Chronique Internet

Un chant d’oiseau

d'Lëtzebuerger Land vom 27.07.2012

Chirp, une application mise au point par une start-up britannique issue du University College London (UCL), Animal Systems, propose une solution originale pour transmettre des données d’un téléphone à un autre, sans avoir besoin de les « apparier ». En référence au chant des oiseaux ou des criquets, elle l’a appelée « Chirp ». Et c’est bel et bien une sorte de chant d’oiseau digital qui sert à passer d’un appareil à un autre un lien vers des données stockées sur le Cloud. L’équipe de cinq personnes, dirigée par Patrick Bergel, est partie de cette idée simple pour mettre au point une application disponible pour iPhone et bientôt sur Android.
Lorsqu’on veut transmettre une photo par exemple à un appareil « à portée d’oreille », on commence par utiliser sa connexion Internet pour l’envoyer sur le Cloud. Le serveur d’Animal Systems envoie en retour un son de deux secondes, signature qui contient le lien unique vers cette photo. Le téléphone émet alors ce son, qui est reçu par l’autre terminal pour peu qu’il soit lui aussi équipé de l’application Chirp. Ce dernier télécharge alors la photo, ou un autre fichier, depuis le même serveur.
Pour l’heure, le service est confiné aux images, liens web et textos de 140 caractères. Mais Chirp a, selon Patrick Bergel, un formidable potentiel. Premier avantage : il permet d’accélérer le partage de données au sein d’un groupe parce que les données peuvent être transmises à plusieurs terminaux en même temps. Comme il n’est pas nécessaire d’apparier les appareils comme on doit le faire pour ce genre d’opération en utilisant Bluetooth, la transmission peut se faire « à la volée »,
de manière engageante et spontanée. Animal Systems a travaillé la texture des sons émis pour rendre leur transmission fiable, même dans un contexte bruyant tel qu’un café, une discothèque ou un environnement urbain. Alors que l’envoi d’une photo est l’exemple « convivial » par excellence, et que l’on imagine facilement aussi le passage d’une carte de visite ou d’un lien de géolocalisation, Bergel et son équipe ont imaginé à terme une série d’utilisations beaucoup plus ambitieuses. Ils ont notamment pensé à mettre en œuvre Chirp pour les paiements « en situation », faisant miroiter la possibilité d’effectuer des achats en émettant un chant d’oiseau dans un commerce. Ils tablent aussi sur une utilisation à des fins publicitaires, l’application servant par exemple à envoyer un clip promotionnel ou publicitaire à une foule par le biais des haut-parleurs, ou encore par la radio.
Le modèle d’affaires repose sur la gratuité pour les utilisateurs individuels, les entreprises souhaitant utiliser la technologie se faisant, elles, facturer. La méthode est dument brevetée, assure Patrick Bergel, qui espère qu’à l’avenir Chirp sera préinstallé sur les téléphones.
Chirp a enthousiasmé Rory Cellan-Jones, le correspondant techno de la BBC. Il l’a trouvée à la fois simple et fun, rétro et d’avant-garde. Il a bien reconnu avoir, avec cet enthousiasme, cédé à un zeste de patriotisme devant ce qu’il a appelé une « start-up britannique avec de telles ambitions californiennes ». Mais Animal Systems entrevoit un avenir ou « chirp » deviendrait un verbe aussi courant que tweeter. Revenant sur terre, il reconnaît que l’application peut bien ne connaître qu’un bref moment d’engouement pour ensuite partir aux oubliettes technologiques. Mais il faut reconnaître que compte tenu de l’ubiquité des téléphones branchés sur le Net et du caractère passablement lourd des méthodes utilisées actuellement pour passer des données d’un terminal à l’autre, Chirp a de quoi séduire.

Jean Lasar
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