Réforme du divorce

La révolution selon Christine

d'Lëtzebuerger Land vom 16.04.2009

« C’est formidable ! Les modifications que nous allons faire en matière de divorce vont provoquer un début de changement les mentalités, »  s’enthousiasme la députée CSV Christine Doerner. La sous-commission « divorce » de la commission juridique dont elle a la charge, s’active depuis six mois à clôturer un gros dossier : la réforme du divorce et la responsabilité parentale (d’Land, 21 novembre 2008). Il n’implique pas moins de deux projets de loi et quatre propositions de loi1. C’est dire si la situation actuelle ne correspond plus à la réalité. Or, le gouvernement a encore échoué dans sa tentative de régler ces questions, car malgré les efforts des députés, il ne sera plus possible de clôturer les travaux parlementaires avant les élections en juin. Les députés réussiront tout au plus à formuler leurs amendements et à les soumettre au Conseil d’État. 

La révolution selon Christine Doerner commence au moment du mariage et concerne l’éternelle discussion autour du partage des droits à la pension dans les cas où un des époux abandonne sa carrière pour s’occuper du foyer et/ou des enfants. Les députés comptent modifier le code civil et y ajouter que l’autre époux est non seulement « obligé de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie », mais aussi de lui assurer « une compensation en cas de perte subie dans la carrière d’assurance pension de vieillesse en cas de divorce ou de séparation de corps ». Soit le couple décide de continuer à cotiser pendant son mariage, soit l’affaire sera tranchée au moment du divorce, lors de la liquidation du patrimoine commun – pour autant qu’il y ait quelque chose à écouler. 

Avant le partage, la somme perçue devra obligatoirement servir au rachat des droits à la pension. En cas de mariage sous régime de séparation des biens, c’est au conjoint qui n’a pas interrompu sa carrière de payer le montant nécessaire. Une idée simple en principe, mais la question des situations actuelles n’est toujours pas résolue. Il faudra attendre encore au moins une année avant que cette proposition ait force de loi – pour autant qu’elle aboutisse. Jusque-là, les femmes (en majorité) divorcées qui n’ont pas su qu’elles allaient perdre leurs droits à la pension lorsqu’elles ont fait le choix – avec leur époux – de quitter leur travail, n’auront souvent pas d’autre choix que de demander le RMG. 

La pension alimentaire est maintenue, sauf que les critères en seront précisés. Le juge devra statuer selon l’âge et l’état de santé des époux, la durée de mariage, leur qualification et situation professionnelles face au marché du travail, leur « disponibilité pour de nouveaux emplois » et la situation financière du couple. Les époux devront faire une « déclaration de sincérité » sur leur fortune réelle qui, s’il s’avère que certains détails ont été omis d’être précises, est passible de faux. « S’il y a un soupçon, le juge pourra ordonner une expertise qui déterminera la fortune exacte du conjoint, ajoute Christine Doerner, mais les limites sont atteintes lorsque les capitaux se trouvent dans une société par exemple. » Ou bien à l’étranger. La pension alimentaire – révocable et révisable – et la prestation indemnitaire pour le rachat des droits à la pension, peuvent tout aussi bien être versées en une seule fois, sous forme de capital ou de transaction globale. Dans ce cas, le montant n’est logiquement plus révisable. En principe, il deviendra donc plus intéressant de recourir à ces alternatives-là que de compter sur le versement régulier d’une pension alimentaire qui dépend en pratique très souvent de la bonne volonté et de la loyauté du débiteur.

Le projet de loi prévoit aussi de laisser au juge la possibilité d’accorder un droit de jouissance du logement commun au parent qui s’occupe des enfants – même si le conjoint en est le propriétaire. Cette disposition est limitée à deux ans lorsqu’il y a des enfants de moins de douze ans. Le résidant devra aussi verser une indemnité d’occupation à son ex-partenaire.

