Chronique Internet

Fin de partie calamiteuse pour Google+

d'Lëtzebuerger Land vom 12.10.2018

Google+, le réseau social lancé en grande fanfare en 2011 par le moteur de recherche qui espérait grâce à lui enfin sérieusement concurrencer Facebook, cessera de fonctionner pour le grand public en août 2019. Cette annonce n’est pas vraiment une surprise, Google+ n’ayant jamais vraiment trouvé son public et la firme de Mountain View ayant cessé il y a belle lurette de le promouvoir. Et même si on ne compte plus les applications lancées par Google que celui-ci a abandonnées en cours de route, la fermeture programmée de Google+ n’en constitue pas moins un échec cuisant sur un marché qui reste éminemment porteur.

Google+ n’a pas été la première tentative de Google d’occuper le terrain des réseaux sociaux. Il y avait auparavant eu Buzz, lancé en 2010, qui reposait sur l’idée farfelue que ses utilisateurs seraient par principe d’accord pour partager l’ensemble de leurs données avec tous ceux avec qui ils allaient interagir sur le Net. Buzz n’avait duré qu’un an. Auparavant, il y avait eu Google Friends Connect, qui tenta d’attirer des utilisateurs entre 2008 et 2012, sans grand succès. Orkut, une plateforme lancée en 2004, avait attiré davantage de monde, notamment au Brésil et en Inde, mais avait fini par fermer elle-aussi en 2014.

S’inspirant d’une des caractéristiques de Facebook que beaucoup considéraient comme un défaut, à savoir la quasi-impossibilité de segmenter ses « amis », que ce soit des proches, des connaissances ou des collègues, Google+ avait créé la notion de « Circles » grâce auxquels l’utilisateur contrôlait mieux avec qui il partageait des contenus. Les « hangouts », lieux de rencontre virtuels bénéficiant du meilleur de la technologie Google, étaient censés compléter l’offre et attirer les déçus de Facebook. Une promesse qui ne s’est jamais réalisée, sans doute parce que Google n’a pas réussi à enthousiasmer ses utilisateurs pour le service, auquel ils avaient accès dès lorsqu’ils s’enregistraient pour d’autres services comme Gmail ou YouTube, mais qu’ils considéraient généralement comme une ville fantôme selon l’expression utilisée déjà en 2014 par le New York Times. Les services Google Photos et Hangouts ont été séparés ces dernières années de Google+ et continueront donc d’exister.

La fin de partie pour Google+ est d’autant plus calamiteuse qu’elle intervient comme une sorte de post-scriptum à une de ces alertes de sécurité qui constituent désormais le pain quotidien des internautes : Google a indiqué avoir découvert un bug susceptible d’avoir compromis les données personnelles d’un demi-million d’utilisateurs. La société a indiqué avoir découvert le problème au mois de mars et y avoir remédié sans pouvoir être sûr que le bug ait été découvert par les développeurs d’applications tierces qui y avaient accès et utilisé par ceux-ci pour s’approprier ces données. C’est la raison pour laquelle la faille n’avait pas été divulguée à l’époque de sa découverte et de sa résolution, a expliqué Google – le Wall Street Journal croit toutefois savoir que la firme avait préféré attendre que la tourmente causée par le scandale des données détournées de dizaines de millions d’utilisateurs Facebook s’estompe avant de porter l’affaire à la connaissance du public.

Dans l’ensemble, Google a pour l’instant réussi à sauvegarder une image de géant de la technologie quelque peu respectueux de la sphère privée de ses utilisateurs, en tout cas en comparaison avec Facebook et d’autres firmes comme Equifax ou Ashley Madison. N’empêche que le fait que cette annonce intervient plus d’une demi-année après les faits pose problème, la transparence en cas de faille étant un des éléments les plus critiques pour préserver la confiance des internautes. Les dégâts réputationnels resteront sans doute limités pour Google, Google+ étant somme toute une plateforme insignifiante du point de vue du temps passé dessus par ses utilisateurs et la gestion de l’incident par la firme étant critiquable, mais pas nécessairement scandaleuse.

Jean Lasar
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