Administration de l'Emploi

Faites entrer l’accusé(e)

d'Lëtzebuerger Land du 06.11.2008

« Le ministre du Travail et de l’Emploi partage le rapport du médiateur concernant l’Adem » souligne un communiqué envoyé, pour le compte de François Biltgen, par le Service information et presse du gouvernement le 31 octobre, au lendemain de la présentation, par le médiateur Marc Fischbach, du rapport annuel 2007-2008. L’occasion pour ce dernier de lâcher une belle volée de bois vert en direction de l’Administration pour l’emploi (Adem). Qu’un ministre et président du CSV et un ancien ministre CSV communiquent ainsi publiquementsur un sujet sur lequel ils se disent d’accord, forcément, ça rendsceptique. À qui ou à quoi ça peut bien servir ? Et qui est l’accusé(e)dans cette affaire ?

Au premier abord, et cette appréciation fut largement reprise dans le débat public, l’accusée serait clairement l’Adem, tenue depuis quelques années pour responsable de l’augmentation du chômage au Luxembourg. La politique du gouvernement en la matière ou des facteurs économiques, structurels ou conjoncturels, par contre seraient étrangers à cette hausse. À chaque fois que le taux de chômage progresse d’un point de pour cent, l’Adem est accusée de lenteurset de faiblesses dans son encadrement, soumise à un nouvel audit d’une société luxembourgeoise ou d’un organisme international comme l’OCDE, qui recommande sa réorganisation, voire sa privatisation. Leparlement encourage ensuite le gouvernement à suivre cette voie, puisplus rien, jusqu’à la prochaine crise.

« L’Adem doit clairement, dans le processus de réformes structurelles en cours, prendre en compte les remarques du médiateur, qui recoupent celle de l’OCDE, »concède le ministre Biltgen dans sa prise de position, avant d’annoncer la finalisation d’un projet de loi de réforme. Et de regretter qu’il ne trouve pas de consensus politique pour la transformation de l’Adem en établissement public, « que je continueà préconiser ». 

La réforme annoncée concernera ainsi avant tout deux questions depersonnel. Premièrement, elle suivra le médiateur dans ses recommandations de revoir la carrière du placeur, qui devrait être mieux outillé et mieux formé pour encadrer les demandeurs d’emploi. Et deuxièmement, elle visera à doter l’Adem d’effectifs supplémentaires. 

Car ces dernières années, toutes les nouvelles lois pour lutter contre le chômage, que ce soient les contrats d’activation pour jeunes ou les mesures de réinsertion professionnelle, prévoyaient une prise en charge individualisée des concernés, sans que pour cela, le personnel de l’Adem ne soit vraiment adapté à ces nouvelles charges, ne serait-cequ’en nombre. On pourrait donc aussi voir dans cette discussion publique entre le médiateur et le ministre du Travail et de l’Emploi non pas un désaveu de l’Adem, mais une tentative commune de quelque chose comme la frange sociale du CSV à rallier le reste du gouvernement, notamment le ministre du Trésor et du Budget LucFrieden (CSV), à la cause des besoins urgents d’une augmentation du personnel de l’administration. Dans les couloirs, on suppute que ce dernier a toujours préféré libérer des moyens budgétaires pour les services de son autre ministère, celui de la Justice, en annonçant notamment des recrutements impressionnants de l’ordre de plusieurs centaines de policiers en quelques années ou la création de nouveaux postes de magistrats. Le Premier ministre avait déjà annoncé le recrutement de placeurs supplémentaires lors de sa déclaration surl’état de la nation, en mai dernier. 

Vu sous cet angle, tous les acteurs disent en fait actuellement la mêmechose dans cette querelle publique, y compris la directrice de l’AdemMariette Scholtus elle-même, qui, interrogée lundi par RTL Radio Lëtzebuerg, défendait ses services, rappelant qu’ils sont loin de la norme d’un placeur pour 100 demandeurs d’emplois, préconisée pourtant par l’OCDE. Elle déplorait les procédures de recrutementde l’État, longues et rigides, et le manque de place et affirmait quel’Adem était de toute façon demanderesse d’une meilleure formation, plus pointue et adaptée, de ses placeurs.

Les accusations du médiateur devraient faire réagir les politiques d’urgence, comme celle-ci, émise dans le cadre de la lutte contre le chômage des jeunes : « L’accompagnement défaillant du demandeur d’emploi dès son inscription et le manque de collaboration entre les agents du Service de placement et le Service d’accompagnementpersonnalisé des demandeurs d’emploi font que la volonté du législateur, qui a voulu instaurer une convention d’activation personnalisée et adaptée au profil de chaque demandeur reste souvent lettre morte » (page 47).

Par ailleurs, les services de Marc Fischbach sont souvent saisis par des demandeurs d’emploi individuels dans des cas de gestion administrative de leurs dossiers : perte des droits à l’indemnité de chômage pour n’avoir pas suivi une assignation, le demandeur affirmant n’avoir jamais reçu la carte d’assignation ; inadéquation des assignations par rapport aux compétences et à la formation du demandeur, délais excessifs des recours devant la Commission spéciale de réexamen… 

Dans ces cas, il s’enquiert auprès de l’Adem quant aux raisons de ses problèmes et essaie de les régler soit individuellement, soit, plus souvent, en proposant des adaptations structurelles des services de l’administration. Qui, elle, réagit de façon très agacée à ces recommandations. Pourtant, au final, ses critiques pourraient, dans lemeilleur des cas, contribuer à une amélioration de la situation personnellede l’Adem. 

Le rapport du médiateur peut être téléchargé souswww.ombudsman.lu.

josée hansen
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