« Une autre révolution, c’est que la liquidation des biens se fait parallèlement au divorce, car en réalité, c’est sur ce point-là que la situation s’envenime pour beaucoup, » ajoute Christine Doerner. Lorsque le couple divorce par consentement mutuel, l’inventaire des biens mobiliers et immobiliers devra, dès le début, figurer dans la convention soumise à l’approbation du juge. En cas de divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales (qui remplace le divorce pour faute), l’assignation contient également une proposition de règlement des intérêts concernant la personne, les secours et les biens des époux. Si la liquidation ne se fait pas en six mois après le prononcé du divorce, le notaire liquidateur en informe le juge qui pourra accorder un nouveau délai de six mois. Si l’affaire n’est toujours pas réglée après cette période, le notaire s’adresse une nouvelle fois au tribunal qui statuera sur les contestations des parties. D’une part, toute la procédure de divorce devrait être réduite considérablement par rapport à aujour­d’hui, ce qui pourrait avoir pour conséquence la pacification des relations entre les futurs ex-époux – en tout cas, c’est le but affiché du projet de loi. Surtout que le principe de médiation civile sera lui aussi intégré au texte.

La situation des enfants communs est sans aucun doute le point le plus délicat à régler. C’est pour cette raison que l’intérêt de l’enfant doit se retrouver à l’avant-plan, alors que jusqu’ici, les débats se concentraient surtout sur les droits des adultes. Le souci principal des députés est d’introduire la responsabilité parentale conjointe qui force les parents à s’impliquer dans l’éducation et le développement des enfants au-delà de la rupture de leur couple – ce principe concerne tous les parents, qu’ils aient été mariés, pacsés ou en union libre. La convention dressée lors du divorce par consentement mutuel devra aussi régler la question de la responsabilité parentale sur les enfants mineurs et la contribution financière des parents à leur entretien et à leur éducation. Cette convention sera ensuite homologuée par le juge des tutelles. Pour les autres, cette question sera réglée par le juge statuant sur le divorce, qui tiendra compte d’un accord éventuel entre les parents, la situation telle qu’elle s’est présentée avant divorce, l’aptitude des parents à assumer leur rôle éducatif et leur attitude et leur comportement vis-à-vis de l’autre parent. Les enfants auront aussi le droit de s’exprimer devant le juge et d’être assistés par un avocat. Une tâche difficile de fin psychologue pour le magistrat, qui aura aussi comme tâche de viser le maintien des relations avec des tiers qui ne sont pas des membres de la famille.

La possibilité d’hébergement alterné sera  introduite officiellement – une avancée qui permettra de maintenir et de renforcer des liens avec les deux parents, selon Christine Doerner. 

Mais même si un des parents est privé de l’exercice de la responsabilité parentale, il gardera le droit d’être informé sur les grandes décisions concernant l’enfant : les questions sur l’éducation, la religion, la santé. Il gardera aussi l’obligation de continuer la relation avec son enfant. Ce qui sera sans doute difficile à mettre en musique en cas de désintérêt de part et d’autres. Une loi peut-elle imposer des liens affectifs ?  Surtout que l’histoire qui s’est déroulée dans une famille pendant des années avant le divorce risque de plomber toutes les bonnes intentions. Dans les cas les plus lourds, ces dispositions voulant forcer le maintien de liens distendus peut même s’avérer contreproductives. 

Dans ce contexte, il est important que le juge connaisse les tenants et aboutissants de l’histoire d’un couple. C’est la raison pour laquelle il ne fait pas de sens de laisser trancher un autre juge sur le droit de garde ou sur le montant des pensions alimentaires pour l’enfant que celui qui émet un jugement de divorce. Les magistrats luxembourgeois avaient d’ailleurs émis un avis dans ce sens, plaidant pour la création d’une juridiction familiale avec des juges aux affaires familiales, comme c’est le cas en France notamment (d’Land, 6 mars 2009). Cette nouvelle juridiction permettrait aussi aux justiciables de s’y retrouver plus facilement. La commission juridique semble être du même avis. 

Or, si l’on considère les retards à l’allumage des réformes urgentes en matière de fonctionnement de la justice luxembourgeoise, il serait préférable de ne pas lier la réforme du divorce à celles-ci, sinon elle risque de s’embourber à nouveau et pour longtemps.

1 Projet de loi portant réforme du divorce, projet de loi relatif à la responsabilité parentale, proposition de loi portant introduction de la médiation civile et commerciale dans le Nouveau Code de Procédure Civile, proposition de loi relative à l’exercice conjoint de l’autorité parentale, proposition de loi portant réforme de l’autorité parentale et instaurant la permanence du couple parental, proposition de loi portant réforme du droit de filiation et instituant l’exercice conjoint de l’au­to­rité parentale.

anne heniqui
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