Thomas Zitzwitz, Suite for Spray Guns

La peinture au pistolet de pulvérisation

d'Lëtzebuerger Land du 17.10.2014

À la tombée de l’automne avec ses jours grisâtres, la Galerie Zidoun-Bossuyt propose une exposition haute en couleurs. Suite for Spray Guns est la première exposition individuelle de l’artiste allemand Thomas Zitzwitz au Luxembourg et s’annonce à la fois poétique (le titre renvoyant à une suite musicale) et éclatante.

Les grands tableaux abstraits exposés font partie de la série des Spray Paintings que Thomas Zitzwitz (né en 1964 à Sindelfingen) réalise depuis 2008 et semblent être des compositions de couleur arrangées de façon fortuite. La structure de l’espace pictural concorde toutefois avec celle d’une draperie. Différentes couches de couleur, notamment des tons bleus et jaunes, sont superposées et confèrent à l’œuvre une certaine profondeur et tridimensionnalité. L’une des peintures exposées est davantage colorée en rose ; ses deux côtés sont marqués par des bandes colorées droites. Au fond de la galerie, on découvre une série de peintures de format plus réduit et caractérisées elles aussi par des bandes colorées droites, soit verticales, soit légèrement inclinées, qui confèrent aux tableaux un aspect plus géométrique et un aspect plus rigide.

Si les peintures saisissent le spectateur de prime abord par leur coloris vif, un arrêt sur l’image révèle que les couleurs ont été appliquées de façon très filigrane. La fine superposition des différentes couches de couleur rappelle certains tableaux de Paul Klee et d’autres artistes du Bauhaus qui se sont servis de pochoirs afin de disperser l’aquarelle sur la surface du papier. Thomas Zitzwitz, lui aussi, recourt à la technique de pulvérisation. Il peint ses toiles avant de les monter sur le châssis, c’est-à-dire à un état non rigide. Soit naturelles, soit préparées moyennant des rubans adhésifs délimitant certaines parties, les toiles sont étendues au sol. L’artiste pose ensuite différents objets sous le tissu afin de créer des reliefs dans sa structure. Avec un pistolet à peinture, Zitzwitz pulvérise les couleurs et les étale sur la surface. Ainsi, certaines parties bénéficient d’un coloris plus intense, alors que d’autres sont épargnées par la couleur. Une fois les toiles tendues sur le châssis, la surface garde des traces de sa forme tridimensionnelle originelle.

Dans les années 1960, Simon Hantaï radicalise la peinture en travaillant avec le pli et la toile pliée comme technique afin d’intégrer le hasard dans l’application de la couleur. Contrairement à Hantaï, qui peignait à l’aveugle et ne savait pas quelle forme définitive la couleur prendra au moment où il dépliera la toile, Thomas Zitzwitz contrôle davantage le processus de création. Pour lui, une grande importance revient au mouvement lors du processus et ainsi au temps, une importance qui s’explique par sa formation en tant qu’artiste multimédia et par l’influence du film et de la vidéo.

Les peintures de Zitzwitz semblent changer leur aspect avec le mouvement du spectateur. On peut se laisser immerger complètement par leur force visuelle ou se concentrer sur un détail, sur l’une des gouttes de couleur rappelant les millions de pixel qui composent une image digitale. Se dérobant cependant à toute référence et interprétation concrète, l’exposition Suite for Spray Guns est un pur plaisir pour l’œil de ceux qui aime les mélanges de couleur vifs.

L’exposition Thomas Zitzwitz : Suite for Spray Guns est à voir jusqu’au 8 novembre 2014 à la Galerie Zidoun-Bossuyt, située 101, rue Adolphe Fischer et ouverte de 11 à 18 heures du mardi au samedi ; www.zidoun-bossuyt.com.
Florence Thurmes
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