe à retardement qui menace la stabilité du proche et moyen Orient, l’Égypte, où l’armée a repris le pouvoir en juillet dernier à la faveur de la contestation par la rue du régime de Mohamed Morsi. Depuis, violence et répression font craindre le pire pour l’avenir du pays. « La violence et les victimes humaines sont injustifiables, et les incitations à mettre fin à la violence sont demeurées jusqu’à aujourd’hui impuissantes. C’est pourquoi l’UE doit revoir sa coopération avec l’Égypte et prendre des mesures supplémentaires qui aient un impact », a déclaré le ministre lituanien des Affaires étrangères, Linas Linkevičius, dont le pays assure actuellement la présidence de l’Union Européenne. Pas sûr que les décisions du Conseil des Affaires étrangères extraordinaire du mercredi 21 août soient à la hauteur des objectifs exprimés par le ministre.

Les Européens sont en effet pour le moins embarrassés. Le renversement du président légitimement élu contrevient à tous les principes défendus par l’UE, mais en coulisse, Mohamed Morsi et les Frères musulmans ont peu de francs soutiens. C’est pourquoi, si les chefs de la diplomatie européenne ont condamné fermement les violences et actes de terrorismes en Égypte, le Conseil n’a cependant pas décidé de sanctionner Le Caire et a maintenu les programmes d’aide. Seule sanction adoptée : l’Union européenne a suspendu la fourniture d’équipements sécuritaires et d’armes au pouvoir intérimaire du général Al-Sissi. « Je ne crois pas que cela aura un impact. C’est une décision qui a déjà été prise par certains États individuellement », estime Maged Mosleh, chargé d’affaire à l’ambassade d’Égypte à Bruxelles. Cela d’autant plus que la quantité d’armes visées est relativement marginale dans la défense égyptienne. « C’est plus un message symbolique », analyse le diplomate égyptien.

Le Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, Jean Asselborn (LSAP), qui a assisté à la réunion, a particulièrement déploré les violations des droits de l’Homme et les actes de terrorisme en Égypte. Il a également exprimé la solidarité de l’UE envers le peuple égyptien « qui aspire à la démocratie et à la paix ». De son côté, Catherine Ashton, Haute représentante de l’Union, s’est prononcée sur la nécessité de combiner solidarité et feuille de route politique. « Nous restons mobilisés aux côtés des Égyptiens, et en particulier des plus pauvres d’entre eux, aux côtés des groupes que nous soutenons depuis de nombreuses années : droits de l’homme, société civile, etc. Mais il est très important qu’il y ait une feuille de route politique », a insisté la vice-Présidente de la Commission européenne.

Dans une déclaration conjointe, Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen et José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, ont, quant à eux, rappelé trois jours avant la tenue du Conseil que « l’UE a été aux côtés de l’Égypte ces deux dernières années dans sa marche vers la démocratie. Nous avons rencontré fréquemment les dirigeants égyptiens et les nouvelles forces politiques qui ont émergé ». L’Union européenne a, en effet, salué les premières élections présidentielles démocratiques qui ont désigné Mohamed Morsi. Au cours de la visite que ce dernier a effectuée à Bruxelles en septembre 2012, il a été convenu d’organiser la task force UE-Égypte. Cette task force est une forme nouvelle de la diplomatie européenne, qui renforce l’action de l’UE en travaillant à la fois avec le secteur public et le secteur privé.

Le soutien à la révolution n’a cependant pas été instantané. « L’Union européenne avait de bonnes relations avec l’Égypte de Moubarak. Après la ré-volution, son soutien a tardé. L’UE a voulu introduire des éléments de conditionnalité qui n’existaient pas dans sa relation avec le régime précédent. Mais, après une phase d’observation, le dialogue et la coopération entre l’Union et l’Égypte sont redevenus plus forts » indique Maged Mosleh. Ces dernières semaines, l’UE a mené des actions pour favoriser le dialogue et faire émerger une solution pacifique à la crise égyptienne en restant en contact avec toutes les parties, notamment durant les dernières visites de la Haute représentante, en juillet, où elle a réclamé la libération du président Morsi déchu.

L’Égypte, que Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso qualifient de « partenaire clef de l’Union européenne », nourrit des échanges importants avec l’Union. En sus de la task force mise en place en 2012, le pays bénéficie en effet d’une aide bilatérale de l’Union européenne au titre de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) et de divers instruments financiers, qui font de l’UE le deuxième financeur de l’Égypte, après le Qatar. Les 28 sont également le principal partenaire commercial de l’Égypte, l’Italie ayant, en particulier, des relations commerciales très riches avec ce pays.

Les attentes de l’Égypte vis-à-vis de l’Europe sont donc nombreuses. « Nous souhaitons un partenariat réel, une discussion qui va dans les deux sens, explique Mohamed Mosleh. Une réallocation de l’aide est nécessaire pour suivre la feuille de route ». Pour ce qui est de la réponse immédiate à la crise, le chargé d’affaire de l’ambassade d’Égypte à Bruxelles estime que l’Europe doit écouter le peuple égyptien et être intransigeante face au terrorisme. « La lutte contre le terrorisme ne doit pas faire partie d’une négociation. Tous les actes de terrorisme doivent être condamné fermement ». À cet égard, Mohamed. Mosleh est satisfait des conclusions du Conseil : « Le terrorisme et la violence sont condamnés. Ma lecture des conclusions est que le processus politique s’adresse aux voix sages des frères musulmans, pas aux terroristes ». En une phrase, le diplomate égyptien appelle l’Europe à « être dans le bon sens de l’histoire ».

Barbara De Vos
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