Tournage : Die Räuber

Schiller au noir

d'Lëtzebuerger Land vom 31.08.2012

« C’est un projet de Frank, c’est clair, mais cela fait déjà cinq ou six ans que je l’ai rejoint dans cette aventure. Depuis, nous avons écrit 25 versions d’un scénario qui devrait transformer Die Räuber de Schiller en une version contemporaine d’un film noir. » Ainsi parle Pol Cruchten, qui produit actuellement, avec sa société Red Lion, la version cinématographique et contemporaine de Die Räuber, tout en aidant Frank Hoffmann dans son travail de réalisation et d’écriture. Hoffmann, qui n’avait plus réalisé de film depuis son Schacko Klak de 1990, s’est longuement préparé à cette transposition de Schiller au grand écran.

Lors d’une soirée de tournage au musée de la Villa Vauban, qui réunissait une quarantaine de figurants, ainsi qu’Isild Le Besco et Maximiliam Schell, Frank Hoffmann s’est rappelé son expérience d’il y a 22 ans : « Schacko Klak c’était autre chose, une affaire partagée à deux, entre Paul Kieffer et moi. Cette fois je porte le chapeau, mais c’est le luxe d’une responsabilité que j’ai pu préparer pendant des années, en continuant mon travail au théâtre. »

Pol Cruchten a rejoint le projet à la demande de Frank Hoffmann et il s’y est préparé à sa manière. Pour se remettre dans l’ambiance du film noir, il a visionné quelque 55 films de genre allant des anciens comme Jacques Tourneur, aux plus récents comme Michael Mann. Et il est intéressant d’observer les deux personnages sur le tournage. Cruchten, blotti derrière son écran de contrôle, à s’imaginer cette image-vidéo sur grand écran et Hoffmann en train de se faufiler entre les figurants, en mouvement permanent, entrecoupé de petits stops qu’il utilise pour construire sa direction d’acteurs. Il y a dans cette dialectique des comportements sur le plateau, le reflet de deux mondes : celui du théâtre et celui du cinéma, celui du monde resserré dans le cadre de la caméra et celui du macrocosme qui peut s’installer dans un face-à-face d’acteurs.

Pol Cruchten parle de l’action et de la mise en scène, du mouvement des corps mis à plat sur son découpage des scènes, alors que Frank Hoffmann nous parle de drames humains qui se réalisent dans un contexte de conflit fratricide, pendant que le prétexte du monde de la finance dans lequel ils ont transposé la pièce de Schiller, semble parfois secondaire à son approche de la réalisation. « Je veux aller vers l’élémentaire, tout en réalisant un film pour le grand public. Il ne faudra pas regarder cette version comme une transposition académique, mais bien plus comme du cinéma d’aujourd’hui. », affirme le directeur des Ruhrfestspiele de Recklinghausen, Frank Hoffmann.

Die Räuber est une co-production entre Red Lion de Luxembourg, Coin film de Cologne et des Belges de Novak prod, qui s’occuperont essentiellement de la postproduction. Pol Cruchten insiste sur le fait que ce tournage n’aurait pas été possible sans le partenariat avec les Allemands, tout en précisant que Frank Hoffmann a pu faire passer sa préférence pour Maximilian Schell, alors que Mario Adorf était pressenti pour le rôle du patriarche Moor, qui s’appellera Escher dans la version cinématographique. Die Räuber sera interprété par un casting international, Maximillian Schell et Isild Le Besco y seront rejoints par Eric Caravaca, qui avait déjà joué Die Räuber au théâtre en 1998, ainsi que Robinson Stévenin qui joueront les frères ennemis. Les brigands seront menés par Tcheky Karyo, et formeront une bande incongrue d’acteurs locaux comme Luc Schiltz, Mickey Hardt, Marc Baum et Serge Wolf.

Die Räuber devrait sortir en 2013, alors que le tournage va se terminer au Luxembourg après deux semaines déjà passées en Allemagne. Frank Hoffmann veut en faire un film profond et il n’hésite pas à réécrire les scènes et dialogues à plusieurs reprises avant de tourner. Et les plans de tournage achrones lui permettent de « réparer » ce dont on ne pouvait se douter avant le tournage en soi. Vers le début de la nuit, Maximilian Schell est là, et personne ne l’a vu entrer. Il se retire sur un banc de musée avec ses bouts de dialogue.

Christian Mosar
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