Services de psychologie et d'orientation scolaires

Traits flous

d'Lëtzebuerger Land du 25.04.2002

Finis les psychologues complaisants et serviables, davantage de pragmatisme et  d'efficacité ! L'image de marque des services de psychologie et d'orientation scolaires (Spos) doit être métamorphosée pour que le personnel affecté puisse apporter une aide réelle aux élèves, quels que soient leurs problèmes. C'est l'objectif ambitieux fixé par Fari Khabirpour, le nouveau chef d'orchestre du Cpos, la centrale régissant les Spos dans les lycées. Il voudrait changer de rythme, passer de l'adagio à l'allegro, relancer la dynamique. Projet d'envergure face aux lenteurs pesantes d'un système de fonctionnaires, peu réputé pour sa flexibilité. 

L'école ne peut pas faire face aux problèmes personnels et psychologiques des élèves, ce n'est pas sa fonction, bien que sa mission ait pris une ampleur impressionnante face à la déclaration de faillite éducative de beaucoup de parents. Le personnel de l'enseignement secondaire n'est pas formé pour cette tâche et n'a pas le temps de se consacrer à l'éducation des élèves en plus de l'enseignement de leur matière. On ne peut donc pas leur faire de reproches, même s'il est parfois trop facile de se déresponsabiliser totalement face aux réels besoins de certains élèves. 

Même au sein du personnel enseignant, les plus motivés sont souvent découragés par le peu d'intérêt porté généralement aux élèves, la priorité absolue étant la commodité de l'horaire des professeurs. Critique formulée par une poignée d'élèves du lycée d'Echternach dans la récente édition du magazine Stëmm vun der Strooss : « Es trifft zwar nicht auf alle zu, aber einige sind schon stark angegriffen, von der grossen Lustlosigkeit und wirken zumindest genauso gelangweilt wie die Schüler! Auch der Kontakt zu den Lehrern ist eher kalt und nicht menschlich genug. Man hat uns damals in der 6ten Klasse gewarnt: 'Dort werdet ihr nur Nummern sein!' und dieses Gefühl haben wir auch manchmal. »

Cette triste conclusion a aussi été celle d'une table ronde organisée la semaine dernière dans le cadre du projet d'Schoul op der Sich - Iwwer den Emgang mam Thema Drogen sur la nécessité et des limites du secret professionnel. Secret d'autant plus important qu'il est le fondement et la garantie d'une relation de confiance avec le personnel socio-éducatif du Spos, auquel ira s'adresser un élève tracassé. Gaston Ternes, le directeur du lycée Aline Mayrisch et participant à la table ronde, pense que les Spos doivent rester une structure indépendante, même s'ils ne sont pas les seuls interlocuteurs des élèves. Les services devraient donc demeurer indépendants de la direction des lycées. 

Paradoxalement, la tendance est tout autre. En ce moment, un avant-projet de loi est discuté qui prévoit justement de scinder les Spos de leur maison mère qu'est le Cpos pour en attribuer la responsabilité aux directeurs des lycées, « permettant ainsi de mieux intégrer les Spos aux différents lycées et lycées techniques ». Ces services seraient purement et simplement « en liaison » avec le Centre de psychologie et d'orientation scolaires. Ce qui devrait mettre un double bémol aux objectifs du nouveau directeur. 

Interrogé sur cette curieuse évolution, Fari Khabirpour indique que des discussions sont en cours pour définir la portée de ce texte qui n'en est après tout qu'au stade d'avant-projet. À son avis, il va de soi que les membres du Spos soient soumis d'un point de vue administratif et fonctionnel au directeur ou à la directrice de l'établissement dans lequel ils travaillent. L'autorité hiérarchique n'est pas mise en cause. 

