Leitartikel

Fraendag  !

d'Lëtzebuerger Land vom 03.03.2017

Éviter les clichés (les femmes constituent la moitié de la population et doivent avoir les mêmes droits que les hommes, c’est une évidence ; on ne naît pas femme, on le devient ; il faut percer le plafond de verre etc.) Parler faits. Dans son rapport sur le Luxembourg, publié en début de semaine, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (Ecri) du Conseil de l’Europe, constate « une montée considérable de l’islamophobie au Luxembourg. » « Souvent, écrivent les inspecteurs de l’Ecri, l’amalgame est fait entre l’Islam, le terrorisme, le mépris de la femme et les réfugiés. » Ainsi, après les attentats à Paris en janvier 2015, des femmes portant le voile se sont fait insulter et cracher dessus et quelques « attaques violentes à l’encontre de femmes musulmanes portant le voile » ont été rapportées à l’Ecri. Les femmes migrantes, a fortiori musulmanes, cumulent les vulnérabilités dans une société marquée par un backlash des valeurs humanitaires, le Luxembourg n’y fait pas exception. C’est donc pertinent que la Plateforme Jif (journée internationale des femmes), constituée d’une vingtaine d’associations de défense des droits des femmes, ait choisi comme slogan de la journée d’action du 8 mars les droits des femmes migrantes et réfugiées et leur protection contre toute forme de violence. Pour cela, elle a développé des check-lists à l’encontre des responsables politiques et des gestionnaires des structures d’accueil, censées leur faciliter la prise en compte de tous les facteurs de protection des droits des femmes.

Hier, jeudi, le ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire Romain Schneider (LSAP) a participé, à Bruxelles, à la conférence internationale She decides, lancée par les Pays-Bas et la Belgique, lors de laquelle plusieurs pays européens se sont engagés à combler le manque de financement des organisations internationales œuvrant dans le domaine de la santé, et notamment du planning familial, que le président américain Donald Trump a suspendu comme une de ses premières actions à la Maison Blanche. « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse, disait Simone de Beauvoir, pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Les droits des femmes sont les premiers qu’on attaque partout, aux États-Unis actuellement, en Chine, en Pologne, en Russie. Ils sont un bon indicateur sur l’état de la démocratie. Les femmes en sont conscientes, elles furent les premières à battre le pavé contre les discriminations du nouveau président américain, à plusieurs millions à travers le monde, dès le lendemain de son investiture.

She decides, le slogan de l’initiative néerlandaise, devrait toujours être au centre du respect des femmes : à elles de décider si elles veulent un enfant et quand, à elles de décider si elles veulent porter le voile ou pas, travailler ou pas, entrer en politique ou pas, accéder à des postes de décision ou pas. Mais aujourd’hui, au Luxembourg aussi, les freins à cette autodétermination sont encore nombreux. Parce que ce sont souvent les hommes qui décident. Les lois, sur l’interdiction du port du voile par exemple. Mais aussi les nominations à des postes à responsabilité, comme les conseils d’administration ou les têtes de listes pour les élections qui s’annoncent. Où sont les femmes dans les débats politiques centraux, comme la réforme de la constitution ? Ce sont aussi les femmes, surtout lorsqu’elles élèvent seules leurs enfants, qui ont le plus de risques de tomber sous le seuil de pauvreté, un fait contre lequel la ministre de la Famille Corinne Cahen (DP) s’est engagée à lutter. Il est alors étonnant que le féminisme puisse être stigmatisé comme « une nouvelle religion » ou « une idéologie politique imposée par l’État » par un jeune historien à l’antenne de RTL Radio Lëtzebuerg. Décidemment, la Journée internationale des femmes reste nécessaire.

 

josée hansen
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