Microblogging

Twitter se recroqueville

d'Lëtzebuerger Land vom 02.08.2012

Twitter, le service de microblogging, a annoncé cette semaine des restrictions assez draconniennes aux conditions d’accès à ses services pour des applications tierces. La nouvelle version de son API (Application programming interface) est sensiblement moins ouverte que la précédente. La blogosphère a peu apprécié, reprochant à Twitter d’emprunter une voie qui fait fi de l’investissement de nombreux programmeurs qui ont, par leurs clients, jeux, outils de recherche et de veille, contribué au fil des ans à enrichir l’expérience Twitter et à créer un véritable écosystème évolutif.

Les conditions qui ont changé concernent notamment l’authentification des applications externes et leur accès aux données qui se trouvent sur les serveurs de Twitter, ainsi que la présentation des tweets repris par des applications externes. Certaines modifications semblent cibler en premier lieu les spams et « bots » (robots émettant automatiquement des tweets), ce qui est légitime. Mais l’obligation de présenter les tweets pratiquement de la même façon qu’ils apparaissent sur l’interface officiel de Twitter a pour conséquence d’empêcher les développeurs de clients alternatifs de se différencier à la fois de Twitter et de leurs concurrents. Twitter a identifié deux applications, Tweetbot et Echofon, comme ne répondant pas à ses nouveaux critères. Le service de microblogging a aussi indiqué vouloir à l’avenir « certifier » les applications Twitter préinstallées sur des appareils tels que smartphones ou tablettes, à partir de seuils : 100 000 utilisateurs pour les nouvelles applications, et le double de leurs utilisateurs actuels pour les applications existantes.

L’authentification est instaurée pour tous les services qui recueillent des données en masse sur Twitter à différentes fins, notamment à des fins de veille ou de recherche. Il s’agit d’une contrainte mineure, qui n’entrera en vigueur qu’en mars de l’an prochain, mais qui peut notamment gêner les moteurs de recherche et services de veille par mots-clé qui écument la twittosphère. En même temps, Twitter entend limiter la fréquence des consultations de l’API par des applications tierces.

Ces évolutions ont été jugées plutôt décevantes. On comprend que Twitter ait besoin de se protéger de programmeurs indélicats et des robots qui cherchent parfois ouvertement à le mettre en échec. Mais on subodore aussi la tentation de Twitter d’empêcher des intervenants extérieurs de gagner de l’argent « sur son dos ». En réalité, même ceux qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu en écrivant des applications pour Twitter ont grandement contribué à son attrait et à son succès. Certes, Twitter reste un réseau social fondamentalement plus ouvert que Facebook, et l’on n’en est pas non plus encore aux conditions sévères qui règnent sur l’AppStore d’Apple. Mais, sans doute pour garder la main et s’adjuger par avance une plus grande part des bénéfices qui pourraient un jour être tirés de son service, Twitter choisit de tourner le dos à une importante communauté de développeurs séduits par le caractère ouvert et dynamique de la plateforme.

Même parmi les utilisateurs, ces restrictions peuvent avoir un effet de découragement. Si par exemple leur client favori est contraint d’adopter un look cent pour cent identique à celui de la plateforme officielle de Twitter, leur déception peut les amener à estimer que l’âge d’or du service est révolu et à chercher un autre réseau social répondant davantage à leurs attentes. Le succès de Tumblr, Instagram ou Pinterest par exemple montrent que le dernier mot n’a pas été dit en matière de réseaux sociaux et que de nouvelles idées, même si elles explorent des créneaux en apparence plus spécifiques, peuvent rapidement devenir une coqueluche et attirer des essaims massifs d’internautes avides d’interactions innovantes. La quasi-institutionnalisation de Twitter ne garantit pas sa perennité, et le service ferait bien de prendre en compte les récriminations de ses utilisateurs les plus pointus s’il veut conserver son attrait.

Jean Lasar
© 2023 d’Lëtzebuerger Land