Par contre, il est hors de question que les directeurs aient à définir le contenu et la méthode de travail du personnel socio-psycho-éducatif des services. « Celui-ci doit être guidé par le Cpos, épaulé par des gens du métier. Ce n'est pas une question de pouvoir, mais il ne peut travailler sous la pression d'un directeur auquel il est obligé de soumettre tous les dossiers. Le secret professionnel doit être assuré et c'est aux membres du Spos de décider dans quels cas ils peuvent révéler des détails au personnel enseignant ou à la direction. L'idéal, c'est d'avoir l'accord de l'élève pour garantir la relation de confiance. »

Certains craignent une ingérence de la direction suggérant par exemple avec insistance d'orienter vers des sections qui manquent d'élèves ou de prévenir les parents dès le moindre problème, alors que le psychologue est d'avis qu'une convocation des parents devrait être la dernière mesure à prendre. « Souvent, les directeurs ne sont pas intéressés aux détails des dossiers, ils souhaitent juste être au courant s'il y a problème. C'est au Spos de jouer et d'essayer d'encadrer les jeunes le plus efficacement possible, le directeur ne peut intervenir seul. » 

Fari Khabirpour distingue deux types de situations : La première est liée au système éducatif. Lorsque l'élève a du mal à suivre en classe, qu'il ne s'entend pas avec un professeur par exemple, le problème peut être réglé en partenariat avec le corps enseignant, dans l'enceinte de l'établissement. Une sorte de « secret partagé », comme l'a lancé Gaston Ternes au cours de la table ronde.

La deuxième est privée, quand l'élève a du mal à s'intégrer et à se concentrer parce qu'il a un problème personnel, psychologique ou familial. Dans ce cas-là, il est important de mettre sur pied des structures d'accueil en-dehors des lycées, les services intra-muraux serviraient d'entremetteurs. « La distance de l'école est primordiale quand il s'agit de suivre un réel traitement thérapeutique. 

« C'est pour cette raison que nous voulons créer des centres d'accueil décentralisés, avec des infrastructures appropriées, dans lesquels les élèves se retrouvent dans un autre contexte et que la discrétion est mieux garantie », souligne le directeur du Cpos en insistant sur le fait que dans tous les cas, l'élève doit être confiant que l'information ne sera pas transmise sans qu'il n'en soit informé, « il faut absolument éviter l'amalgame entre l'autorité de contrôle représentée par le directeur et le personnel du Spos chargé de mettre en confiance pour aider et orienter. Ce qui n'empêche pas que le directeur puisse être une personne de confiance auquel les élèves peuvent s'adresser. »

Mais il y a des limites au secret professionnel - qui n'est d'ailleurs pas prévu par la loi pour les psychologues privés - par exemple s'il y a infraction, crime ou délit. Pour la pédopsychiatre Katy Moreels-Seil, il y a une seule dérogation à l'obligation de confidentialité, liée au principe de non-assistance à personne en danger : si le jeune peut mettre en péril autrui ou s'il se met en danger lui-même. Une thérapie n'est possible qu'à ces conditions-là et le jeune doit en être informé au préalable. « Parfois, nous sommes forcés à ne pas respecter le secret professionnel si la protection de l'élève est menacée, » précise Fari Khabirpour.

L'information en tant qu'instrument de pouvoir opposant personnel enseignant et personnel socio-psycho-pédagogique ? Les frictions entre les deux camps existent, surtout parce qu'ils représentent des domaines totalement différents. « Cette rivalité est un enfantillage, lance Fari Khabirpour, si les membres du Spos sont compétents pour reconnaître ce qui peut bénéficier à l'élève, ils n'auront pas de scrupules pour transmettre une information, s'ils ont eux aussi la garantie qu'elle ne sera pas colportée sur la place publique. » 

Pour toutes ces raisons, le personnel des Spos doit garder un statut différent de celui des enseignants. Fari Khabirpour souhaiterait qu'ils demeurent affectés au Centre de psychologie et d'orientations scolaire qui s'occuperait de la coordination des activités entre les établissements et de la formation continue du personnel - dans un esprit de déontologie et d'indépendance de leur profession.

Ceci dit, le fait que les relations entre direction, enseignants et membres des Spos sont conflictuelles ou pas, dépend avant tout des personnalités des différents camps et à la vision qu'ils ont de leur mission. Fari Khabirpour voudrait discuter de l'attribution des Spos en étroite collaboration avec le ministère de l'Éducation nationale et les directeurs des lycées tout en souhaitant éviter que les positions se durcissent.

 

anne heniqui
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